6ème dimanche de Pâques - Année C

Première lecture

Lecture du livre des Actes des Apôtres (XV 1-2 & 22-29)[1]

Certaines gens venus de Judée voulaient endoctriner les frères de l'Eglise d'Antioche[2] en leur disant : « Si vous ne recevez pas la circoncision selon la loi de Moïse[3], vous ne pouvez pas être sauvés ». Cela provoqua un conflit et des discussions assez graves entre ces gens-là et Paul et Barnabé. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question.

Finalement, les Apôtres et les Anciens décidèrent, avec toute l'Eglise, de choisir parmi eux des hommes qu'ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé. C'étaient des hommes qui avaient de l'autorité parmi les frères : Jude (appelé aussi Barsabbas)[4] et Silas[5].

Voici la lettre qu'ils leur confièrent : « Les Apôtres et les Anciens saluent fraternellement les païens convertis, leurs frères, qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie. Nous avons appris que quelques uns des nôtres, sans aucun mandat de notre part, sont allés tenir des propos qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi. Nous avons décidé à l'unanimité de choisir des hommes que nous enverrions chez vous, avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul, qui ont consacré leur vie à la cause de notre Seigneur Jésus Christ. Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit : L'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d'autres obligations que celles-ci, qui s'imposent : vous abstenir des aliments offerts aux idoles, du sang ou de la viande non saignée, et vous abstenir des unions illégitimes. En évitant tout cela, vous agirez bien. Courage ! ».


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] La très vivante communauté chrétienne d'Antioche de Syrie, celle qui est à l’origine de la fameuse équipe missionnaire conduite par saint Paul et par saint Barnabé, se trouve en émoi et même divisée : certains de ses notables, sans doute d'origine pharisienne, ont réussi à persuader un groupe de membres de cette communauté qu'il ne faut pas accepter au baptême des païens sans les avoir fait passer préalablement par la circoncision avec ce qu'elle implique, l’observance de la loi de Moïse. Pourtant la communauté d'Antioche tout entière ne s'était-elle pas réjouie lorsque les saints Paul et Barnabé, revenant de leur première mission, lui avaient raconté comment Dieu avait ouvert la porte de la foi aux païens ? La solide communauté d'Antioche vacille. En rapportant ces faits, saint Luc suggère que la vie ecclésiale, si l'on n'y prend garde, peut facilement être troublée. La vigilance s'impose. Pour résoudre le différend, une délégation se rend auprès de l'Eglise-mère de Jérusalem. La confrontation entre partisans et adversaires de la circoncision a lieu en présence des saint apôtres Pierre et Jacques. Il faut toute la prudence de saint Jacques pour parvenir à un compromis qui respecte tout de même les expériences de saint Pierre et de saint Paul, et qui ne froisse pas la sensibilité des judéo-chrétiens. On a donné le nom de « concile de Jérusalem » à cette rencontre. Le décret entérine définitivement le fait de l'ouverture aux païens

[2] Antioche de Syrie ou Antioche sur l'Oronte (l’actuelle Antakya turque), fut la capitale des Séleucides, fondée par Séleucus I° Nicator, le 22 mai 300 avant Jésus-Christ, en l'honneur de son père, Antiochus. Elle devint la plus grande ville d'Asie en raison de sa position privilégiée : nœud de routes vers l'Asie Mineure la Haute-Syrie, la Mésopotamie et l'Egypte ; accés facile vers la Méditerranée (à vingt-deux kilomètres) par le fleuve Oronte sur la rive gauche duquel elle fut construite. D’abord peuplée par 10 000 colons gréco-macédoniens, elle attira vite une population indigène pour laquelle on établit un second quartier ; Antiochus III en créa ensuite un troisième, Néapolis, et Antiochus IV un quatrième, Epiphaneia. A l'époque romaine, avec près de 400 000 habitants, elle était, après Rome et Alexandrie, la troisième ville de l’Empire. Centre important de la Diaspora : le grand prêtre Onias III qui s'y réfugie après sa destitution, y est assassiné vers 170 (deuxième livre des Maccabées, IV 34). Après la lapidation de saint Etienne, des chrétiens de Jérusalem se réfugièrent à Antioche où ils entreprirent d’évangéliser les Juifs ; d’autres chrétiens, Chypriotes et Cyrénéens, s'adressèrent aux païens. C'est à Antioche que, pour la première fois, les disciples de Jésus auraient reçu le nom de chrétiens (livre des Actes des Apôtres, XI 26). L'organisation de la nouvelle communauté fut confiée à Barnabé qui, pendant un an, se fit seconder par Paul (Actes des Apôtres, XI 19-26). Antioche est la première église où dominent les païens. L'entrée de païens dans l’Eglise posait de nombreux problèmes aux judéo-chrétiens dont certains prétendaient leur imposer au préalable les prescriptions de la loi mosaïque (la circoncision et les règles de pureté alimentaires). Saint Pierre, s'étant rendu à Antioche, avait commencé par partager la table - et par conséquent la commémoration de la cène du Seigneur - avec des paiens convertis, puis s'en était écarté par crainte des judéo-chrétiens. Cet « incident d'Antioche » (Galates, II 11-14) fut à 1'origine du « concile » de Jérusalem (Actes des Apôtres, XV). La communauté très active qui comprenait des « prophètes » et des « docteurs », envoya bientôt des missionnaires vers l'Asie Mineure, Chypre et la Grèce. C'est d'Antioche, où il sera resté un an, que saint Paul partira avec Barnabé pour son premier voyage missionaire (livre des Actes des Apôtres, XI 26 & XIII 3) et qu'il reviendra pour rendre compte de son apostolat (livre des Actes des Apôtres, XIV 26-27). Saint Paul revint à Antioche encore à la fin de son second voyage (livre des Actes des Apôtres, XVIII 22-23).

