17e dimanche des temps ordinaires

Première lecture

Lecture du livre de la Genèse (XVIII 20-32)[1].

Les trois visiteurs d'Abraham allaient partir pour Sodome. Le Seigneur dit : « Comme elle est grande, la clameur qui monte de Sodome et de Gomorrhe ! Et leur faute, comme elle est lourde ! Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu'à moi. Si c'est faux, je le reconnaîtrai ». Les deux hommes se dirigèrent vers Sodome, tandis qu'Abraham demeurait devant le Seigneur. Il s'avança et dit : « Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le pécheur ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les faire périr ? Est-ce que tu ne pardonneras pas à cause des cinquante justes qui sont dans la ville ? Quelle horreur si tu faisais une chose pareille ! Faire mourir le juste avec le pécheur, traiter le juste de la même manière que le pécheur, quelle horreur ! Celui qui juge toute la terre va-t-il rendre une sentence contraire à la justice ? » Le Seigneur répondit : « Si je trouve cinquante justes dans Sodome, à cause d'eux je pardonnerai à toute la ville ». Abraham reprit : « Oserai-je parler encore à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre ? Peut-être, sur les cinquante justes en manquera-t-il cinq : pour ces cinq là, vas-tu détruire toute la ville ? » Il répondit : « Non, je ne la détruirai pas, si j'en trouve quarante-cinq ». Abraham insista : « Peut-être en trouvera-t-on seulement quarante ? » Le Seigneur répondit : « Pour quarante, je ne le ferai pas ». Abraham dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère, si j'ose parler encore : peut-être y en aura-t-il seulement trente ? » Il répondit : « Si j'en trouve trente, je ne le ferai pas ». Abraham dit alors : « Oserai-je parler encore à mon Seigneur ? Peut-être en trouvera-t-on seulement vingt ? » Il répondit : « Pour vingt, je ne détruirai pas ». Il dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère, je ne parlerai plus qu'une fois. Peut-être en trouvera-t-on seulement dix ? » Et le Seigneur répondit : « Pour dix, je ne détruirai pas la ville de Sodome »[2]


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Ce texte de la Genèse témoigne de la proximité étonnante entre Dieu et le patriarche Abraham que l’Ancien Testament appelle l’ami de Dieu (Isaîe, XLI 8). Ce marchandage à l'orientale entre deux partenaires ne doit pas être pris à la lettre ; et pourtant ce qu'il décrit correspond à une expérience fondamentale d'lsraël. En effet malgré leurs péchés, il apparaît que Dieu fait preuve de patience envers les hommes. Israël a acquis la certitude que la menace du déluge a disparu : Dieu a donné l'assurance que le chaos primitif ne reviendrait plus sur la terre. Ici quelque chose de plus est affirmé sur le pouvoir d'intercession de certains hommes justes. Dix justes auraient suffi pour sauver Sodome malgré le péché des habitants de la ville dans leur immense majorité. On sait que la ville périt parce qu’elle ne compta pas dix justes. La tradition juive a toujours accordé beaucoup de place à ce pouvoir d'intercession. La légende du dernier des justes raconte que le monde n'est sauvé qu'à cause de la présence cachée d'un juste. Un texte juif compare Israël à une rose dans un jardin : « Dieu dit : à cause de cette rose je veux épargner tout le jardin. C'est à cause des mérites d'lsraël et de la torah que le monde est sauvé ».

[2] Aujourd'hui encore, par la grâce de Dieu, il ne manque pas d'hommes justes, capables d'apaiser le Tout-Puissant, comme le fit autrefois le patriarche. Si, en effet, nous nous regardons nous-mêmes, si nous considérons notre stérile insouciance, nous reconnaissons à quel point la vertu est rare ; cependant, à cause des hommes justes qui nous entourent, Dieu manifeste sa patience à notre égard (…) Oui, aujourd'hui encore, grâce à l'ineffable amour de Dieu pour les hommes, la piété n'est pas éteinte et l'on peut trouver, au cœur même des villes, beaucoup de justes cachés, capables de fléchir Dieu. Il en est d'autres dans les montagnes et dans les grottes. Par rapport à l'ensemble des hommes, ils ne sont qu'un petit nombre, mais leur vertu jette un voile sur la perversité des autres. Car immense est la bonté du Tout-Puissant et souvent, à cause de quelques justes, il accorde le salut à la multitude (saint Jean Chrysostome : homélie XLII sur la Genèse, 4-5).