3ème dimanche de Carême

Première lecture

Lecture du livre de l'Exode (XX 1-17) [1]

Sur le Sinaï, Dieu prononça toutes les paroles que voici : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison d'esclavage. Tu n'auras pas d'autres dieux que moi. Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par dessous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces images, pour leur rendre un culte. Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux[2] : chez ceux qui me haïssent, je punis la faute des pères sur les fils, jusqu'à la troisième et la quatrième génération ; mais ceux qui m'aiment et observent mes commandements, je leur garde ma fidélité jusqu'à la millième génération. Tu n'invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque son nom pour le mal. Tu feras du sabbat un mémorial, un jour sacré.

Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l'honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni les bêtes, ni l'immigré qui réside dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l'a consacré[3]

Honore ton père et ta mère, afin d'avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d'adultère. Tu ne commettras pas de vol. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient.[4] »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Les prescriptions du décalogue fixent les conditions concrètes dans lesquelles le peuple pourra vivre l’alliance avec son Dieu. Comme les suzerains de l'ancien Orient qui se présentaient et énuméraient les titres avant de dicter leurs lois à leurs vassaux, Dieu se nomme lui-même et rappelle son intervention fondamentale lors de la sortie d'Egypte. La vie morale est liée à la foi ; elle est une rencontre personnelle, une reconnaissance de Dieu qui a fait grâce. Il faut regarder ce texte comme une loi dictée une fois pour toutes, même si les différences de style se laissent facilement remarquer dans le libellé des commandements : « Honore... Tu feras... Tu ne commettras... », dans les motivations données « car moi, le Seigneur ton Dieu... », dans les buts assignés « afin de... ». Les commandements de Dieu fixent le seuil en deçà duquel on ne peut descendre.

[2] Si l'âme est unie à son époux légitime, à cet époux dont parle Paul quand il dit : « J'ai décidé de vous présenter au Christ comme une vierge pure à son unique époux » ,et dont il est écrit dans l’Evangile qu'un roi fit les noces de son fils, si l’âme, donc, se donne aux noces de cet époux et contracte avec lui un mariage légitime, même si elle était auparavant pécheresse, même si elle était prostituée, à partir de ce moment où elle se donne à cet époux il ne tolère plus qu'elle se livre au péché. Il ne peut supporter qu'une âme qui l'a pris pour époux se commette avec les adultères : la jalousie de l'époux s'enflamme, et défend la sainteté du mariage... Donc si ce Dieu jaloux attend et désire que ton âme s'attache à lui, s'il te corrige, s'il te châtie, s'il s'indigne, s'il se fâche et te manifeste une sorte de jalousie, sache que tu as l'espérance du salut… Et par suite, quand le Seigneur nous corrige, nous ne devons pas être ingrats. C'est pourquoi le saint homme Job recevait sans hésitation tous ses tourments, et disait : « Si nous acceptons de la main de Dieu les biens, ne devons-nous pas aussi accepter les maux ? Le Seigneur a donné, le Seigneur repris ; il arrive ce qui plaît au Seigneur : que le nom du Seigneur soit béni ! » Et à ceux qui l'aiment, sa fidélité rend mille et mille fois (Origène : homélie VIII sur l’Exode, 16).

[3] Le sabbat a été institué comme un jour sacré. Tous les saints et tous les justes doivent célébrer le sabbat... Voyons donc en quoi consiste pour le chrétien l'observance du sabbat : le jour du sabbat, il ne faut accomplir aucune œuvre d'ici-bas ; il faut s'abstenir de toutes les œuvres terrestres, ne rien faire qui relève de ce monde, s'adonner aux œuvres spirituelles, venir à l'église, être attentif à la lecture de l’Ecriture et aux explications qu'on en donne, penser aux choses du ciel, s'occuper de l'espérance de la vie future, avoir devant les yeux le jugement à venir, méditer, non les réalités visibles et présentes, mais les réalités futures et invisibles. Les Juifs aussi doivent observer tout cela. Et même chez eux, les forgerons, les maçons, tous les travailleurs manuels restent sans rien faire le jour du sabbat. Mais en ce jour, les lecteurs qui proclament la Sainte Ecriture, les docteurs qui expliquent la Loi de Dieu n'interrompent pas leurs fonctions, et cependant ils ne profanent pas le sabbat ; mon Seigneur lui-même l'a reconnu : « N'avez-vous pas lu, leur dit-il, que les prêtres dans le temple manquent au repos du sabbat sans commettre aucune faute ? » (Matthieu, XII 5). C'est donc celui qui s'abstient des œuvres de ce monde et se rend libre pour les activités spirituelles, c'est celui-là qui offre le sacrifice du sabbat et sanctifie le sabbat comme un jour de fête... Pendant le sabbat, chacun reste dans sa demeure et n'en sort pas. Quelle est donc cette demeure de l'âme spirituelle ? Cette demeure, c'est la Justice, la Vérité, la Sagesse, la Sainteté ; tout cela, c'est le Christ, lui, la demeure de l'âme. De cette demeure, il ne faut pas sortir, si l'on veut garder le vrai sabbat et célébrer par des sacrifices ce jour de fête, selon la parole du Seigneur : « Celui qui demeure en moi, moi aussi je demeure en lui » (Jean, XV 5)… Le vrai sabbat où Dieu se reposera de toutes ses œuvres sera le siècle futur, lorsque s'enfuiront douleurs, tristesses et gémissements et que Dieu sera tout en tous. Ce sabbat, puisse Dieu nous accorder de le fêter avec lui, de le célébrer avec ses saints anges, en lui offrant le sacrifice de la louange (Origène : homélie XXIII sur les Nombres, 4).

[4] Le Seigneur prescrivit l'amour envers Dieu et enseigna la justice envers le prochain, afin que l'homme ne fût ni injuste ni indigne de Dieu. Ainsi, par le Décalogue, Dieu préparait l'homme à devenir son ami et à n'avoir qu'un seul cœur avec son prochain : c'est pour le bien de l'homme que Dieu agissait de la sorte, car lui-même n'a aucun besoin de l'homme... Aussi ces paroles du Décalogue demeurent-elles également chez nous, les chrétiens. Bien loin d'avoir été abolies, elles ont reçu amplification et développement du fait de la venue du Seigneur dans la chair (saint Irénée : « Contre les Hérésies », IV 16 4).