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4e dimanche de Carême (de Laetare)
Evangile
Suite du saint Évangile de
notre Seigneur Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l'écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils[1]. Le plus jeune dit à son père : Père, donne-moi la part[2] de l'héritage qui me revient[3]. Et le père fit le partage de ses biens[4]. Peu de jours après[5], le plus jeune rassembla tout ce qu'il avait, et partit pour un pays lointain[6] où il gaspilla sa fortune en menant une vie de désordre[7]. Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans cette région, et il commença à se trouver dans la misère[8]. Il alla s'embaucher chez un homme du pays qui l'envoya dans ses champs garder les porcs[9]. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien[10]. Alors il réfléchit[11] : Tant d'ouvriers chez mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je vais retourner chez mon père, et je lui dirai[12] : Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Prends-moi comme l'un de tes ouvriers[13]. Il partit donc pour aller chez son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut[14] et fut saisi de pitié ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers[15]. Le fils lui dit : Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi[16]. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils... Mais le père dit à ses domestiques[17] : Vite, apportez le plus beau vêtement pour l'habiller[18]. Mettez-lui une bague au doigt[19] et des sandales aux pieds[20]. Allez chercher le veau gras, tuez-le[21] ; mangeons et festoyons. Car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils commencèrent la fête[22]. Le fils aîné était aux champs[23]. A son retour, quand il fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des domestiques, il demanda ce qui se passait. Celui-ci répondit : C'est ton frère qui est de retour. Et ton père a tué le veau gras, parce qu'il a vu revenir son fils en bonne santé. Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d'entrer[24]. Son père, qui était sorti, le suppliait. Mais il répliqua : Il y a tant d'années que je suis à ton service sans avoir jamais désobéi à tes ordres[25], et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est arrivé après avoir dépensé ton bien avec des filles, tu as fait tuer pour lui le veau gras ! Le père répondit : Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait bien festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie[26] ; il était perdu, et il est retrouvé[27]. Textes liturgiques © AELF, Paris [1] Il est le seul qui nous ait ainsi raconté la nature divine. Apprenons donc de cette parabole comment nous devons nous approcher de celui qui est inaccessible. (...) Jésus-Christ montre ici ce qu’est Dieu pour les pécheurs : Créateur selon la nature, Père selon la grâce (saint Jean Chrysostome : homélie sur le fils prodigue). [2] D’après le Deutéronome (XXI 17), il s’agit du tiers de la fortune paternelle : les deux autres tiers revenaient à l'aîné. Parfois le partage se faisait du vivant du père. Les enfants devaient pourvoir alors à la subsistance de leurs parents; mais le partage une fois accompli était irrévocable. C'est contre les chances impliquées dans cette mesure que l'Ecclésiastique mettait en garde un père trop confiant (XXXIII 19-22). [3] C’est un fils bien ingrat et peu digne d’un tel père ce jeune homme qui est las de voir vivre son père et qui ne veut pas jouir avec le père des biens du père (...) Il est évident que s’il avait gardé jusque là le bien de ses enfants, c’était par prévoyance et non par avarice. Bienheureux les enfants dont toutes les richesses demeurent dans les mains de leur père ! (saint Pierre Chrysologue : premier sermon sur le fils prodigue). Tout pécheur mérite le nom d’enfant, car il agit en enfant, il agit inconsidérément. C’est la liberté qui nous est due d’après les conditions de notre nature. Celui qui agit en enfant réclame