3ème dimanche de Pâques

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Luc (XXIV 35-48).

Les disciples qui rentraient d'Emmaüs[1] racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s'était passé sur la route[2], et comment ils avaient reconnu le Seigneur quand il avait rompu le pain[3].

Comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d'eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » Frappés de stupeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit, Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés [4] ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent en vous ? Voyez mes mains et mes pieds : c'est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n'a pas de chair ni d'os, et vous constatez que j'en ai[5]. »

Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds[6]. Dans leur joie[7], ils n'osaient pas encore y croire, et restaient saisis d'étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ?[8] » Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé[9]. Il le prit et le mangea devant eux[10].

Puis il déclara : « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous : Il fallait que s'accomplît tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Ecritures. Il conclut : « C'est bien ce qui avait été annoncé par l'Écriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d'entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C'est vous qui en êtes les témoins.[11] »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] A Emmaüs, en 165 avant J.-C., Judas Maccabée fut victorieux sur Nikanor et Georgias (premier livre des Maccabées, III 40 et III 57-IV 25) ; Bacchidès y éleva une forteresse (premier livre des Maccabées, IX 50-51). La localisation reste discutée : on peut songer à l'actuelle Amwas (à l’extrémité orientale de la plaine de Lydda), devenue en 221 la colonie romaine de Nikopolis, mais sa distance depuis Jérusalem n'est pas compatible avec les soixante stades (12 km) dont parle l'Evangile ; on peut alors songer à el Qubeibeh, à onze kilomètres au nord-ouest de Jérusalem.

[2] Evangile selon saint Luc, XXIV 13-35.

[3] Vous vous dites peut-être : " Bienheureux ceux qui méritèrent de le recevoir ! Oh ! si j'avais été l'un de ces disciples ! " Il vous est loisible, maintenant encore, de recevoir le Christ. Que celui qui veut comprendre s'empresse de faire ce qu'il sait déjà. Ils ne reconnaissaient pas Jésus quand il leur parlait : ils le reconnurent quand ils lui offrirent l'hospitalité. En entendant les préceptes de Dieu, ils n'eurent pas la pleine lumière : ils eurent cette lumière quand ils se mirent à pratiquer les commandements (saint Augustin : sermon CCXXXIX).

Que personne ne s'imagine arriver à la connaissance vraie de Jésus-Christ s'il ne s'unit à son corps, c'est-à-dire l'Eglise, dont l'Apôtre nous montre le centre d'unité dans le sacrement du pain, quand il nous dit : " Nous sommes un seul pain et un seul corps " (S. Bède le Vénérable : commentaire de l'évangile selon S. Luc).

[4] Ces pensées qui s'élevaient ainsi dans leurs cœurs n'étaient plus ces pensées venues d'en-haut, les pensées qu'il avait semées lui-même ; c'étaient des pensées qui croissaient d'elles-mêmes comme les mauvaises herbes d'un terrain en friche. Si leurs pensées avaient été des pensées célestes, elles seraient venues d'en-haut, elles ne seraient pas montées d'en-bas. Pourquoi nous dit-on sans cesse : " Elevons notre cœur ", sinon pour que nos cœurs ne se laissent pas envahir par ces pensées venues d'en-bas ? (saint Augustin : sermon CCXXXVII).

[5] Il voulait nous montrer qu'il était réellement au milieu d'eux avec son corps ressuscité ; car ce que l'on touche est une substance corporelle. Il voulait nous montrer ce que nous serions un jour, à la Résurrection. On jette en terre, comme une semence, un corps animal ; ce qui sort de la terre c'est un corps spirituel. Celui-ci est un corps réel, mais fluide, et celui-là est un corps plus grossier, alourdi par le joug de la matière. Le corps du Sauveur ressuscité est un corps réel, puisqu'il conserve les traces de blessures qu'il invite ses apôtres à toucher. Il nous les montrait non seulement comme une preuve donnée à notre foi, mais comme un excitant proposé à notre amour. Au lieu de fermer ses plaies, il voulut les porter avec lui dans le ciel, il voulait les montrer à son Père comme le prix de notre liberté. C'est avec ses blessures qu'il voulut être établi à la droite de son Père, et que le Père l'embrassa comme le trophée de notre salut (saint Ambroise : commentaire de l'évangile selon saint Luc, X 170).

[6] Pour convaincre ses apôtres du caractère corporel de sa résurrection, Jésus fait appel à leurs sens : à celui de la vue (il leur montra ses mains et ses pieds) et à celui du toucher (Touchez-moi).

[7] La joie était déjà dans leur cœur, mais la crainte y persistait toujours. Une chose s'était accomplie, mais elle était incroyable. Elle est crue maintenant dans le monde entier, et ceux qui la croient trouvent la pureté dans leur foi ; ceux qui refusent de la croire demeurent dans leur impureté. Et pour persuader cette chose incroyable, Jésus fait appel au témoignage non seulement des yeux, mais encore des mains, afin que par les sens la foi descendît dans leur cœur et que de là elle pût être répandue dans le monde entier, annoncée à ceux qui n'auraient pu voir et toucher, et qui néanmoins croiraient sans aucune hésitation (saint Augustin, sermon CXVI).

[8] Avec quel soin ce bon architecte travaille à l'édifice de notre foi ! Il n'avait pas faim, et il demande à manger ; et quand il mange, il le fait par puissance et non par nécessité (saint Augustin : sermon CXVI).

Le soleil quand il absorbe, ne se comporte pas comme la terre quand elle a faim : l'un agit par puissance et l'autre par indigence (saint Bède le Vénérable : commentaire de l'évangile selon saint Luc).

[9] Ce poisson grillé signifie le Christ. Il a voulu descendre et se cacher dans l'océan du genre humain ; il s'est laissé prendre dans le filet de notre mort ; il a passé dans sa Passion par la flamme de toutes nos souffrances ; et maintenant il se donne à nous (saint Grégoire le Grand : homélie XXIV).

[10] Le corps glorieux n’a pas besoin de nourriture, aussi Jésus n’a pas mangé par nécessité mais par condescendance, voulant fonder dans ses apôtres, sur des bases solides, la foi en sa résurrection ; il a pris une preuve qui était à la portée des apôtres.

[10] Nous leur sommes semblables : nous voyons quelque chose qu'ils ne voyaient pas ; et nous ne voyons pas quelque chose qu'ils voyaient. Que voyons-nous qu'ils ne voyaient pas ? L'Eglise répandue à travers les nations. Et qu'est-ce que nous ne voyons pas, mais qu'ils voyaient ? Le Christ vivant dans la chair. Comment le voyaient-ils tandis qu'ils croyaient à son corps ? De la même façon que nous-mêmes voyons le corps et croyons à la tête. En revanche, que ce que nous ne voyons pas vienne à notre aide ! Voir le Christ a aidé les Onze à croire à l'Eglise future. L'Eglise que nous voyons nous aide à croire que le Christ est ressuscité. Leur foi a reçu son accomplissement : de même la nôtre. La leur a été accomplie en ce qui concerne la tête, la nôtre l'est en ce qui concerne le corps. Le Christ total s'est fait connaître d'eux et s'est fait connaître de nous. Mais il n'a pas été connu tout entier par eux, ni tout entier par nous. Eux, ils ont vu la tête, et ils ont cru au corps. Nous, nous avons vu le corps et nous avons cru à la tête. Cependant le Christ ne fait défaut à personne : il est tout entier en tous, et pourtant son corps lui demeure attaché (Saint Augustin : sermon CXVI).