3ème dimanche de Carême

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Jean (II 13-25).

Comme la Pâque des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem. Il trouva installés dans le Temple[1] les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes[2], et les chassa tous du Temple[3] ainsi que leurs brebis et leurs bœufs[4] ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d'ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic.[5] » Ses disciples se rappelèrent cette parole de l'Ecriture : « L'amour de ta maison fera mon tourment. » Les Juifs l'interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce Temple, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais le Temple dont il parlait, c'était son corps[6]. Aussi, quand il ressuscita d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela : ils crurent aux prophéties de l'Écriture et à la parole que Jésus avait dite[7].

Pendant qu'il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en lui, à la vue des signes qu'il accomplissait. Mais Jésus n'avait pas confiance en eux, parce qu'il les connaissait tous et n'avait besoin d'aucun témoignage sur l'homme : il connaissait par lui-même ce qu'il y a dans l'homme.


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Pour se concilier les faveurs des Juifs, Hérode voulut agrandir et embellir le Temple. Les travaux commencérent en 20 avant Jésus-Christ. Au nord, l'aire sacrée venait jusqu'au pied de la colline du Bézétha ; au sud, grâce à des substructions voûtées, elle avait été aussi considérablement étendue (vers l’actuel mur des Lamentations). Le périmètre était d'environ 1500 mètres. L'ensemble était entouré de portiques : quadruple colonnade sur les trois autres côtés (à l’est le portique de Salomon). L'angle nord-ouest était occupé par la forteresse Antonia, qui communiquait avec le parvis extérieur (Actes des Apôtres XXI 31-32). Quatre portes, une au nord et trois à l’ouest, donnaient accès a ce dernier.

Plus que pour le temple de Zorobabel, on s'inspira des idées d'Ezéchiel sur la sainteté et la pureté qui devaient caractériser le peuple d'Israël (Ezéchiel XL-XLIV). Comme précédemment un péribole de pierre marquait la limite que les païens ne devaient pas dépasser. De distance en distance, des plaques de marbre portaient cet avertissement : « Défense à tout étranger de pénétrer à l'intérieur de la barrière et du péribole qui entoure le hiéron. Celui qui serait pris se tiendra pour responsable de ce que mort s'ensuive » (Actes des Apôtres XXI 28). Un exemplaire de cette inscription, retrouvé en 1871, se trouve actuellement au musée des antiquités d'Istamboul. En outre, une succession de parvis allant du moins sacré au plus sacré partageait les entours du Temple.

A l'extérieur du péribole, le « parvis des Gentils » où enseignaient les « docteurs de la Loi » et où les premiers chrétiens de Jérusalem avaient l'habitude de se tenir (S.Jean X 23 ; Actes des Apôtres III 11; V12) ; vendeurs d'animaux pour les sacrifices et changeurs de monnaie s'y installaient à demeure (S. Jean II 14). Le « parvis des femmes », entouré de communs, et auquel on accèdait par la Belle Porte (Actes des Apôtres III 2) ; le « parvis des hommes » ou parvis d'Israël, séparé du précédent par une lourde porte de bronze ; enfin le « parvis des prêtres », où se trouvait l'autel des holocaustes. A dix mètres de là, 1'ensemble sacré comprenant comme précèdemment le « vestibule », le « Saint » et le « Saint des Saints ».

Sur l'emplacement exact de l'ensemble, deux opinions se font jour, dont aucune ne peut enlever l'adhésion unanime : pour les uns, la roche actuellement recouverte par la coupole de la mosquée d'Omar marquerait l'emplacement de l'autel des holocaustes ; pour les autres, ce serait celui du Saint des Saints. L'embellissement du temple par Hérode posa des questions graves : non seulement Hérode n'était pas prêtre, mais ses sujets se méfiaient de lui et de son éclectisme religieux. Il commença donc par accumuler tous les matériaux nécessaires, embaucha des ouvriers et fit apprendre à mille prêtres le métier de maçon pour travailler dans les parties du temple où le profane ne pouvait entrer. Puis les travaux commencèrent. Le gros œuvre était achevé dix ans plus tard ; Hérode célébra alors la dédicace du nouveau temple. Les travaux continuèrent jusqu'en 64 après Jésus-Christ.

Le 6 août 70, malgré la décision contraire de Titus, le sanctuaire fut incendié au moyen d'un tison enflammé jeté par un légionnaire. Seules quelques pièces du mobilier furent sauvés, spécialement le chandelier à sept branches et la table des pains de proposition ; elles parurent en 71 dans le cortège triomphal de Titus à Rome où l’arc-de-triomphe bâti au début de la Voie Sacrée garde le souvenir.

