7ème dimanche de Pâques

Première lecture

Lecture du livre des Actes des Apôtres (I 15-17, 20-26)[1]

En ces jours-là, les frères étaient réunis au nombre d'environ cent vingt[2]. Pierre[3] se leva au milieu de l'assemblée et dit : « Frères[4], il fallait que l'Ecriture s'accomplît : par la bouche de David, l'Esprit Saint avait d'avance parlé de Judas, qui en est venu à servir de guide aux gens qui ont arrêté Jésus, ce Judas qui pourtant était l'un de nous et avait reçu sa part de notre ministère.[5] Il est écrit au livre des psaumes : Que sa charge passe à un autre[6]. Voici ce qu'il faut faire[7] : Il y a des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis son baptême par Jean jusqu'au jour où il nous a été enlevé. Il faut donc que l'un d'entre eux devienne avec nous témoin de sa résurrection.[8] »

On en présenta deux : Joseph Barsabbas, surnommé Justus[9], et Matthias[10]. Puis l'assemblée fit cette prière : « Toi, Seigneur, qui connais le cœur de tous les hommes, montre-nous lequel des deux tu as choisi pour prendre place dans le ministère des Apôtres, que Judas a déserté en partant vers son destin. » On tira au sort, et le sort tomba sur Matthias qui fut dès lors associé aux onze Apôtres.


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Ce passage des Actes des Apôtres qui est situé entre l'Ascension et la Pentecôte (« en ces jours-là »), est fort important pour savoir ce qu'est un Apôtre, singulièrement, ce qu’est saint Pierre.

[2] Il n’est pas convenable de chercher un symbole dans le mombre cent vingts, puisque le mot environ (à peu près) lui enlève tout sens absolu.

[3] Le rôle de saint Pierre est d'exprimer la situation, pour que tous en prennent conscience, et de faire place au rôle de la communauté qui aura à choisir celui qu’elle jugera digne de remplir les fonctions définies par Pierre d'après la volonté de Dieu ; on retrouvera le même procédé pour l’élection des premiers diacres (Actes des Apôtres VI, 3). La communauté était d'ailleurs « unanime, assidue à la prière » (Actes des Apôtres, I 14), donc prête à réussir ce choix selon Dieu. Pierre agit en chef, c’est lui qui prend l’initiative : « Le troupeau lui ayant été confié par le Christ et étant le premier du chœur, il est toujours le premier à parler » (saint Jean Chrysostome).

[4] L'appellation de « Frères », si belle en sa simplicité est alors nouvelle de la part d'un supérieur qui parle à ses inférieurs.

[5] On ne lit pas les versets 18-20 : « Cet homme a donc acquis un domaine avec le salaire de son injustice et, tombant la tête en avant, a crevé par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues. Et la chose a été connue de tous les habitants de Jérusalem, en sorte que ce domaine a été appelé dans leur langue Hakeldamach, c’est-à-dire Domaine du Sang. Il est écrit en effet au livre des Psaumes : Que son campement devienne désert et que personne n’y habite (Psaume LXVIII 26). »

[6] Psaume CVIII 8.

[7] Le rôle des Ecritures est ici d'indiquer (ou de confirmer) que Dieu souhaite le remplacernent de Judas. Très clairement, on dit que c'est l'Esprit-Saint qui parle par les auteurs bibliques (pour les Psaumes on ne nommait que David). Un tel emploi théologique de l'Écriture est légitime certes à propos de Jésus-Christ (but de l'ensemble de l'Ancien Testament) et des actions essentielles qu'il a accomplies pour L’Eglise, comme la création de la fonction d'Apôtre avec les dons spirituels préparés pour chacun d'eux. La mort de Judas a réalisé la première prophétie : Que son campement devienne désert et que personne n’y habite  (Psaume LXVIII 26) ; il faut que la seconde s’accomplisse pareillement : Que sa charge passe à un autre (Psaume CVIII 8).

