7ème dimanche de Pâques

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Jean (XVII 11b-19).

A l'heure[1] où Jésus passait de ce monde à son Père, les yeux levés au ciel[2], il priait ainsi : « Père saint garde mes disciples[3] dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné en partage, pour qu'ils soient un, comme nous-mêmes[4].

Quand j'étais avec eux, je les gardais dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné. J'ai veillé sur eux, et aucun ne s'est perdu, sauf celui qui s'en va à sa perte de sorte que l'Ecriture soit accomplie. Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, en ce monde, pour qu'ils aient en eux ma joie, et qu'ils en soient comblés[5].

Je leur ai fait don de ta parole[6], et le monde les a pris en haine parce qu'ils ne sont pas du monde, de même que moi je ne suis pas du monde. Je ne demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me consacre moi-même[7], afin qu'ils soient, eux aussi, consacrés par la vérité.[8]  »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] L'heure est venue, non une heure imposée par une puissance inéluctable ; éloignons bien loin de nous la pensée que le Créateur de toutes choses pût subir une nécessité quelconque ; il s'agit d'une heure marquée par lui-même, dans le temps, de concert avec le Père dont il était né avant tous les siècles (saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, CIV 2).

[2] Après avoir adressé à ses disciples ses instructions, il se tourna vers son Père et se mit à prier, voulant fortifier par sa prière les instructions qu'il leur avait données. Il ne veut pas oublier qu'il est notre Maître ; et c'est pourquoi il fait sa prière à haute voix, pour nous instruire et nous édifier, non seulement par les paroles qu'il nous adresse mais encore par la prière qu'il adresse à son Père (saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, CIV 2).

[3] L'homme Jésus prie Dieu pour ses disciples, qu'il a reçus de Dieu. Mais attention à la suite : « Pour qu'ils soient un comme nous. » Il ne dit pas : Pour qu'ils soient un avec nous, ou : Pour que nous ne soyons, eux et nous, qu’une seule chose, comme nous sommes un mais : « Pour qu'ils soient un comme nous. » Qu'ils soient un dans leur nature, comme nous sommes un dans la nôtre. Ce qui, pour être vrai, exige que Jésus ait parlé comme ayant la même nature divine que son Père, comme il le dit ailleurs : « Mon Père et moi sommes un » (évangile selon saint Jean, X 30), et non selon sa nature humaine, car, sous cet aspect, il a dit : « Mon Père est plus grand que moi »(évangile selon saint Jean, XIV 18) (saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, CVI 2).

[4] Le Christ veut garder ses disciples dans l'unité d'esprit et de volonté, en sorte qu'ils soient comme fondus les uns dans les autres, quant à l'âme et à l'esprit, par le lien de la paix et de l’amour mutuel, qu'ils soient unis par la chaîne infrangible de la charité. Ils progresseront ainsi vers une unité si parfaite que cette union, librement choisie, de leurs volontés soit le reflet de l'unité de nature que nous reconnaissons entre le Père et le Fils. C'est donc une unité qui ne doit pas être ébranlée par aucun des assauts des forces ou des plaisirs de ce monde, ni être brisée par le désaccord des volontés, mais qui doit plutôt garder intacte la puissance de l'amour dans l'unité du culte et de la sainteté. Or, c'est bien ce qu'ils firent. Car nous lisons dans les Actes des Apôtres : « La multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul cœur et une seule âme » (Actes des Apôtres, IV 32) dans l'unité qui vient de l'Esprit. C'est encore ce que dit saint Paul : « Un seul Corps et un seul Esprit » (épître de saint Paul aux Ephésiens, IV 4), car « la multitude que nous sommes est un seul corps » (première épître de saint Paul aux Corinthiens, X 17) dans le Christ, car tous nous participons à un même pain, et tous nous avons reçu l'onction d'un même Esprit, celui du Christ. Donc, puisque les disciples devaient former un seul corps et participer à un seul et même Esprit pour que s'accomplisse l'unité spirituelle, Jésus veut qu'ils réalisent un accord indestructible dans une concorde parfaite. Si l'on pense que cette unité des disciples est conforme à celle du Père et du Fils, qui n'est pas seulement l'unité de leur nature divine, mais l’unité parfaite de leur volonté, les disciples, il est permis de le croire, n'ont qu'une seule nature sainte et une même volonté. Car il est juste de constater chez les chrétiens une même volonté, bien qu'il n'y ait pas chez nous la même notion de consubtantialité qu'il y a entre le Père et le Verbe de Dieu, lequel procède du Père et demeure en lui (saint Clément d’Alexandrie : commentaire de l'évangile selon saint Jean, XI 9).

