16e dimanche des temps ordinaires

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Luc (X 38-42).

Alors qu'il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village[1]. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une sœur, nommée Marie, qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole[2]. Marthe était accaparée par les multiples occupations du service[3]. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma sœur me laisse seule à faire le service[4]. Dis-lui donc de m'aider »[5]. Le Seigneur lui répondit[6] :« Marthe, Marthe[7], tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses[8]. Une seule est nécessaire[9] : Marie a choisi la meilleure part[10] : elle ne lui sera pas enlevée ».[11]


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Béthanie (El’Azariyhe), sur le flanc sud-oriental du mont des Oliviers, à moins de 3 kilomètres à l’est de Jérusalem, vers Jéricho.

[2] Marthe et Marie étaient deux sœurs, proches non seulement par la chair mais aussi par la foi ; toutes deux s'étaient attachées au Seigneur, toutes deux servaient d'un même cœur le Seigneur présent dans la chair. Marthe l'accueillit comme on a coutume d'accueillir les voyageurs. Mais elle était la servante qui accueille son Seigneur, la malade son Sauveur, la créature son Créateur. Elle accueillit celui dont elle allait nourrir le corps afin d'être elle-même nourrie par l'Esprit. En effet, le Seigneur a voulu prendre la nature de l'esclave et, dans cette nature d'esclave, recevoir des esclaves sa nourriture, non par nécessité, mais par bonté. Car ce fut de la bonté, que de se laisser nourrir. Oui il avait un corps, qui le faisait avoir faim et soif. Ainsi donc, le Seigneur fut accueilli comme un hôte, lui qui « est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu, mais tous ceux qui l'ont reçu, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu ». Il adopte des esclaves pour en faire des frères, il rachète des captifs pour en faire ses cohéritiers. Mais que personne parmi vous n'aille dire : « Heureux, ceux qui ont eu le bonheur d'accueillir le Christ dans leur propre maison ! » Ne vous plaignez pas, ne protestez pas parce que vous êtes nés à une époque où vous ne voyez pas le Seigneur dans sa condition charnelle : il ne vous a pas privés de cet honneur. « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits, dit-il, c'est à moi que vous l’avez fait » (saint Augustin : sermon CIII sur l’évangile selon saint Luc).

[3] Quant à la vie active, les bons et les méchants peuvent la mener. On l'appelle du reste vie active parce qu'elle est faite d'activités incessantes, de fatigues et de tâches sans fin, et qu'elle ne laisse presque aucune place à un moment de tranquillité. Mais nous ne parlons pas de cette espèce de vie active qui occupe les malfaiteurs, agite les tyrans, séduit les cupides, tourmente les adultères et incite tous les méchants à commettre de mauvaises actions. Comme nous ne parlons que de cette Marthe, sœur de Marie, nous ne parlons en réalité que de la vie active qui se rapproche le plus de la vie contemplative.Cette sorte de vie active est pure, exempte de péché et très proche, en effet, de la vie contemplative. Que l'Apôtre prêche, qu'il baptise, qu'il travaille de ses mains pour vivre, qu'il parcoure les villes et qu'il se soucie de toutes les Eglises, cela ne relève-t-il pas de la vie active? Ainsi le même évangile dit-il, en parlant de Marthe qu'elle était accaparée par les multiples occupations du service. Du reste, nous voyons encore aujourd'hui des chefs et ministres de l'Eglise s'affairer à courir partout, se fatiguer, se démener, se donner beaucoup de peine pour subvenir de multiples façons aux besoins de leurs frères, si bien que nous pouvons dire à juste titre qu'eux aussi sont accaparés par les multiples occupations du service (saint Bruno de Segni : commentaire de l’évangile selon saint Luc, I 10).

[4] L’attention de Marthe qui, elle aussi, aurait bien voulu écouter le Seigneur, était accaparée par les soins de l’hospitalité, par la préparation du repas. Dans ses allées et venues, elle s’arrêta auprès de Jésus, et avec une familiarité mêlée d’une certaine impatience, elle lui fit d’autant plus remarquer que sa sœur la laissait seule s’occuper des préparatifs du repas et des soins domestiques, que le Seigneur ne semblait pas même se rendre compte de tout le mal qu’elle se donnait. « Pendant que l’un travaillait, l’autre se reposait ; pendant que l’une se dépensait, l’autre faisait son profit » (saint Augustin : sermon CIV, 1).

[5] Saint Paul n'a-t-il pas recommandé d'aimer et de pratiquer l'hospitalité ? N'a-t-il point déclaré qu'en la pratiquant des hommes avaient mérité de recevoir des anges ? Il y a là un grand ministère et un don précieux (saint Augustin : sermon CLXIX, 3).

[6] Elle a interpellé son hôte, elle l'a fait juge de l'objet de sa plainte. Pourquoi Marie garde-t-elle le silence ? Elle l'avait gardé pendant qu'elle était tout entière à la douceur d'écouter son Maître. Mais maintenant ne doit-elle pas craindre d`être envoyée par le Sauveur à l'aide de sa sœur ? Pendant que celle-ci préparait un banquet au Seigneur, Marie se délectait dans le banquet du Seigneur. La douceur qu’elle y goûtait était infiniment supérieure à toutes les joies des sens. Et cependant elle garde le silence elle ne se défend pas : se défendre serait autant de temps où elle n’entendrait plus la voix bien aimée. C’est donc le Sauveur qui répondra, lui qui est le maître de la parole, puisqu'il est le Verbe (saint Augustin : sermon CIII, 3).

