2e dimanche de l'Avent

Première lecture

Lecture du livre de Baruc[1] (V 1-9)[2].

Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu, mets sur ta tête le diadème de la gloire de l'Eternel[3]. Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel, car Dieu pour toujours te donnera ces noms : « Paix-de-la-Justice » et « Gloire-de-la-piété-envers-Dieu »[4]. Debout, Jérusalem ! Tiens-toi sur la hauteur, et regarde vers l'Orient : vois tes enfants rassemblés du levant au couchant par la parole du Dieu Saint ; ils se réjouissent parce que Dieu se souvient. Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en triomphe, comme sur un trône royal[5]. Car Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu'Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu[6]. Sur l'ordre de Dieu, les forêts et leurs arbres odoriférants donneront à Israël leur ombrage, car Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, lui donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice.


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Baruch, fils de Nériya, était un scribe qui appartenait à la noblesse de Jérusalem. Rallié aux idées du prophète Jérémie, Baruch devint son fidèle secrétaire, et joua un rôle important dans l'élaboration du recueil des oracles ; non seulement il écrivit sous sa dictée (Jérémie, XXXVI 4 & 18), mais encore il collectionnait des oracles qu'il ajoutait au rouleau de base ; surtout il écrivit ses « souvenirs » sur Jérémie. Son attachement à Jérémie l'amena à se trouver dans des circonstances difficiles. Quand Jérémie ne peut plus paraître au Temple, c'est Baruch qui s'y rend pour lire au peuple les oracles de son maître. Un jour, après une telle lecture, il est mandé au palais royal. Menacé d'arrestation, il doit se cacher (XXXVI 11-26). Après le meurtre de Godolias, il suit Jérémie en Egypte, bien que ses compatriotes l'accusent d'exciter le prophète contre eux (XLIII 2-3). A certaines heures, il fut près du découragement : « Je ne trouve aucun répit ! » Jérémie le rabroua comme Dieu l'avait fait pour lui ; il lui promit la vie sauve de la part de Yahvé (XLV 1-5). L'œuvre de Baruch qui nous est peu familière, est un livre de la Bible grecque, qui ne figure pas dans le canon hébraïque (on le dit pour cela « deutérocanonique »). D'après l’introduction, Baruch l’aurait rédigé à Babylone après la déportation de 587 et envoyé à Jérusalem pour être proclamé dans les assemblées liturgiques. En réalité les trois éléments divers dont il est composé pourraient bien ne dater que du II° siècle ou I° siècle avant notre ère : une prière de pénitence et d'espoir, un poème où la sagesse est identifiée à la Loi, enfin une exhortation et une consolation à l'adresse de Jérusalem.

[2] Dans ce passage de la dernière partie du Livre de Baruch, Jérusalem, personnifiée comme une mère qui porte le deuil de ses enfants, est invitée à quitter son vêtement funèbre pour se laisser revêtir une splendide parure ; le texte souligne que cette résurrection ne peut venir que de Dieu, de l’Eternel. D'ailleurs « la gloire » est le rayonnement de l'être divin, et « la justice », c'est la fidélité de Dieu à ses promesses. Comme dans le « livre de la consolation » d'lsaïe, cette Jérusalem rénovée sera signe pour les païens eux-mêmes « partout sous le ciel » ; l’aplanissement de tout obstacle devant le cortège des déportés qui reviennent (Isaïe, XL 3-4), l’ombrage que leur offrent les arbres sont images de la tendresse et de la fidélité de leur Dieu. A l’évidence, pour nous, Chrétiens, cette Jérusalem est la Nouvelle Jérusalem, la Cité définitive, qui se situe précisément au-delà de tous les deuils (Apocalypse, XXI 4). En marche vers elle, nous n’arrivons à progresser qu’avec le secours de la grâce, recevant, jour après jour, la justice, la miséricorde, la bonté et la beauté qui viennent de Dieu (Baruch, V 1, 2, 4, 6 & 9). Comme c’est aussi seulement de Dieu que nous pouvons attendre notre unité, nous devons tout faire pour accueillir tant sa volonté d'union que sa force unificatrice. Notre Père nous presse en effet de niveler les murs de séparation qui, si hauts soient-ils, ne montent pas jusqu'au ciel ; il veut nous voir abattre les barrières qui se sont déjà trop longtemps dressées entre les croyants ; il veut son peuple nouveau uni, dans les deux sens du terme, c'est-à-dire sans aspérités et donc sans divisions, sans haies et donc sans haine, ce qui ne signifie pas, loin de là, uniforme. L'artisan de cette réunification ne peut être que la Parole même de Dieu (Baruch, V 5), non seulement le Verbe écrit qui nous regroupe autour de lui, mais le Verbe fait chair qui nous rassemble en lui, en nous réconciliant avec le Père et avec nos frères, grâce au dénuement de sa crèche qui annonce le dévouement de sa croix, et traduit l'intensité de son amour. L'Avent, l'avènement de Jésus, constitue l'accomplissement des promesses énoncées par Baruch : par son Fils, Lumière du monde, Sagesse divine en personne, Dieu met son bonheur à guider les hommes et à les rassembler depuis l'Orient jusqu'à l'Occident, en leur communiquant sa propre justice, sa propre miséricorde, sa propre joie et finalement sa propre gloire.