l’usage de sa liberté. Il dit : « Je ferai ce qui me plaira. Je serai chaste si cela me plaît. Je m’abandonnerai à la débauche si elle me plaît ». Le père accède à sa volonté : car Dieu veut qu’on le serve librement (saint Euthyme de Constantinople : homélie sur la Présentation) Saint Euthyme le Grand qui fut patriarche de Constantinople, naquit vers 834 à Séleucie d'Isaurie. Il entra jeune dans la vie monastique qu'il mena en divers couvents de Bithynie. Léon le Sage le choisit pour confesseur et, devenu empereur (886), continua, sinon à suivre, du moins à écouter ses conseils. Euthyme fut mélé contre son gré aux aventures matrimoniales de son impérial ami et sut en toute circonstance sauvegarder sa dignité et les exigences de son état, ne sortant que contraint du couvent de Psamathia, que Léon VI avait fait construire pour lui. Son intransigeance l'écarta pour un temps du trône patriarcal au profit de Nicolas Mystique, beaucoup plus diplomate et intrigant ; mais, lorsque celui-ci fut exilé (907), Euthyme dut céder aux instances de l'Empereur et devint patriarche. Il se distingua par sa charité et la fermeté de ses vues. Léon VI mort (912), Nicolas fut rappelé et soumit son innocent rival à la honte et aux sévices d'une dégradation. Exilé au couvent d'Agathos, Euthyme reprit la vie ascétique, sa vertu en imposa tant, que Nicolas lui-même vint lui demander pardon avant sa mort, survenue le 5 août 917. Cette réconciliation n'empêcha d'ailleurs pas son nom de ne reparaître aux diptyques que sous le patriarche Polyeucte, en 956. [4] Vous voyez que Dieu abandonne son patrimoine à ceux qui veulent le prendre (...) N’accusez pas le père d’avoir donné cette liberté à ce jeune homme : il n’est aucun âge qui ne soit apte au royaume de Dieu et la foi n’a pas besoin pour exister du grand nombre des années. Ah ! s’il avait voulu ne pas s’éloigner de son père, il n’aurait point connu les dangers de son âge ! (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 213). La vie, l’intelligence, la mémoire, les dons de l’esprit, tous les biens de la terre dont une âme enivrée de sa puissance veut jouir loin de Dieu (saint Augustin : Questionnes evangeliorum, II 33). [5] L’apostasie du cœur a souvent lieu avant l’apostasie de la vie ; il peut arriver que la honte préservant encore de l’apostasie intérieure, la tiédeur amène petit à petit l’apostasie du cœur (saint Bernard : sermon III 5) [6] C’est s’en aller bien loin aussi que de s’éloigner de ce que l’on était, de s’éloigner de son esprit et de son cœur, de s’éloigner de sa noblesse d’autrefois. Les actes, les désirs, les mœurs créent dans une vie des abîmes plus grands que des distances matérielles. Celui qui s’éloigne du Christ s’exile de la patrie : il n’a plus d’autre patrie que la terre (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 214). Cette région éloignée, c’est celle où Dieu est en oubli (saint Augustin : Questionnes evangeliorum, II 33). [7] Cette vie toute au dehors et qui est vide au dedans, cette vie dans laquelle on abandonne celui qui est au-dedans de nous, source de notre vie, mérite bien son nom de vie prodigue. on y consume d’autant plus vite ses forces et ses richesses qu’on a abandonné celui qui les donnait (saint Augustin : Questionnes evangeliorum, II 33). [8] La foi en sa Parole devrait nous suffire, mais pour ceux qui ne veulent pas croire en lui, le péché lui-même sera une dure école (saint Jean Chrysostome : homélie sur le fils prodigue). [9] Paître les porcs c’est entretenir dans son esprit les pensées immondes (saint Jean Chrysostome : homélie sur le fils prodigue). Le porc domestique et le porc sauvage figurent parmi les animaux impurs (Lévitique, X 11 ; Deutéronome, XIV 8) dont il ne faut pas manger ; en manger est considéré comme une apostasie (deuxième livre des Maccabées, VI 18 & 7 1). Les Grecs et les Romains introduisent les porcs en Palestine ; les garder était une tâche à laquelle on recourt dans une extrême nécessité (c’est le cas du fils prodigue). [10] La faim la plus cruelle de toutes où l’on sent le vide de toute bonne œuvre et de toute vertu. Car l’homme doit vivre non seulement de pain, mais de toute parole venant de la bouche de Dieu : et celui qui s’éloigne de la parole de Dieu a faim ; celui qui s’éloigne de la fontaine a soif ; celui qui s’éloigne de la richesse devient pauvre ; celui qui s’éloigne de la sagesse s’hébète ; celui qui s’éloigne de la force tombe à rien. Il eut faim car rien ne peut rassasier la volupté qui se donne libre carrière. Il a toujours faim celui qui ne sait pas se nourir des aliments éternels (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 215). [11] Par l’irréflexion il avait cessé de s’appartenir, d’être à lui-même ; et par la réflexion il rentre véritablement en lui-même. Celui qui s’éloigne du Christ s’éloigne aussi de lui-même, et celui qui revient à Dieu se remet aussi en possession de soi (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 220). [12] D’où tirera-t-il sa confiance ? De nul autre motif que celui-là : Dieu est père. Oui, j’ai perdu les sentiments d’un fils, mais il n’a pas perdu son cœur de père. Je n’aurai pas besoin d’employer un étranger pour intercéder en ma faveur : il y a dans la poitrine de mon père un cœur qui intercède pour moi (saint Pierre Chrysologue : premier sermon sur le fils prodigue). [13] Celui qui s’est avili ne doit pas s’exalter, il ne peut se relever que par son humilité (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 215). [14] Le Père le voit, et c’est pour cela qu’il est possible au fils de s’élancer vers son Père. Le regard du Père éclaire les yeux de son fils qui vient à lui, et dissipe toute l’obscurité qui l’enveloppait du fait de sa faute. Si donc le Père des cieux n’avait éclairé le visage du fils s’en revenant et n’avait dissipé le ténébreux désordre de son cœur par la lumière de son regard, jamais ce fils n’aurait vu l’éclat du visage de Dieu (saint Pierre Chrysologue : premier sermon sur le fils prodigue) [15] Il vient au-devant de vous celui qui vous écoute dans le secret de votre conscience ; et quand vous êtes encore loin, il vous voit, il accourt, de peur que des obstacles ne se dressent entre vous et lui (...) C’est dans sa prescience que notre Père vient au-devant de nous ; sa clémence apparaît dans cet embrassement (...) Il se penche sur notre cou afin de relever celui qui était écrasé par son péché (...) Le Christ se penche vers vous afin de débarrasser vos épaules du joug de la servitude et d’y substituer son joug plain de suavité (...) Pour obtenir cet embrassement du Christ, il faut que vous vous tourniez vers lui (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 230). Quand Dieu dit : « Revenez à moi et vous me verrez revenir à vous », Dieu ne s’était pas éloigné de nous, il demeure toujours le même. Il s’était éloigné parce que vous vous étiez éloignés. Mais prenez garde, où fuirez-vous pour échapper à Dieu ? Il frappe sur le dos de celui qui fuit, et il remplit de lumière celui qui revient il punit celui-là, il délivre celui-ci. Si vous fuyez, il n’est plus pour vous qu’un juge ; si vous revenez, vous retrouverez en lui un père (saint Augustin : sermon CXLII, 4). [16] C’est le premier aveu qu’attend le Créateur de toutes choses, le dispensateur de la miséricorde, le juge de nos fautes (...) Cet aveu est nécessaire ; bien que Dieu connaisse tout, il attend de votre bouche l’aveu de votre faute. Celui qui s’accuse lui-même allège déjà la poids de sa faute. L’envie de celui qui voudrait l’accuser est ainsi désarmée. C’est en vain que vous voudriez cacher votre faute à celui à qui on ne peut rien cacher. Accusez-vous pour que le Christ intervienne en votre faveur, le Christ que nous avons pour avocat auprès de Dieu. Accusez-vous pour que l’Eglise prie et que le peuple chrétien répande des larmes pour vous (...) Ne craignez pas de ne pas obtenir votre pardon : votre avocat se fait votre caution ; croyez à sa parole car il est la vérité ; confiez-vous à lui car il est la puissance. Il a un puissant motif d’intervenir pour vous : il ne veut pas que sa mort demeure inutile. Et tout ce que veut le Fils, le Père le veut (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 225). [17] Le repentir est une prière (…) ceux qui se repentent verront la miséricorde de Dieu se traduire en des effets merveilieux (saint Jean Chrysostome : homélie sur le fils prodigue). [18] La robe de la sagesse, la robe dont sont revêtus les enfants de Dieu, qui recouvre toutes les faiblesses de l’homme de la splendeur de la sagesse de Dieu (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 230). [19] Cet anneau que le père lui fait mettre au doigt est un signe que le père attend de son fils une fidélité complète et la profession constante de la vérité (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 231). [20] Ce que signifient ces souliers aux pieds, ceux-là le savent qui ont senti leur intention et leur marche fortifiées par la grâce divine, de façon à ce qu’ils ne heurtent plus du pied la pierre ; ils marchent non dans la chair mais dans l’esprit (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 215). Le serpent ne pourra plus atteindre et mordre son talon dénudé mais il pourra au contraire marcher sur la tête du serpent (saint Jean Chrysostome : homélie sur le fils prodigue). [21] Amenez ce bouvillon qui n’a jamais porté le joug, le joug du péché ; qui ne s’est jamais servi de sa corne pour frapper et qui incline la tête devant ceux qui veulent l’immoler ; tuez celui qui sanctifie et vivifie ceux qui le tuent, et les nourrit sans jamais être consumé lui-même (saint Jean Chrysostome : homélie sur le fils prodigue). [22] Il ne voit plus ce qu’il a fait mais ce qu’il a souffert. Cette fête est donnée non à l’ingratitude mais au retour ; non à la faute mais à la pénitence ; non à l’égarement mais à la conversion (saint Jean Chrysostome : homélie sur le fils prodigue). [23] Symbole de ces âmes qui, tout en se croyant fidèles, aiment à se donner aux choses extérieures et qui demeurent étrangères à l’esprit de Dieu (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 215). [24] Qui êtes-vous donc pour contredire le Seigneur et l’empêcher de pardonner à qui il veut quand vous pouvez pardonner à qui vous voulez ? Si partout règnait la justice, où serait la grâce ? (...) Que sommes-nous pour garder de la jalousie devant les œuvres de Dieu ? Prenons garde, en jalousant le pardon accordé aux autres, de nous rendre indignes de pardon (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 236). [25] Amenez-moi un de ces hommes qui, justes à leurs propres yeux, ne voient point la poutre dans leur œil et ne peuvent supporter la paille dans l’œil d’autrui : voyez comme cet homme s’indigne devant le pardon accordé au coupable qui l’a demandé, devant la symphonie que fait alors entendre l’Eglise ! Et cependant c’est la symphonie parfaite, celle qui est formée du concert de tous les actes bons et de toutes les vertus, des chants d’humilité et de reconnaissance de ceux qui reviennent, des chants de louange et de joie de ceux qui sont demeurés fidèles (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 238). [26] Le ciel est à vous, la terre est à vous ... L’Eglise, l’autel, le sacrifice, les anges, les apôtres, les martyrs, le présent, l’avenir, la résurrection, l’immortalité, tout est à vous. Je ne vous ai point dépouillés pour le revêtir. Je ne vous ai rien enlevé pour lui donner. Mais quand on voit un mort ressusciter, la joie est grande : et ce mort est mon fils (saint Jean Chrysostome : homélie sur le fils prodigue). [27] Tâchons de comprendre la conduite de la miséricorde suprême : à ceux qui sont debout, elle montre le châtiment s’ils viennent à tomber ; et à ceux qui sont tombés, pour les inviter à se relever, elle promet le pardon (saint Grégoire le Grand : homélie XXXIV sur les péricopes évangéliques, 15). |