Solennité du Saint Sacrement

Première lecture

Lecture du livre de la Genèse (XIV 18-20)[1]

Comme Abraham revenait d'une expédition victorieuse contre quatre rois[2], Melkisédek[3], roi de Salem[4], fit apporter du pain et du vin ; il était prêtre du Dieu très-haut. Il prononça cette bénédiction : « Béni soit Abraham par le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre ; et béni soit le Dieu très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains ». Et Abraham lui fit hommage du dixième de tout ce qu'il avait pris.


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Ce texte a été retenu ici à cause d'une curieuse allusion à un rite d'offrande de pain et de vin. Ce rite encore très primitif est déjà constitué des deux éléments de la Cène : l'offrande du pain et du vin, puis la bénédiction. Jésus offre et dit une bénédiction qui a l'énergie de faire du pain et du vin le sacrement de son corps livré et de son sang versé. D'autre part, Abraham, par un geste très humble, prophétise en Melkisédek, roi de Salem, la lignée davidique d’où naît Jésus-Christ et la Nouvelle Jérusalem. L'offrande de Melkisédeck, roi-prêtre, figure et annonce de l'Eucharistie. La bénédiction donne sens à l'offrande : en retour de la bénédiction de Dieu sur l'homme, celui-ci offre à son tour. Le sacerdoce mystérieux de Melkisèdek préfigure celui du Christ (Hébreux, VII). Du Christ aussi on peut dire qu'il « était déjà en germe dans les reins de son ancêtre » (Hébreux, VII 10). La même lettre aux Hébreux note les deux signes du Royaume eschatologique : la Paix (Salem) et la Justice.

[2] « Au temps d'Amraphel roi de Shinéar, d'Aryok roi d'Ellasar, de Kedor-Laomer roi d'Elam et de Tidéal roi des Goyim, ceux-ci firent la guerre contre Béra roi de Sodome, Birsha roi de Gomorrhe, Shinéab roi d'Adma, Shémeéber roi de Ceboyim et le roi de Béla, c'est-à-dire de Coar. Ces derniers se liguèrent dans la vallée de Siddim, c'est-à-dire la mer du Sel. Douze ans ils avaient été soumis à Kedor-Laomer mais, la treizième année, ils se révoltèrent. En la quatorzième année, arrivèrent Kedor-Laomer et les rois qui étaient avec lui. Ils battirent les Rephaïm à Ashterot-Qarnayim, les Zuzim à Ham, les Emim dans la plaine de Qiryatayim, les Horites dans les montagnes de Séïr jusqu'à El-Parân, qui est à la limite du désert. Ils firent un mouvement tournant et vinrent à la Source du Jugement, c'est-à-dire Cadès ; ils battirent tout le territoire des Amalécites et aussi les Amorites qui habitaient Haçaçôn-Tamar. Alors le roi de Sodome, le roi de Gomorrhe, le roi d'Adma, le roi de Ceboyim et le roi de Béla, c'est-à-dire de Coar, s'ébranlèrent et se rangèrent en bataille contre eux dans la vallée de Siddim, contre Kedor-Laomer roi d'Elam, Tidéal roi des Goyim, Amraphel roi de Shinéar et Aryok roi d'Ellasar: quatre rois contre cinq ! Or la vallée de Siddim était pleine de puits de bitume; dans leur fuite, le roi de Sodome et le roi de Gomorrhe y tombèrent, et le reste se réfugia dans la montagne. Les vainqueurs prirent tous les biens de Sodome et de Gomorrhe et tous leurs vivres, et s'en allèrent. Ils prirent aussi Lot et ses biens (le neveu d'Abram), et s'en allèrent; il habitait Sodome. Un rescapé vint informer Abram l'Hébreu, qui demeurait au Chêne de l'Amorite Mambré, frère d'Eshkol et d'Aner; ils étaient les alliés d'Abram. Quand Abram apprit que son parent était emmené captif, il leva ses partisans, ses familiers, au nombre de 318, et mena la poursuite jusqu'à Dan. Il les attaqua de nuit en ordre dispersé, lui et ses gens, il les battit et les poursuivit jusqu'à Hoba, au nord de Damas. Il reprit tous les biens, et aussi son parent Lot et ses biens, ainsi que les femmes et les gens.Quand Abram revint après avoir battu Kedor-Laomer et les rois qui étaient avec lui, le roi de Sodome alla à sa rencontre dans la vallée de Shavé, c'est-à-dire la vallée du Roi » (livre de la Genèse, XIV 1-17).

[3] Melkisédek dont l’Ecriture dit qu’il était roi de Salem et prêtre du Très-Haut (El-Elyon), est une figure de Jésus-Messie, roi et prêtre (psaume CX 4), thème que développe longuement l'épître aux Hébreux qui répute le Christ prêtre « selon l'ordre de Melkisédeck », sacerdoce supérieur au sacerdoce lévitique. L'ancêtre du grand prêtre juif, Lévi, descendait d'Abraham (qui le portait dans ses « reins »). Si Abraham avait reçu de Melkisédeck une bénédiction, c’est qu'il lui était inférieur. Donc le grand prêtre juif était inférieur à Melkisédeck. Le sacerdoce lévitique n'avait rien de définitif, il appelait le sacerdoce absolu de la Nouvelle Alliance. Jésus est l'accomplissement de ce sacerdoce, il est le souverain prêtre selon l'ordre de Melchisédeck. « Nous ne pouvons douter que Melkisédeck ne fût la figure du Christ (…) Il était la figure du Christ en ceci qu’il était le prêtre du Très-Haut, qu’il offrit du pain et du vin, qu’il bénit Abraham. Qui fut autant que Notre-Seigneur Jésus-Christ prêtre du Très-Haut ? Comme Melkisédeck ce prêtre offrit du pain et du vin, c’est-à-dire son corps et son sang. Cette bénédiction donnée par Melkisédeck à Abraham se rapportait à tout le peuple des croyants ; ainsi la bénédiction donnée par Jésus-Christ s’étendra à tous les peuples (…) Pour pouvoir bénir Abraham avec autorité, Melkisédeck fit précéder sa bénédiction de l’image du sacrifice de Jésus-Christ dans le pain et le vin qu’il offrit : c’est cette figfure que Jésus-Christ réalisait quand il offrait le pain et le calice de vin mêlé d’eau (saint Cyprien : épître LXIII).

[4] Les traditions (juive et chrétienne) ont eu tendance à identifier Salem (la ville de la paix) avec Jérusalem (psaume LXXVI 3).