[3] Depuis sa destruction, Jérusalem connaissait le plus grand deuil qui soit : celui d'une mère qui se voit privée de ses enfants. Mais maintenant, c'est Babylone qui va expérimenter cette même épreuve. Dès lors Jérusalem libérée doit dépouiller sa robe de deuil (Isaïe, LX 20 & LXI 2) et revêtir la majesté dont Dieu veut la parer, en lui communiquant sa gloire et sa justice. Cette majesté qu’elle avait perdue par sa faute, Jérusalem serait bien incapable de la retrouver par ses propres forces ; elle ne peut que la recevoir du Seigneur, comme le souligne le texte en répétant déjà, à deux reprises, que gloire et justice viennent de Dieu draper Jérusalem comme un manteau et l'orner comme un diadème (Isaïe, LXI 10).

[4] La splendeur du Mont Sion qui attirera toutes les nations (Isaïe, LX 3), est le reflet de la splendeur de Dieu ; seul le Dieu éternel peut lui donner un nom éternel. Baruch prolonge et achève une longue litanie prophétique où les inspirés ont décrit les nombreux aspects de la mission de Jérusalem, en la décorant de noms-programmes : « Cité fidèle » (Isaïe, I 26) « Trône du Seigneur » (Jérémie, III 17) « Le-Seigneur-notre-justice » (Jérémie, XXXIII 16) « Centre des nations » (Ezéchiel, V 5) « Nombril de la terre » (Ezéchiel, XXXVIII 12) « Le-Seigneur-est-là ! » (Ezéchiel, XLVIII 35) « Le Salut » (Isaïe, XLVI 13) « La Sainte » (Isaïe, XLVIII 2 & LII 1) « Sion-du-Saint d'Israël » (Isaïe, LX 14) « Epouse de Dieu » (Isaïe, LXII 4) « Ville-jamais-abandonnée » (Isaïe, LXII 12) « Joie-Ville » (Isaïe, LXV 18) « Mère-des-peuples » (Psaume LXXXVII 5) « Paix-de-la-justice-et-gloire-de-la-piété » (Baruch, V 4). Selon Baruch Jérusalem doit devenir apaisée et apaisante, rayonnante de cette paix qui est l'œuvre de la justice (Isaïe, XXXII 17) et de la gloire authentique, qui est le fruit de la piété, c'est-à-dire du respect intense, affectif et effectif, que l'on manifeste à l'égard de Dieu. Saluée d'un tel nom, la Ville sainte est invitée non seulement à se lever (Isaïe, LI 57 & LII 2), mais aussi à monter sur un lieu élevé, pour assister au retour de ses fils.

[5] Rassemblés par la force invincible de la parole divine, voici enfin les enfants de Jérusalem qui ne font plus qu'un, d'un bout du monde à l'autre. Fidèle à ses promesses, Dieu n'oublie jamais les mortels, surtout pas quand il les châtie. La divine mémoire ne connaît aucune défaillance : les exilés qui l'avaient entendu dire, tressaillent maintenant de joie en le constatant. Dieu console ses fils, purifiés par l’exil et redevenus fidèles, par un retour triomphal qui fait contraste avec leur minable débandade : ils étaient partis à marches forcées, entraînés par l'ennemi, ils reviennent sans fatigue, portés par leurs anciens tyrans, comme des enfants royaux.

[6] Pour faciliter le retour triomphal, tous les accidents de terrain sont nivelés. Les murailles sempiternelles (littéralement : « intarissables ») finissent par s'écrouler et par céder la place à une terre unie, sans obstacles, sur lesquelles le Peuple de Dieu pourra marcher sans faux pas, puisqu’il aura pour guide la Gloire de Dieu.