[8] Le rôle d'un apôtre est d'être témoin, ce qui suppose une très bonne connaissance de tout ce que Jésus a fait et a dit (I 1) durant sa vie publique, donc de son Baptéme à son Ascension. Et surtout qu'on ait alors fait partie du groupe accompagnant sans cesse Jésus, à la façon des disciples suivant leur maître. Les évangiles disent souvent les conditions requises pour « suivre » Jésus (évangile selon saint Luc, IX 23 et 57-62) et aussi les privilèges des disciples (évangile selon saint Luc, X 23 s ; XII 22-32 ; XVIII 23-30). Mais ne peuvent être apôtres que ceux qui ont été du petit nombre de ceux auxquels le Ressuscité s'est manifesté.

[9] Saint Jean Chrysostome loue l’humble douceur avec laquelle saint Joseph Barsabbas accepta le choix du Saint-Esprit qui lui préféra saint Matthias. D'après Eusèbe de Césarée, Joseph Barsabbas aurait été un des soixante-douze disciples (Eusèbe de Césarée : « Histoire Ecclésiastique », I 12). Encore d’après Eusèbe de Césarée, Papias, renseigné par les filles de l'apôtre Philippe, affirmait que « Juste surnommé Barsabbas but un poison mortel et par la grâce du Seigneur n'en éprouva aucun mal » (Eusèbe de Césarée : « Histoire Ecclésiastique », III 39). Selon les Petits Bollandistes, « il ne laissa pas de s’appliquer à l’office de la prédication et aux exercices de la sainteté ; de sorte que, après avoir souffert beaucoup de persécutions de la part des Juifs, pour la foi en Jésus-Christ, il mourut enfin en Judée, victorieux de leur malice » ; il semble qu’il ne fut pas martyrisé. Si les églises grecques n’ont pas assigné de fête à saint Joseph Barsabbas, en 860, Adon l'introduisit dans les martyrologes latins à la date du 20 juillet.

[10] Fondée sur des textes apocryphes, la Tradition rapporte que Matthias, dont le nom signifie donné (donatus), serait né à Bethléem d'une illustre famill de la tribu de Juda. Invité aux noces de Cana, il aurait été choisi par le Seigneur comme un des 72 disciples. Quoi qu'il en fût, il apparaît dans les Actes des Apôtres lorsqu'il s'agit de remplacer Judas. Les Saintes Ecritures ne disent rien de plus à son propos, mais Clément d'Alexandrie dit qu’il fut un prédicateur de la pénitence qui combattait ferme contre la chair. Il lui attribue un Livre des Traditions, et Origène parle d'un Evangile écrit par Matthias. On a perdu ces textes que le pape Innocent I° a tous condamnés comme apocryphes. Lorsque les apôtres se dispersèrent pour aller prêcher l'Evangile, Matthias, selon les saints Sophrone, Nicéphore et Dorothée, alla jusqu'en Ethiopie où il resta près de trente-trois ans ; les juifs ameutèrent contre lui les populations qui l'assommèrent avant de le décapiter, vers 63. D'autres dirent qu'il resta en Palestine où, en 61, à Giscala, il fut dénoncé au Grand-Prêtre Ananias qui, après l'avoir interrogé, le fit lapider et achever à la hache. Enfin, on le situa en Macédoine et dans quelques autres pays au-delà du Pont-Euxin. Sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, rapporta son corps à Rome, déposa une partie de ses reliques dans la basilique Sainte-Marie Majeure et donna le reste au saint évêque Agrice de Trêves. Un morceau de sa tête, vénéré à Barbezieux (Saintonge) fut brûlé par les protestants. Jean Eck, le docte adversaire de Luther, affirmait qu'une part des reliques aurait été déposée à Augsbourg. Patron de Trêves et de Goslar (Hanovre), il est aussi, on ne sait trop pourquoi, celui des buveurs et des viveurs repentants en même temps que des personnes atteintes de la petite vérole.