4e dimanche des temps ordinaires

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Marc (I 21-28).

Jésus, accompagné de ses disciples, arriva à Capharnaüm[1]. Aussitôt, le jour du sabbat[2], il se rendit à la synagogue[3], et là, il enseignait[4]. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité[5], et non pas comme les scribes[6]. Or, il y avait dans leur synagogue[7] un homme tourmenté par un esprit mauvais[8], qui se mit à crier[9]  : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre[10] ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu.[11] » Jésus l'interpella vivement : « Silence ![12] Sors de cet homme. » L'esprit mauvais le secoua avec violence[13] et sortit de lui[14] en poussant un grand cri. Saisis de frayeur, tous s'interrogeaient : « Qu'est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent. » Dès lors, sa renommée se répandit dans toute la région de la Galilée.


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Capharnaüm, le village de Nahum (aujourd'hui Tell-Hum) est situé en Galilée, au nord-ouest du lac de Tibériade, à quatre kilomètres de l'embouchure du Jourdain ; il appartient aux territoires du tétrarque Hérode Antipas. Capharnaüm (aux confins des états d'Hérode Antipas et de d'Hérode Philippe II) est un poste de douane sur la route de la Gaulanitide tenu par le publicain Lévi, fils d'Alphée, le futur apôtre Matthieu (évangile selon saint Matthieu, IX 9 ; évangile selon saint Marc, II 13-17 ; évangile selon saint Luc, V 27-32) ; la ville est gardée par une garnison romaine commandée par le centurion du Domine non sum dignus (évangile selon saint Matthieu, VIII 5-13 ; évangile selon saint Luc ; VII 1-10). Au début de sa vie publique, Jésus y établit son centre d'action, y fit de nombreux miracles et y prêcha dans la synagogue. Il vint habiter à Capharnaüm qui est au bord de la mer, dans le territoire de Zabulon et de Nephtali, pour que s'accomplît ce qui avait été annoncé par Isaïe, le prophète, quand il dit : " Pays de Zabulon et pays de Nephtali, chemin de la mer, pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations, le peuple qui était assis dans les ténèbres a vu une grande lumière, et pour ceux qui étaient assis dans le sombre pays de la mort une lumière s'est levée " (évangile selon saint Matthieu, IV 13-16).

[2] La semaine est une suite continue de sept jours, désignée par le septième, le jour du sabbat (notre samedi) ; les six premiers jours de la semaine sont simplement numérotés, à l’exception du sixième jour (notre vendredi), qu’à partir de l’époque hellénistique, on appelle le « jour de la préparation ». Jusqu'à l'exil le sabbat était un jour de joie (Osée, II 13), où l'on interrompait les gros travaux et les opérations commerciales, mais où 1'on pouvait voyager (II Rois, IV 23). Durant l'exil l'importance du sabbat s'accroît : désormais il ne faut plus porter de fardeaux ni faire de voyages (Isaïe, LVIII 13). Au temps des Maccabées, un groupe de fidèles se laisse massacrer par les troupes syriennes plutôt que de prendre les armes un jour de sabbat ; il faudra une décision spéciale pour venir à bout de ce formalisme (I Maccabées, II 32-41). Un peu avant l’ère chrétienne, les docteurs pharisiens édictent des prescriptions subtiles : défense de cueillir des épis, de porter un grabat, de faire une longue route. A Jérusalem, il y a offrande de sacrifices, renouvellement des pains de proposition et assemblée religieuse. En dehors de la ville Sainte, la réunion se fait à la synagogue, où l'on prie et où l'on entend une lecture commentée d'un passage de la Bible. Jésus observe le sabbat mais lui donne son vrai sens : un moyen de servir Dieu et qui ne saurait primer le devoir de charité.

[3] La synagogue était l’édifice où les Juifs se réunissaient, aux sabbats, aux fêtes et aux jours de jeûne, pour prier, entendre la lecture et les explications des Ecritures (Loi et Prophètes). L’édifice qui était de forme rectangulaire, était divisé en trois nefs (les femmes, le centre, les hommes), et orienté vers Jérusalem. Une niche ou une armoire, fermée par un voile, en direction de Jérusalem, renferme les rouleaux sacrés ; un pupître sert pour la présidence et la lecture. L'institution est tardive (époque hasmonéenne). Le président dirige le service, veille au bon ordre, désigne le lecteur et le prédicateur ; le serviteur apporte les rouleaux sacrés et les remporte, applique la flagellation, annonce le sabbat au son de la trompette. « On donnait le nom de synagogue, non seulement à l'assemblée du peuple hébreu, mais encore aux édifices où il s'assemblait, comme nous donnons le nom d'église, non seulement à la société des fidèles, mais aux édifices où ils se réunissent » (saint Bède le Vénérable).

[4] Prends garde d'estimer heureux seulement les auditeurs de Jésus, te jugeant comme privé de son enseignement. Si l’Ecriture est la vérité, le Seigneur n'a pas seulement parlé dans les assemblées juives d'alors ; il parle encore aujourd'hui dans notre assemblée. Jésus enseigne non seulement dans notre réunion, mais encore dans toutes les autres et dans le monde entier, cherchant des instruments qui fassent entendre son enseignement (Origène : commentaire de l’évangile selon saint Luc, XXXII 2-6).

