2ème dimanche de Carême

Première lecture

Lecture du livre de la Genèse (XXII 1-2, 9...18) [1]

Dieu mit Abraham à l'épreuve. Il lui dit : « Abraham ! » Celui-ci répondit : « Me voici ! » Dieu dit : « Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah[2], là tu l'offriras en sacrifice sur la montagne que je t'indiquerai[3]. »

Quand ils furent arrivés à l'endroit que Dieu lui avait indiqué, Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils. Mais l'Ange du Seigneur l'appela du haut du ciel et dit : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Me voici ! » L'Ange lui dit : « Ne porte pas la main sur l'enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique. » Abraham leva les yeux et vit un bélier, qui s'était pris les cornes dans un buisson[4]. Il alla prendre le bélier et l'offrit en holocauste à la place de son fils[5].

Du ciel, l'Ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham : « Je le jure par moi-même, déclare le Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, et ta descendance tiendra les places fortes de ses ennemis. Puisque tu m'as obéi, toutes les nations de la terre s'adresseront l'une à l'autre la bénédiction par le nom de ta descendance. »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Le sacrifice d'lsaac est une page célèbre de l'Ancien Testament. La demande de Dieu heurte nos mentalités, même si l'on voit bien que cette page rejette les sacrifices humains pour leur substituer des sacrifices d'animaux. Intégré dans la liturgie de ce dimanche, le texte a une portée plus profonde. On entrera mieux dans l'esprit de la liturgie en relevant les expressions qui parlent du fils : « Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes... tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique... parce que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique... » Si l'on exalte la foi et l'obéissance d'Abraham, c'est à cause de la place unique, dans l'histoire du salut, de ce fils qu'il est disposé à offrir. Les bénédictions et la promesse qui concluent attestent la portée incalculable de l'offrande d'Abraham.

[2] Le pays de Moriah (Moriyya) est totalement inconnu en dehors de ce passage de la Genèse ; le deuxième livre des Chroniques (III 1) l'identifie à l'emplacement du Temple de Jérusalem : « Salomon commença à bâtir la Maison de Yahvé à Jérusalem, sur le mont Moriyya, où Yahvé était apparu à David son père, à l'endroit que David avait fixé sur l'aire d'Ornân le Jébouséen. »

[3] La tradition juive a retenu davantage le rôle d'Isaac. Ce sacrifice non sanglant, appelé « ligature » (Aqedah), est pleinement efficace. S'il a été offert sur la colline du Temple, c'est lui qui rend efficaces les sacrifices du Temple, qui en sont en quelque sorte le mémorial. Avec la nuit de création, la nuit pascale et celle où l'on attend la venue du Messie, c'est une nuit où l'on célèbre l'intervention de Dieu pour le salut de son peuple: « ... les cieux sont descendus et se sont abaissés et Isaac en vit les perfections et ses yeux s'obscurcirent par suite de leurs perfections... » (Le Poème des quatre nuits, Targum d'Exode, XII 42). Sur l'esplanade du Temple, à l'emplacement de l'autel des holocaustes, les musulmans, entre 687 et 691, ont bâti, sur l'ordre du calife Abdel Mélik, la mosquée d'Omar (Qoubbet-es-Sakhra ou Dôme de la Roche) qui abrite un rocher sur lequel est censé s'être déroulé le sacrifice d'Isaac ; a vrai dire, les traditions de l’Islam, dans cet épisode, substituent à Isaac Ismaël (fils d’Abraham et d’Agar), l’ancêtre de la nation arabe, le « fils du sacrifice. »

[4] Comme ton Isaac a porté le bois sur ses épaules, ainsi mon Fils, sur ses épaules, portera la croix. Ton grand amour t'a révélé l'avenir. Tiens, regarde le bélier pris dans le bois ; en voyant comment il est retenu, découvre le mystère : c'est par les cornes qu'il est entravé ; ces cornes figurent les mains de mon Fils. Immole-moi ce bélier et je te garde ton fils, car je donne tout bien, moi, le Sauveur de vos âmes (Romanos le Mélode : « Hymne sur Abraham »).

[5] Le père offrit son fils ; mais Dieu veut le mouvement du cœur, et non le sang : il désigna dans le buisson un agneau qui serait échangé contre l’homme : ainsi le Seigneur rendait le fils au père, mais la victime ne manquerait pas au prêtre. Abraham en eut la vision prophétique (saint Ambroise : « De Caïn et Abel », I 8).

Le bélier représente encore le Christ, car être pris aux cornes, c’est être crucifié (saint Augustin : commentaire du psaume XXX).