2e dimanche de l'Avent

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Luc (III 1-6).

L'an quinze du principat de Tibère César[1], Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée[2], et Hérode tétrarque de Galilée[3], son frère Philippe tétrarque du pays d'Iturée et de Traconitide[4], et Lysanias tétrarque d'Abilène[5], sous le pontificat d’Anne et Caïphe[6], la parole de Dieu fut advint à Jean[7], le fils de Zacharie, dans le désert[8].

Et il vint dans toute la contrée du Jourdain[9], proclamant un baptême de repentir pour la rémission des péchés[10], comme il est écrit au Livre des paroles d’Isaïe :

« Voix de celui qui clame le désert : Préparez le chemin du Seigneur[11], rendez droits ses sentiers ; tout ravin sera comblé, et toute montagne et colline seront abaissées ; et les passages tortueux deviendront droits, et les chemins raboteux deviendront lisses ; et toute chair verra le salut de Dieu ».


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] La quinzième année du règne de Tibère qui est à compter à partir de la mort d’Auguste (19 août 767 - 14 après Jésus-Christ), serait celle qui va du 19 août 781 au 19 août 782, soit 28-29 après Jésus-Christ ; cependant, on peut remonter un peu cette date en considérant la manière syrienne qui commence l’année au premier octobre ce qui la ferait débuter le 1° octobre 780 (an 27).

[2] Ponce Pilate fut procurateur de Judée de 26 à 36.

[3] Hérode Antipas (né vers 22 avant Jésus-Christ), fils d’Hérode le Grand et de Malthaké, est tétrarque de Galilée et de Pérée depuis la mort de son père (4 avant Jésus-Christ) jusqu’à 39 après Jésus-Christ. Encore qu’il ne fut que trétrarque, le peuple avait coutume de lui donner le titre de roi. Il fut le meurtrier de saint Jean-Baptiste. On lui doit les fortifications de Sepphoris et de Beth-Haram, ainsi que la fondation de Tibériade (en l’honneur de l’empereur Tibère) où il résida et installa des colons. Fidèle allié de Rome, en 37, il accompagna le gouverneur de Syrie, Vitellius, et fit prêter le serment de fidélité à Caligula qui venait de succéder à Tibère ; c’est lui qui finança les fêtes que l’on donna sur l’Euphrate à l’occasion des pourparlers de paix entre Vitellius et le roi des Parthes. Jaloux de son neveu, Hérode Agrippa I°, qui avait reçu le titre royal, il vint à Rome quémander pour lui-même le diadème mais, incapable de se disculper de l’accusation de collusion avec les Parthes, il fut exilé en Gaule par Caligula, probablement à Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Comminges). Il serait mort assassiné par ordre de l’Empereur.

[4] Philippe, demi-frère d’Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand et de Cléopâtre, est, depuis la mort de son père (4 avant Jésus-Christ) jusqu’à sa mort (34), tétrarque de Batanée, de Trachonitide, d’Auranitide, de Gaulanitide et de la région de Panéas ; saint Luc indique les points extrêmes du gouvernorat de Philippe.

[5] L’Abilène est dans l’Anti-Liban, à l’ouest de Damas, limite septientrionale extrême de l’activité de Jésus. L’existence de ce Lysanias fut mise en doute jusqu’à ce que l’on retrouvât (1912) une inscription d’Abila, à 30 kilomètres au nord-ouest de Damas qui, sous Tibère, nome un tétrarque Lysanias.

[6] Anne qui avait été fait grand prêtre par Quirinius, en l’an 6, avait été déposé, en l’an 15, par Valérius Gratus ; Caïphe, son gendre et quatrième successeur, qui avait été nommé vers 18, resta grand prêtre jusqu’en 36.

[7] Autrefois, les prophètes annonçant leurs prophéties les rattachaient à la seule histoire d’Israël : Vision d’Isaïe dans les jours du roi Ozias, disait Isaïe. L’Evangile doit être prêché au monde entier, et c’est pourquoi il y est fait mention de César qui était à ce moment maître du monde, mention aussi de la Judée, puisque la prédication de l’Evangile devait commencer par là (Origène : homélie XXI sur l’évangile selon saint Luc).

Puisque Jean-Baptiste venait annoncer celui qui devait racheter Juifs et Gentils, il était juste que l’évangéliste indiquât le temps de sa prédication par les noms de l’empereur romain et des princes des Juifs (...) Mais en rappelant aux Juifs le morcellement de leur pays, il leur faisait entendre que leur fin était proche, car les pays divisés sont proches de leur fin (saint Grégoire le Grand : homélie XX sur les péricopes évangéliques, 1).

[8] Il avait dû se former au désert, celui qui devait venir dans la vertu et l’esprit d’Elie ; il avait dû se séparer de tout commerce avec les hommes, afin de se séparer de leurs erreurs et de leurs préjugés, et d’être tout entier à la contemplation des choses invisibles. Et parce que toutes ses pensées et ses désirs étaient tournés vers Dieu, il arriva à posséder la grâce plus que tous les autres prophètes (saint Grégoire de Nysse : De virginitate, VI).

