5e dimanche de Carême

Epître

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens (III 8-14)[1]

Frères, tous les avantages que j'avais autrefois, je les considère maintenant comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j'ai tout perdu ; je considère tout comme des balayures, en vue d'un seul avantage, le Christ, en qui Dieu me reconnaîtra comme juste. Cette justice ne vient pas de moi-même - c'est-à-dire de mon obéissance à la loi de Moïse - mais de la foi au Christ : c'est la justice qui vient de Dieu et qui est fondée sur la foi. Il s'agit de connaître le Christ, d'éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en reproduisant en moi sa mort, dans l'espoir de parvenir, moi aussi, à ressusciter d'entre les morts. Certes, je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore au bout, mais je poursuis ma course pour saisir tout cela, comme j'ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, je ne pense pas l'avoir déjà saisi. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l'avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Saint Paul se défend contre des gens qui l’ont dénigré auprès des chrétiens de Philippe : « Prenez garde aux chiens ! Prenez garde aux mauvais ouvriers ! Prenez garde aux faux circoncis ! » (épître aux Philippiens, III 2). Puisque ses adversaires lui reprochent d'avoir rompu avec le judaïsme, il a commencé par décliner ses titres : « circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu, fils d'Hébreu ; pour le zèle, persécuteur de l'Eglise ; pour la justice qu'on trouve dans la loi, irréprochable » (épître aux Philippiens, III 5-6). Et il poursuit : « Or toutes ces choses qui pour moi étaient des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ » (épître aux Philippiens, III 7). Il a fait la rencontre du Christ qui a bouleversé sa vie et, maintenant, c'est le Christ qui est au centre de sa foi. L'important est désormais pour lui d’avoir la connaissance du Christ, de saisir celui qui l'a saisi sur le chemin de Damas. Il ne s’agit plus d’être intéressé aux performances de la pratique de la loi, mais de suivre Jésus, de faire avec lui le même passage, le même exode vers la résurrection des morts. La logique de saint Paul n'est pas celle de ses adversaires : la « connaissance » du Christ l'emporte sur toute autre chose, même la loi. Cet extrait de l'épître aux Philippiens exprime tout le dynamisme de la vie chrétienne : entrer dans la passion et la mort du Christ pour avoir part, un jour, à sa résurrection. Ce « passage », cette pâque, que chacun d'entre nous a déjà vécu fondamentalement au baptême (épître aux Romains VI 3-5),  se déploiera pleinement quand notre être tout entier connaîtra la libération définitive des servitudes du péché, de la souffrance et de la mort, par la participation intégrale à la gloire du Ressuscité. Entre ces deux échéances, le chrétien poursuit sa course. Comme saint Paul, il est déjà « saisi par le Christ » ; comme lui il doit oublier « tout ce qui est en arrière » (la captivité du péché et des valeurs frelatées) et avancer tendu vers l'avant (la vie avec le Christ, au sein de la création régénérée, qui, elle aussi, attend le jour de sa délivrance, celui de la « révélation des fils de Dieu » épître aux Romains VIII 19).