25e dimanche des temps ordinaires

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Marc (IX 30-37).

Jésus traversait la Galilée[1] avec ses disciples, et il ne voulait pas qu'on le sût, car il les instruisait en disant : « Le Fils de l'homme[2] est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles[3] et ils avaient peur de l'interroger[4]. Ils arrivèrent à Capharnaüm[5] et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand[6]. S'étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu'un veut être le premier[7], qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous[8]. » Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d'eux[9], l'embrassa[10], et leur dit : « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci[11], c'est moi qu'il accueille[12]. Et celui qui m'accueille ne m'accueille pas moi, mais Celui qui m'a envoyé[13]. »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Dans l'apparente division géographique de saint Marc, il faut aussi voir une division théologique : la Galilée (pays de l'Evangile) est opposée à Jérusalem (pays du refus) ; le pays des Juifs (opposition à Jésus) est opposé au pays païen (l'une et l'autre rives du lac).

[2] Fils de l'homme (ben-adam ou ben-enosh en hébreux, barnasha en araméen) signifie d'abord, dans des textes souvent poétiques, membre de la race humaine, avec une nuance de faiblesse : « Dieu n'est pas homme pour qu'il mente, ni fils d'homme pour qu'il se rétracte » (Livre des Nombres, XXIII 19) ; « le fils d'homme, ce vermisseau » (Livre de Job, XXV 6) ; « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils de l’homme, que tu en prennes souci ? » (Psaume VIII, 5). En Babylonie, cette expression (mar awili) désigne un homme libre de condition supérieure ; sans doute est-ce dans ce sens que cette expression est employée à propos du prophète Ezéchiel (quatre-vingt-treize fois). L'expression « Fils de l’homme » qui est employé quatre-vingt-deux fois dans les évangiles (dont douze fois dans l’évangile selon saint Jean), est propre à Jésus ; on ne la rencontre sur les lèvres de ses interlocuteurs qu'une seule fois, pour en demander le sens : « Qui est-il ce Fils de l'homme ? » (évangile selon saint Jean, XII 34). L’expression « Fils de l’homme » trouve son origine dans le livre de Daniel (VII 13-14) où le personnage qui porte ce titre reçoit de l’« Ancien des jours » une investiture royale sur toutes les nations de la terre : il est placé à la tête du royaume de Dieu annoncé par les prophètes. Dans le reste du Nouveau Testament, on rencontre l’expression « Fils de l’homme » une fois dans la bouche de saint Etienne (Actes des Apôtres, VII 56), une fois dans l'épître aux Hébreux (II 6) qui cite le psaume VIII, et deux fois dans l'Apocalypse (I 13 et XIV 14).

[3] Toutes ces choses avaient été prédites par les prophètes, mais ils ne comprenaient pas les Ecritures, jusqu’à ce que Jésus, après sa résurrection, eut ouvert en eux un sens nouveaux afin qu’ils comprissent (saint Cyrille d’Alexandrie : « Catenæ Græcorum Patrum », commentaire de l’évangile selon saint Luc).

[4] Il ne l’interrogent pas, craignant d’entendre des choses plus attristantes encore ; ils ne protestent pas se souvenant de la réprimande faite à Pierre pour une protestation faite dans un cas analogue (Origène : commentaire de saint Matthieu, XVI 2).

Jésus annonce pour la deuxième fois sa Passion et rencontre chez ses apôtres la même gêne : ils « avaient peur de l'interroger ». L'incognito qu’il commande (« il ne voulait pas qu'on le sût ») suggère que, considèrant sa prédication publique est terminée, il emploiera le temps qu'il lui reste à former ses disciples, du moins à semer en eux une parole qui produira son fruit plus tard, lorsqu'ils auront surmonté le scandale de son échec apparent (la Passion et la Croix), après Pâques.

[5] Dans la maison de Capharnaüm où Jésus s’arrête et se repose entre deux missions itinérantes, il n'est plus question de la mort et de la résurrection du Fils de l'Homme. Le lien avec la scène précédente est assuré grâce à la question embarrassante que Jésus pose à ses disciples : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Le texte de saint Marc suggère que ce thème nouveau (qui est le plus grand d’entre eux) n'est pas sans rapport avec ce qui précède ; en annonçant son humiliation et sa mort, à quoi il ne cherche pas à se dérober, le Seigneur prend le contre-pied de l'attitude ambitieuse de ses disciples.

