Solennité du Christ Roi de l'Univers

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Jean (XVII 33-37).

Lorsque Jésus comparut devant Pilate[1], celui-ci l'interrogea : « Es-tu le roi des Juifs[2] » Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien parce que d'autres te l'ont dit [3]? » Pilate répondit : « Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les chefs des prêtres t'ont livré à moi : qu'as-tu donc fait ? » Jésus déclara : « Ma royauté ne vient pas de ce monde[4] ; si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici[5] ». Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C'est toi qui le dis : je suis roi. Moi, c’est pour cela que je suis né, et c’est pour cela que je suis venu dans le monde : pour rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ».


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Celui qui a été établi par le Père juge de tous les êtres vivants était donc là devant cet homme. Il accepte cette humiliation et il répondra aux questions ironiques que Pilate lui posera (Origène : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu,118).

Ponce Pilate qui appartient à l’ordre équestre, est le sixième procurateur de Judée (26-36) dont le pouvoir s’étend sur la Judée, l’Idumée et la Samarie, avec Césarée pour capitale. Pilate détient en Judée le pouvoir administratif suprême, l'imperium qui lui laisse une assez large indépendance de gouvernement, et l'investit du droit de condamner à mort qu'il exerce sans partage ; un procès juif qui aboutit à la peine capitale n'a de sens que si le gouverneur accepte la condamnation et en permet l’exécution ; ainsi Pilate a un rôle de premier plan lors de la condamnation de Jésus. Dans ce procès, Pilate ne cède pas à la peur ni ne défend l'accusé, mais se montre tel un gouverneur qui ne veut pas être manœuvré par ceux qu'il est chargé de gouverner. Cependant l'accusation portée contre Jésus est fort habile car, face à une revendication de royauté, le gouverneur ne peut pas se dérober. Pilate entretient des rapports convenables avec les milieux sacerdotaux, singulièrement avec Caïphe, le grand-prêtre, qu’il a le pouvoir destituer mais qu’il maintient en poste tout au long de son préfectorat. Outre que Pilate qui est militaire, n’est pas préparé pour administrer une province remuante, il est totalement insensible au judaïsme ; il introduit les effigies de César à Jérusalem (ce que n'avait osé aucun de ses prédécesseurs) et il utilise l'argent du Trésor du Temple pour aménager l'aqueduc qui amène l'eau au Temple depuis le sud de Bethléem. Cependant les trois fois que Pilate bat monnaie, il introduit le simpulum (petite coupe pour les libations) et le lituus (bâton augural), mais il se garde d’y faire frapper des figures humaines, ce qui serait insupportable aux Juifs. La masse juive ne l'intéresse pas, mais provoque chez lui agacement. Quand ses initiatives suscitent de vives réactions parmi les Juifs, il emploie la manière forte. Poussé par un zèle excessif, Pilate devance les manœuvres du prophète samaritain qui invite ses coreligionnaires à gravir le Garizim pour y trouver les vases sacrés enfouis par Moïse ; il fait massacrer les Samaritains qui étaient cependant fidèles à Rome. Après le massacre des Samaritains (36), Vitellius, le gouverneur de Syrie, envoie Pilate s'expliquer auprès de Tibère, mais l’Empereur meurt avant son arrivée. Dès lors, Pilate échappe à l'historien et entre dans la légende.

[2] Sa question n'était pas sans doute exempte d'ironie. Il semblait lui dire : “C'est donc toi, pauvre, humilié, dénué de tout, qui est accusé de prétendre à la royauté, la royauté qui a besoin de tant de puissance et de richesse” (Theophylacte : commentaire de l’évangile selon saint Luc).

Théophylacte, né en Eubée vers 1050, fit ses études à Constantinople où il fut diacre à Sainte-Sophie et professeur de rhétorique. Il fut choisi comme précepteur de Constantin, fils de l’empereur Michel VII Doukas (1071-1078), pour lequel il composa le « Miroir des princes » ; son élève n’étant pas devenu empereur, il se rallia aux Comnènes et fit un éloge d’Alexis I°. Vers 1088, il fut nommé archevêque d’Ohrid (ou de Bulgarie) où il mourut avant la fin du premier quart du XII° siècle. Il fit de nombreux commentaires de l’Ecriture qui ne manquent ni d’originalité ni de style.

[3] Il veut établir nettement la situation. Si Pilate fait cette accusation par lui-même, qu'il donne des preuves de sa rébellion. S'il la fait sur le rapport d'autrui qu'il examine avec soin les preuves qu'on lui donne (Theophylacte : commentaire de l’évangile selon saint Jean).

[4] Voilà la vérité que notre Maître veut que nous sachions. Mais il fallait auparavant détruire la fausse opinion que l'on pouvait avoir au sujet de la royauté qu'il s'attribuait. Il fallait établir que sa royauté ne pouvait occasionner aucun ombrage, et que s'il mourait, ce n'était pas pour avoir prétendu à une royauté temporelle. C'est donc aux Juifs et aux Gentils qu'il dit : « Mon royaume n'est pas de ce monde. » ntendez cette parole, ô Juifs, ô Gentils ; entendez-la, royaumes de ce monde. Ne vous laissez pas troubler par cette vaine crainte qui a fait trembler Hérode, quand on lui annonça que le Christ était né, et qui lui fit égorger tant de petits enfants, rendu cruel par la crainte. « Mon royaume n'est pas de ce monde » : venez à ce royaume avec foi et confiance. Il avait déjà annoncé que ce royaume serait formé de tous ceux qui croiraient en lui : il avait dit à ses disciples : « Vous n'êtes pas de ce monde, comme moi-même je ne suis pas de ce monde. » Et cependant il voulait qu'il demeurassent en ce monde ; il disait à son Père : « Je ne vous demande pas de les tirer de ce monde, mais de les garder du malin. » Aussi il ne dit pas à Pilate : Mon royaume n'est pas dans ce monde, mais : Mon royaume n'est pas ici. Son royaume est ici jusqu'à la fin des siècles ; l'ivraie s'y mêle au froment ; mais il n'est pas d'ici, car il est étranger dans le monde, il ne fait qu'y passer, il n'y demeure pas. C'est pourquoi il leur disait : « Vous n'êtes plus du monde ; je vous ai choisis du monde. » Ils étaient du monde, et ils appartenaient au prince de ce monde quand ils ne formaient pas encore son royaume. Toute créature qui demeure dans le péché d'Adam forment le monde ; tous ceux qui reçoivent la naissance nouvelle dans le Christ constituent ce royaume qui n'est pas de ce monde (saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, CXV).

[5] Il veut montrer aussi la source où son royaume puise sa force. Les royaumes de la terre tirent leur force de l'obéissance de leurs sujets et de leurs soldats : son royaume qui n'est que faiblesse tire sa force d'une source plus haute. Des hérétiques se sont autorisés de cette parole du Christ pour refuser à son royaume toute place sur la terre. Mais en disant : Mon royaume n'est pas d'ici, il ne veut pas enlever à la terre la présence, l'action, les bienfaits de son royaume : il établit qu'il ne relève pas des hommes, et qu'il est à l'abri de leurs attaques (saint Jean Chrysostome : Homélie LXXXIII, sur l’évangile selon saint Jean).