Le désert (erèmos) : lieu vide et délaissé, région quasi inhabitée, sorte de garrigue inculte (celui de Juda, le long de la Mer Morte, ou la vallée méridionale du Jourdain). Le désert est un lieu privélégié de rencontre avec Dieu (évangile selon saint Marc, I 35, VI 31, VI 35) ; région solitaire et dangereuse (II Corinthiens, XI 26 ; Hébreux, XI 38) où errent les démons (évangile selon saint Matthieu, XII 43 ; évangile selon saint Luc, VIII 29), lieu de refuge (Actes des Apôtres, XXI 38), d'épreuves (évangile selon saint Matthieu, IV 11 ; évangile selon saint Marc, I 13 ; évangile selon saint Luc, IV 2) et de prière (évangile selon saint Marc, I 35, VI 31, VI 35 ; évangile selon saint Luc, V 16).

[9] Le Jourdain est le seul véritable fleuve de la Palestine ; il prend sa source au pied de l’Hermon où il se forme de trois petits cours d’eau (le Nahr Banijas, le Nahr el Leddan et le Nahr el Hasbani nombreux méandres ; après avoir) ; il court sur près de trois cents kilomètres où il fait de traversé le lac Mérom (le lac Houlé) et le lac de Génésareth (aussi appelé la mer de Galilée, le lac de Tibériade ou le lac de Kinnereth), le Jourdain se jette dans la mer Morte ; il a un certain nombre d’affluents dont les trois principaux, sur la rive gauche, sont le Yarmouk, le Ouadi Yabis et le Jabbok ; la pente du Jourdain est très forte puisqu’il naît à plus quarante-cinq mètres et qu’il finit à moins trois cent quatre-vingt-dix mètres ; son débit est de quatre-vingt-quinze mètres cubes à la seconde. Il est probable que son nom dérive de la racine yrd qui signifie descendre.

[10] La religion juive connaît l’immersion comme moyen de purification légale : pour la purification du lépreux guéri (Lévitique XIV 8), pour effacer l’impureté sexuelle (Lévitique XV 16-18), pour laver l’impureté qui résulte de l’attouchement d’un cadavre (Nombres XIX 19). Aux prescriptions de la Loi, les scribes ont ajouté d’autres bains qui opèrent une pureté légale sans avoir un caractère directement moral, même s’ils permettent de passer du domaine profane au domaine sacré ou inversement. Des bassins d’eau pure ou des piscines rituelles permettaient de se purifier. Le Baptême de Jean manifeste sa différence d’avec les rites de pureté pharisiens sur un point essentiel : conféré sous le signe de la conversion morale, il reprend l’essentiel de la prédication de l’Ancien Testament pour la placer dans la perspective du Royaume de Dieu qui approche. Quelques paroles prophétiques exprimaient déjà le symbolisme du bain de l’eau en vue de la purification intérieure (Psaume LI 9, Isaïe I 16, Ezéchiel XXXVI 25, Zacharie XIII 1). Le baptême de Jean est appelé un baptême pour la rémission des péchés : il annonce le salut en se substituant en quelque sorte aux rites de pardon de l’Ancienne Alliance. Ce baptême s’accompagne d’une orientation morale (charité, justice, droiture) qui prépare la venue du Royaume de Dieu ; le baptême de Jean ne donne la purification intérieure que dans la mesure où Dieu accepte les dispositions intérieures de celui qui le reçoit.

L’homme étant composé d’un corps et d’une âme, il faut, pour le sanctifier, un rite extérieur et une vertu spirituelle. Pendant que le corps est lavé avec l’eau, l’âme est purifiée par l’Esprit. Et c’est pourquoi, pendant que nous accomplissons un rite extérieur, nous invoquons une grâce supérieure. C’est pourquoi, autre fut le baptême de pénitence, autre fut le baptême de la grâce : celui-là n’avait que l’élément matériel, celui-ci réunit les deux éléments. En s’attribuant le baptême de pénitence, Jean déclarait non seulement par ses paroles, mais par son œuvre qu’il n’était point le Christ. Faire pénitence de ses fautes, c’est l’œuvre de l’homme; faire descendre la grâce, c’est la part de Dieu (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, II 79).

[11] Le mystère de Jean s'accomplit dans le monde jusqu'à maintenant. Quiconque est destiné à croire au Christ Jésus, il faut qu'auparavant l'esprit et la puissance de Jean viennent en son âme pour préparer au Seigneur un peuple parfait et, dans les aspérités du cœur, aplanir les chemins et redresser les sentiers. Ce n'est pas seulement en ce temps-là que les routes furent aplanies et les sentiers redressés, mais aujourd'hui encore l'esprit et la puissance de Jean précèdent l'avènement du Seigneur Sauveur (Origène : Homélies sur l’évangile selon saint Luc, IV 6).