[3] La circoncision est l’ablation du prépuce, exécutée avec un silex ou un couteau de pierre (livre de Josué, V 3), ce qui indique une origine antérieure à l'âge du Bronze. Au temps de Jésus, la circoncision qui a lieu huit jours après la naissance (évangile selon saint Luc, I 59 & II 21), est le signe de l’appartenance ou de l’agrégation à la descendance d’Abraham. La circoncision, dans les rapports de Dieu avec Abraham, est avant tout comprise comme un signe et un rite d’alliance : « Vous serez circoncis dans la chair de votre prépuce, et ce sezra le signe de l’alliance entre moi et vous » (livre de la Genèse, XVII 11).

[4] Jude, surnommé Barsabbas, n’est pas à confondre avec le saint apôtre Jude qui est surnommé Thaddhée, ni avec Joseph Barsabbas (sirnommé Justus) qui est candidat à la succession de Judas Iscariote à quoi saint Matthias est élu. Sans doute était-il du nombre des soixante-douze disciples qui avaient accompagné Jésus pendant sa vie publique. On suppose qu’après la Pentecôte il prêcha en divers lieux, puis revint à Jerusalem ; les traditions assurent qu’il prêcha conjointement avec les apôtres en Judée. Au concile de Jérusalem, il fut député, avec Silas, par les apôtres mêmes, auprès des chrétiens d'Antioche, pour leur faire accepter les décisions du concile. Les traditions disent qu’il resta quelque temps en Judée avec les apôtres, visitant avec eux les églises ; il accompagna saint Pierre à Antioche, s'embarqua l'année suivante pour l'île de Chypre, et, après avoir visité Rome avec saint Pierre, il partit pour l'Espagne avec Epenætus, Marcellus, Apollinaire, Barnabé et d'autres compagnons. De là, dit-on, Jude Barsabbas revint en Palestine, par l’Afrique et l’Egypte. Enfin, d'après les hagiographes abyssins et orientaux, et le synaxaire des Grecs, saint Jude Barsabbas, ayant prêché l’Evangile en Orient et étant arrivé à Arara, ville d'Arménie, il fut suspendu à un arbre par les infidèles et percé de flèches.

[5] Silas (ou Sylvain), citoyen romain, est un juif helléniste de l'Eglise de Jérusalem où il est prophète (c'est-à-dire prédicateur). Délégué, avec Jude Barsabbas, pour communiquer les décisions de Jérusalem à la communauté d'Antioche de Syrie, il demeure à Antioche jusqu'à ce qu'il accompagne saint Paul dans son deuxième voyage missionnaire. Battu et emprisonné avec saint Paul, à Philippes, il s'arrête, tandis que saint Paul gagne Athènes, à Bérée d'où il le rejoindra Corinthe. Outre dans les Actes des Apôtres et la deuxième épître aux Thessaloniciens, il est encore cité dans la deuxième épître aux Corinthiens et dans la première épître de saint Pierre (« je vous écris par Silvanus, notre frère fidèle », V 12). Saint Jérôme affirme qu'il a été nommé apôtre par les apôtres. Il est fêté le 13 juillet.