[2] Jésus nous a indiqué là un symbole, en faisant un fouet avec des cordes et en frappant avec ce fouet des hommes de désordre qui faisaient du Temple de Dieu une maison de commerce. En effet, c'est avec ses péchés que chacun se fait une corde. Le prophète dit : « Malheur à ceux qui traînent leurs péchés comme une longue corde » (Isaïe, V 18). Quel est celui qui se fait une longue corde ? Celui qui, à un péché, en ajoute un autre... La corde s'allonge : crains le fouet. Il t'est avantageux de recevoir ici-bas le châtiment qui peut te corriger ; on ne dira pas au dernier jour : « Jetez-le, pieds et poings liés, dehors, dans les ténèbres » (Matthieu, XXII 13). Car chacun est lié par les chaînes de ses péchés (saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, X 4).

[3] Jésus devait accomplir des actions qui lui seraient reprochées comme contraires au culte de Dieu, par exemple des guérisons au jour du sabbat. Dès le commencement de son ministère, il tenait à montrer que le souci de la gloire de son Père dominait toute sa vie ; et le courage avec lequel il s'exposait ce jour-là à tout danger était une preuve de la sincérité de ce sentiment... La sainteté de son action, le zèle pour la maison de son Père, n'étaient-ils pas les meilleurs signes de son droit ? (saint Jean Chrysostome : homélie XXIII sur l’évangile selon saint Jean, 2).

[4] Nous le profanons en y faisant pénétrer les bœufs qui ne savent que retourner la terre, les brebis, symbole de stupidité, les colombes, emblèmes de la légèreté, et l'argent, qui représente tous les biens de la terre (Origène : commentaire de l’évangile selon saint Jean, X 16).

Les vendeurs de bœufs, ceux qui cherchent leurs intérêts, et les vendeurs de colombes, ceux qui veulent vendre le Saint-Esprit, cherchent à s'introduire dans le temple, et Jésus est là qui les repousse... Tout chrétien doit être dévoré par la flamme de ce zèle de Jésus pour la gloire de son Père. Et quel est celui qui est dévoré par le zèle de la maison de Dieu ? Celui qui s'applique à corriger tout ce qu' il voit de mauvais et qui souffre et gémit en face de ce qu'il ne peut pas corriger. Que tout chrétien ait donc le zèle de la maison de Dieu, cette maison dans laquelle il est devenu un membre de Dieu. Votre maison n’est pas pour vous plus que la maison de Dieu : vous entrez dans votre maison pour y trouver le repos d’un moment, vous entrez dans la maison de Dieu pour y trouver le repos éternel. Or, si vous ne pouvez supporter le désordre dans votre maison, à combien plus forte raison dans la maison de Dieu ! (saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, X 4, 6 & 9).

De nos jours encore, on vend la colombe quand on confère pour de l'argent l'imposition des mains qui doit communiquer le Saint-Esprit. Le Pasteur des pasteurs se charge lui-même de venger les fautes des pasteurs qui trafiquent ainsi des biens spirituels (saint Grégoire le Grand : homélie XVII 13).

[5] En mettant en fuite, seul, toute cette multitude, il accomplissait un miracle plus grand que celui de Cana. Et ce miracle, il le continuera à travers les siècles : s 'il y a une puissance qui, sans cesse, de l'aveu de tous, expulse du sanctuaire la vénalité qui voudrait s'y introduire, c'est la vertu de Jésus-Christ qui fait cela (Origène : commentaire de l’évangile selon saint Jean, X 17).

Vous n 'avez plus dans vos temples les chérubins ou le Dieu des chérubins ; vous n'y avez plus la manne, les tables de pierre, la verge d'Aaron ; vous y avez le Corps et le Sang de Jésus-Christ, vous y avez l'esprit au lieu de la lettre. Quelle pureté ne faut-il pas que vous ayez, ô homme qui êtes devenu le temple de Dieu ! La demeure de Dieu doit être semblable au ciel. Il faut donc que vous en repoussiez toute pensée mauvaise, que vous ne permettiez dans le château de l’âme aucune entrée au démon, que vous l'orniez de vertus (saint Jean Chrysostome : commentaire du psaume CXXXIII).

[6] Le Christ est le vrai temple de Dieu, le temple ouvert à tous, où Dieu reçoit le culte véritable (Tertullien : Adversus Marcionem, III 21).

[7] Il se ressuscitera lui-même et en cela il établit sa divinité. Il avait le droit de veiller à la pureté du temple figuratif celui qui devait relever par sa puissance divine le vrai temple, le temple de son corps, ruiné par la malice des hommes (saint Bède le Vénérable).