[5] Le Seigneur a prononcé cette prière la veille de sa passion, mais il n'est pas absurde de l'appliquer au jour de l'Ascension, au moment où il allait s’éloigner définitivement de ses petits enfants, qu'il recommandait à son Père. Car celui qui dans les cieux a créé la multitude des anges, qui les enseigne et les gouverne, s'était attaché sur la terre un petit troupeau de disciples qu'il formerait par sa présence dans la chair jusqu'à ce que, leur connaissance ayant quelque peu progressé, ils soient devenus capables de recevoir l'enseignement de l'Esprit Saint. Dans sa grandeur, il aimait ces petits d'un grand amour. En effet, il les avait détachés de l'amour du monde et il voyait que, leur ayant fait abandonner toute espérance d'ici-bas, ses disciples dépendraient uniquement de lui. Cependant, aussi longtemps qu'il voulut vivre avec eux corporellement, il ne leur donna pas facilement de nombreuses marques d'affection, se montrant envers eux plutôt grave que tendre, comme il convenait à un maître et à un père. Mais lorsqu'arriva le moment de les quitter, il sembla comme vaincu par sa tendre affection pour eux, et il ne put leur dissimuler l'immensité de sa douceur, qu'il leur avait cachée jusque-là. C'est ainsi que, comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'au bout. Alors, en effet, il répandit sur ses amis presque toute l'immensité de son amour, avant que lui-même se répandît comme de l'eau pour eux. Alors il leur remit le sacrement de son corps et de son sang, et il leur prescrivit de le célébrer. Je ne sais ce qui est plus étonnant, de sa puissance ou de son amour. Pour les consoler de son départ, il inventait ce nouveau mode de présence : ainsi, tout en s'éloignant d'eux quant à la présence visible de son corps, il serait non seulement avec eux, mais aussi en eux par la vertu de ce sacrement (Guerric d’Igny : Sermon pour l’Ascension; I).

[6] Il convenait que dans nos rapports avec Dieu, nous ne fussions instruits, ni par un ange, ni par un envoyé de Dieu, mais par le Fils de Dieu lui-même, afin que nous fussions véritablement, comme l'annonçait un prophète, les enseignés de Dieu (S. Cyrille d'Alexandrie : commentaire de l'évangile selon saint Jean, XI 8).

[7] L'âme du sacrifice, c'est la prière qui déclare pourquoi on l'offre et qui est l'oblation même, ou l'action d'offrir. C'est ainsi que dans la prière du canon où commence l'action du sacrifice, l'Eglise déclare à qui, pour qui, et pour quelle cause elle l'offre. C'est ce que va faire Jésus-Christ prêt à consommer son sacrifice, et à se consacrer soi-même : et cette prière, si je l'ose dire, est comme le canon, ou pour parler plus dignement de Jésus-Christ, est la prière expresse et solennelle qui devait accompagner son sacrifice. La disposition de son coeur, et les demandes qu'il fait à son Père, le suivent partout dans le cours de sa Passion et jusqu'à la mort ; et c'est l'âme de son sacrifice (Bossuet : la Cène ; II° partie, 33° jour).

[8] Il prie en tant qu'homme, en tant que réconciliateur et médiateur de Dieu et des hommes : et s'étant fait notre pontife, grand et saint entre tous, s'offrant lui-même pour nous, par sa prière il apaise son Père ; il est à la fois hostie et prêtre ; il est l'agneau qui efface le péché du monde et il offre lui-même le sacrifice sans tache. (saint Cyrille d'Alexandrie : commentaire de l'évangile selon saint Jean, XI 8).