[6] Les apôtres subissaient l’influence d’une passion toute humaine. Quand ils avaient vu le Sauveur choisir trois d’entre eux, Pierre, Jacques et Jean, pour les conduire avec lui à la montagne de la Transfiguration, ils n’avaient ressenti rien de pareil. Mais quand ils voient cette marque d’honneur conférée à un seul (Pierre), ils en prennent de l’ombrage. Il faut toutefois remarquer qu’ils n’ambitionnaient rien de la terre ; leur ambition se portait aux premières places dans le royaume des cieux. Et plus tard, comme ils se débarrassèrent même de cette ambition, et furent empressés à reconnaître la primauté de l’un d’eux ! Pour nous, nous sommes bien loin d’atteindre aux sentiments qui étaient chez eux un défaut, et nous cherchons ce qu’il y a de plus grand, de plus riche, de plus puissant dans les royaumes de la terre (saint Jean Chrysostome : homélie LVIII sur l’évangile selon saint Matthieu, 2).

[7] La vraie grandeur est intérieure : elle n’est pas dans le nom ou dans les hommages du dehors. La grandeur extérieure s’impose par la violence et la crainte : la vraie grandeur est semblable à la grandeur de Dieu ; elle existe même quand on ne la connaît pas : et le superbe, même quand il reçoit des hommages, demeure avec toutes ses misères. (...) Les louanges qui sont données à l’orgueilleux sont factices et contraintes, c’est pourquoi sa gloire tombe vite. Celui qui s’attache à la grandeur véritable s’y attache par la volonté, par une volonté invincible, et c’est pour cela qu’il est stable en lui. L’orgueilleux méprise les hommes, et cependant il en exige des louanges : quelle contradiction ! Et il veut recevoir d’eux des honneurs toujours plus grands. L’homme humble, au contraire, fait cas des hommes : il regarde comme étant au-dessus de ses mérites toute louange qui vient d’eux. L’âme humble ne se laisse captiver par aucune passion, ni par l’amour de la gloire, ni par l’envie, ni par la jalousie, ni par la colère ; l’âme orgueilleuse, au contraire, est sans cesse en proie à ces vices : laquelle est la plus grande ? Lequel est le plus avisé de l’oiseau qui s’élève au-dessus de tous les pièges, ou de celui qui vient se jeter dans les mains du chasseur ? (...) Que peut-il y avoir de plus grand pour l’homme que d’offrir un sacrifice à Dieu ? C’est l’âme humble qui offre à Dieu un sacrifice que Dieu agrée (saint Jean Chrysostome : homélie LXV sur l’évangile selon saint Matthieu, 5).

[8] Pendant qu’ailleurs règnent la contrainte et la violence, les apôtres du Christ qui doivent régner sur les âmes, ne doivent exercer leur empire que par l’amour que leur porteront leurs subordonnés (Origène : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, XVI 2).

[9] Cet enfant placé au milieu d’eux ne leur rappelait-il pas le Dieu qui s’est fait enfant, non pour être servi, mais pour servir ? (...) Ce qu’est l’enfant par son âge, il faut qu’ils le deviennent par leur volonté et leurs efforts (...) Le petit enfant n’a point de rancune, il ne garde pas le souvenir des offenses ; il ne s’arrête point dans les convoitises de la chair ; il ne dit point le contraire de sa pensée (saint Jérôme).

[10] Cette attitude de Jésus qui prend un enfant pour le placer au milieu de ses disciples et l’embrasser, contraste avec les mœurs de ses contemporains qui n’avaient pas de sollicitude particulière à l’égard des enfants ; ils étaient d’ailleurs exclus de la société religieuse pour ignorance de la Loi.

[11] Le petit enfant aime à être avec son père, il aime sa mère. il ne connaît ni la haine, ni la dissimulation,il croit facilement toute parole qu’ils lui dise. voilà les dispositions qui nous ouvrent le royaume des cieux et nous rendent le chemin facile (saint Hilaire : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, XVIII 1).

[12] L’enfant, s’il n’a pas encore le raisonnement, au moins ignore-t-il la faute (...) Parce que la simplicité sans la raison paraît à plusieurs une faiblesse et non une vertu, il veut que vous formiez en vous la vraie simplicité, que vous complétiez par la sagesse ce que la nature a commencé (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 23).

[13] Par cette dernière déclaration de Jésus exprime la revendication d'une dignité qu'il est seul à posséder. Il se proclame l'Envoyé de Dieu, lui qui pourtant devra passer par la mort ; cependant, « il veut que l’on sache que dans ses abaissements il est aussi grand que le Père » (saint Bède le Vénérable, commentaire de l’évangile selon saint Luc). On rejoint ainsi la perspective de l'auteur du livre de la Sagesse et de celui du psaume LIII : celui qui succombera sous les assauts de ceux qui méditent le mal, des méchants qui cherchent sa perte, Dieu exaucera sa prière, il le sauvera et il le ressuscitera.