[7] Cette répétition du nom est un signe d'affection, ou encore une invitation a être attentive, la parole qu il va dire étant très importante (saint Augustin : sermon CIII, 5).

[8] Si à ce moment était venu un ange, connaissant la Majesté de celui qui recevait l'hospitalité de ces deux femmes, grande aurait été sa stupeur en face d'une pareille condescendance : Jésus acceptait leur nourriture et leur apportait la sienne. I1 encourageait leur timidité, remplissait de joie leur humilité, il rendait parfaite leur dévotion... Celui qui nous nourrit accepte aussi de nous une nourriture : il se nourrit de nos progrès. Ma pénitence est sa nourriture, mon salut est sa nourriture, je suis moi-même sa nourriture. Nous le mangeons et il nous mange, c'est là la condition de l'union parfaite (saint Bernard : sermon LXXI sur le Cantique des cantiques).

[9] D'ailleurs, Marthe, toi qui es bénie pour ton service bienfaisant, permets-moi de te le dire : la récompense que tu cherches pour ton travail, c'est le repos. Maintenant tu es prise par toutes les activités de ton service, tu cherches à nourrir des corps mortels, aussi saints qu’ils soient. Lorsque tu seras venue à la patrie, trouveras-tu un voyageur a qui offrir l'hospitalité ? un affamé à qui rompre le pain ? un assoiffé a qui donner à boire ? un malade à visiter ? un plaideur à réconcilier ? un mort à ensevelir ? Dans la patrie, il n'y aura plus tout cela. Alors, qu'y aura-t-il ? Ce que Marie a choisi. Là nous serons nourris, nous n'aurons plus à nourrir les autres. Aussi ce que Marie a choisi trouvera là sa plénitude et sa perfection : de cette table abondante de la parole du Seigneur, elle ne recueillait alors que les miettes. Voulez-vous savoir ce qu’il y aura là-bas ? Le Seigneur le dit lui-même, en parlant de ses serviteurs : « Vraiment, je vous le dis, il les fera mettre à table, et circulera pour les servir » » (saint Augustin : sermon CIII sur l’évangile selon saint Luc).

[10] Penserons-nous qu'il blâme le travail de Marthe, ce travail qui lui donne l'hospitalité ? Peut-elle être blâmée, étant si heureuse de recevoir un tel hôte ? I1 faudrait donc laisser l'aumône qu'attend l'indigent, ne plus s'occuper des étrangers sur le chemin, si quelqu'un a besoin de pain, de vêtement, si le captif a besoin d'être délivré, le défunt enseveli. Non, le Sauveur ne dit pas que l'œuvre de Marthe est mauvaise, mais il déclare meilleure celle de Marie. Et pourquoi est-elle meilleure ? Parce qu'au lieu de se répandre et de se scinder dans la multiplicité, elle se recueille dans l'unité, l'unité qui est le principe de toute perfection. L'œuvre qui est sortie des mains de Dieu a des parties multiples, mais celui qui l'a faite est un. L'œuvre est bonne, mais combien est meilleur l'ouvrier ! (saint Augustin : sermon CIV, 2 & 3).

[11] Dans la parabole du bon Samaritain, il a été question de la miséricorde ; mais il n'y a pas une seule manière d'être vertueux. Vient ensuite l'exemple de Marthe et de Marie ; on y voit l'une dévouée par son action, l'autre religieusement attentive à la parole de Dieu. Si cette attention s'accorde avec la foi, elle est préférable même aux œuvres : « C'est Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée ». Efforçons-nous donc, nous aussi, de posséder ce que personne ne peut nous enlever : prêtons une oreille non pas distraite, mais attentive ; que le désir de la sagesse te conduise, comme Marie : c'est une œuvre plus grande, plus parfaite que les autres. Que le souci du service de Dieu ne te détourne pas de la connaissance de la parole céleste (...) Marthe n'est pas critiquée pour son activité, mais Marie lui est préférée parce qu'elle a choisi la meilleure part. Jésus, en effet, a de multiples richesses et fait de multiples largesses. Voilà pourquoi la plus sage choisit ce qu'elle reconnaît être le plus important. Les Apôtres aussi n'ont pas pensé qu’il était mieux de laisser la parole de Dieu pour servir aux tables (Actes, VI 2). Les deux choses sont œuvres de sagesse : Etienne qui était plein de sagesse, a été choisi comme serviteur. Donc, celui qui sert doit obéir à celui qui enseigne, et celui qui enseigne doit encourager et exciter celui qui sert. Un est le corps de l'Eglise, même si les membres sont divers; l'un a besoin de l'autre. L'œil ne peut dire à la main : Je n'ai pas besoin de toi, ni de même la tête aux pieds (I Corinthiens, XII 14 et sq.). L'oreille ne peut dire qu'elle ne fait pas partie du corps. S’il y a des organes qui sont plus importants, les autres sont cependant nécessaires. La sagesse réside dans la tête, l'activité dans les mains ; car les yeux du sage sont dans sa tête (Ecclésiastique, II 14), puisque le véritable sage a l'esprit dans le Christ et regarde vers les sommets ; « les yeux du sage sont dans sa tête », ceux du fou dans son talon (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 85).

I1 faut veiller à ce que les œuvres auxquelles doivent être ordonnés les honneurs et la puissance, servent au salut des subordonnés (saint Augustin : « De la Cité de Dieu », XIX 19).