6ème dimanche de Pâques - Année C

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Jean (XIV 23-29).

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole[1], et mon Père l'aimera, et nous viendrons vers lui et nous ferons chez lui notre demeure[2]. Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles[3]. Or, la parole que vous entendez n'est pas de moi  mais du Père qui m'a envoyé. Je vous ai dit cela quand que je demeurais auprès de vous. Mais le Paraclet [4], l'Esprit Saint qu’enverra le Père en mon Nom, lui, vous enseignera tout, et il vous rappellera tout ce que moi je vous ai dit.

Je vous laisse la paix, c'est ma paix que je vous donne ; ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne se trouble ni ne s’intimide. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m'en vais et je viens vers vous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais vers le Père, car le Père est plus grand que moi[5]. Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu'elles n'arrivent , pour que, lorsqu'elles arriveront, vous croyiez ».


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Si l’on demande à l’un d’entre vous s’il aime Dieu, il répondra oui, en toute confiance et sérénité d'âme. Or vous avez entendu ce qui a été dit au début de cette lecture : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole ». On ne prouve son amour qu'en le manifestant par des actes. D'où cette autre phrase de saint Jean dans son épître : « Si quelqu'un dit : J'aime Dieu, et qu'il n'observe pas ses commandements, c'est un menteur » (I Jean, IV 20). En effet, nous aimons vraiment Dieu, si, selon ses commandements, nous luttons contre nos passions ; celui qui conserve des désirs interdits n'aime pas Dieu véritablement, puisque sa volonté s'oppose à lui (saint Grégoire le Grand : homélie XXX sur les péricopes évangéliques).

[2] Voilà la cause de la différence des manières d'être de Jésus à l’égard du monde et à l'égard de ses disciples : ceux-ci aiment, et le monde n'aime pas. C'est l'amour qui sépare les saints d'avec le monde. Cette manifestation intérieure, la manifestation du Père et de l'Esprit Saint n'existe pas pour les impies. Ils ont pu voir le Fils quand il est apparu dans la chair ; cette apparition ne peut être que passagère : ils le verront au jour du jugement, pour recevoir leur condamnation ; mais cette manifestation des personnes divines qui remplissent l’âme de leur présence, ils ne la connaissent pas. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit viennent à nous quand nous venons à eux ; ils demeurent en nous comme dans un temple. Ils viennent à nous en nous apportant le secours, et nous allons à eux en l'acceptant ; ils viennent à nous en nous éclairant, et nous allons à eux en les contemplant ; ils viennent à nous en nous remplissant de leur présence, et nous allons à eux en les accueillant. Leur venue en nous est un séjour permanent, et la vision que nous avons d'eux est une vision intérieure (saint Augustin, « Tractatus in Johannis evangelium », LXXVI 2-3).

[3] Songez-y, frères très aimés, quelle fête que de recevoir Dieu dans la demeure de son cœur ! Si un ami riche et puissant voulait entrer chez vous, la maison entière serait évidemment nettoyée, pour que rien ne puisse choquer son regard à son entrée. Que celui qui prépare pour Dieu la demeure de son âme nettoie les saletés de ses mauvaises actions. Et remarquez bien ce que dit la Vérité : « Nous viendrons, et nous ferons chez lui notre demeure. » Car il peut passer dans certains cœurs sans y faire sa demeure : ils voient bien, quand ils ont du remords, le regard de Dieu ; mais, quand vient la tentation, ils oublient l'objet de leur repentir précèdent et retombent dans leurs péchés, comme s'ils ne les avaient jamais pleurés. Au contraire, dans le cœur de celui qui aime véritablement Dieu, qui observe ses commandements, le Seigneur vient établir sa demeure, car l'amour de Dieu le remplit tant qu'il ne s'écarte pas de cet amour au moment de la tentation. C'est donc celui dont l'âme n'accepte pas d'être dominée par un plaisir mauvais qui aime véritablement Dieu ; on est d'autant plus éloigné des biens d'en haut qu'on se complaît davantage dans ceux d'en bas. D'où cette précision : « Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles. » Examinez-vous soigneusement vous-même, demandez-vous si vous aimez vraiment Dieu. Mais ne vous fiez pas à la réponse de votre cœur sans la comparer à vos actes. Quand il s'agit de l'amour du Créateur, il faut examiner sa langue, son intelligence et sa vie (saint Grégoire le Grand : homélie XXX sur les péricopes évangéliques).

[4] Le mot « Paraclet » (du grec paraklètos) ne désigne pas la nature de quelqu'un, mais sa fonction : celui qui est « appelé à côté de » (para-kaléo ; ad-vocatus) pour être l’assistant, l’avocat ou le soutien. Cette fonction est tenue auprès de nous à la fois par Jésus qui, au ciel, est « notre avocat auprès du Père, intercédant pour les pécheurs » (première lettre de saint Jean, II 1), et par le Saint-Esprit qui, ici-bas, nous révelle et défend Jésus qu’il rend présent. La venue du Paraclet est liée à l’ascension de Jésus à la droite du Père, qui marque une nouvelle forme de la présence de Dieu aux hommes : « Mieux vaut pour vous que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, le vous l’enverrai » (évangile selon saint Jean, XVI 7). Dans le discours après la Cène, Jésus annonce qu'il viendra de nouveau, non seulement à la fin des temps, mais lors des apparitions pascales qui combleront de joie les disciples. Cependant sa présence parmi les siens ne sera plus d'ordre sensible, mais « spirituel ». Si jusqu'à présent il « demeurait auprès » des siens de manière humainement sensible (évangile selon saint Jean, XIV 25), maintenant, en son nom et sur sa prière, le Père leur donnera « un autre paraclet » que Jésus enverra lui-même. Cet « autre paraclet » qui est différent de Jésus, rend Jésus présent et mène cette présence à sa perfection auprès des croyants : comme Jésus, cet « autre paraclet » est « en eux » et demeure « avec » eux à jamais. Le Paraclet est l’Esprit de vérité, l’Esprit Saint. Dans la communauté des disciples de Jésus qui est l’Eglise, le Paraclet glorifie Jésus en rappelant tout ce qu’il a enseigné de manière « à la Vérité tout entière » (évangile selon saint Jean, XVI 3) ; c’est par lui que nous comprenons tout ce que Jésus nous révélé et que l’Eglise nous enseigne. Enfin, le Paraclet ne révèle pas seulement une vérité, il s'oppose à l'erreur qu’il justifie contre le mensonge du monde.

[5] Le Père est plus grand que le Fils en tant qu'il est principe, mais non dans la nature qu'il communique. Celui qui donne est plus grand mais celui qui reçoit n'est pas moindre, puisqu'il reçoit tout (saint Hilaire de Poitiers, « De Trinitate », IX 54).