[5] Les prophètes, quand ils enseignaient, disaient : « le Seigneur a dit » ; Jésus ne parlait pas ainsi ; maître de la Loi, il disait des choses supérieures à la Loi, amenant la lettre de la Loi à son sens véritable, de la figure à la réalité. Sa parole n'était jamais une flatterie, mais une exhortation au salut. On croyait que le Messie serait un prophète, et il se montrait supérieur aux prophètes. Aussi ils étaient dans l'étonnement au sujet de son enseignement (saint Cyrille de Jérusalem).

[6] Les scribes ou docteurs de la Loi enseignaient ce qu'avaient écrit Moïse et les prophètes. Jésus enseignait comme le maître de Moïse et comme Dieu, ajoutant ou changeant ainsi que cela lui semblait bon (saint Bède le Vénérable).

[7] Il accomplissait volontiers ses miracles le jour du Sabbat afin de montrer que son œuvre, l'œuvre de la guérison et de la rénovation de sa créature, commençait là où l'autre, celle de la nature de l'homme finissait ; et afin de montrer, dès le commencement, que le Fils de l'homme n'était pas sous la Loi mais au-dessus de la Loi, et qu'il ne venait pas la détruire mais lui donner son couronnement. Ce n'est pas par la Loi, c'est par le Verbe, que le monde a été fait et, quand se fait la rénovation de l'homme, la Loi n'est pas détruite mais, au contraire, achevée (...) Voulant renouveler la Loi, il commence par ce qu'il y avait en elle de plus élevé, le sabbat (saint Ambroise de Milan : commentaire de l’évangile selon saint Luc, IV 59).

[8] La conscience de l'homme semble parfois être comme envahie par une force étrangère, et ne plus tout-à-fait s'appartenir. Cet autre être qui habite la conscience de l’homme, ne peut être qu'un esprit (un ange). Cet autre qui habite la conscience de l’homme, peut être une force néfaste, comme la jalousie (livre des Nombres, V 14-30), comme la haine (livre des Juges, IX 23), comme la prostitution (Osée, IV 12), comme l’impureté (Zacharie, 13 2). Cet autre qui habite la conscience de l’homme, peut être aussi un esprit bienfaisant, un esprit de justice (Isaïe, XXVIII 6), de supplication (Zacharie, XII 10). Ne pouvant, tant que la Rédemption n’est pas accomplie, sonder les profondeurs de Satan, l’Ancien Testament hésite à attribuer les esprits pervers à un autre qu'à Dieu (Juges, IX 23 ; premier livre de Samuel, XIX 9 ; premier livre des Rois, XXII 23), mais il affirme qu'en tout cas les bons esprits viennent directement de Dieu, et il pressent l'existence d'un Esprit saint et sanctifiant, source unique de toutes les transformations intérieures (Isaïe, XI 2 ; Ezéchiel, XXXVI 26 et suivants). Jésus montre clairement que les esprits mauvais viennent du démon ; il les expulse car ils ne peuvent résister à sa sainteté (évangile selon saint Matthieu, VIII 16 ; évangile selon saint Matthieu, XII 28 ; évangile selon saint Marc, I 23-27 ; évangile selon saint Marc, IX 29).

[9] Ils ont de la science mais pas d'amour ; ils redoutaient la peine que Jésus pouvait leur infliger, mais ils n'aimaient pas la justice qui était en lui (saint Augustin : « La cité de Dieu », IX 20).

[10] Par une malice diabolique, les Juifs devaient attribuer à une connivence avec Béelzébut, le prince des démons, les délivrances du démon opérées par Jésus ; il permet, pour répondre à l'avance à cette calomnie, que les démons trahissent la peur qu'ils ont de lui (saint Cyrille de Jérusalem : « Catéchèses »).

[11] Vous voyez que tout en accomplissant ses œuvres perverses, la nature dans le démon conserve encore sa lumière : ce Dieu qu'il nie par ses œuvres, il le reconnaît de bouche (...) Ce possédé est le type de ce peuple juif qui entre encore dans ses synagogues mais enveloppé des liens du démon, et joignant l'impureté du dedans à une pureté extérieure mensongère (...) Toutefois, la malice des Juifs nous apparaît plus grande que celle des démons ; car elle leur trouble l'esprit à ce point qu'ils nient ce que les démons reconnaissent (saint Ambroise de Milan : commentaire de l’évangile selon saint Luc, IV 61).

[12] Jésus repousse leur témoignage, nous apprenant à repousser de tels témoignages, même quand ils sont vrais, et à ne puiser la vérité que dans cette source pure des saintes Ecritures (saint Athanase).

[13] Pourquoi le démon tourmente-t-il cet homme en le quittant, alors qu’il ne l’avait point tourmenté durant le cours de sa possession, sinon pour nous montrer que c’est au moment où il est contraint de nous quitter qu’il produit en nous les tentations les plus violentes ? Quand une âme se met à aimer les choses célestes, le démon qui l’avait laissée en paix quand il la possédait, la trouble par des tentations terribles (saint Grégoire la Grand : homélie XII sur le prophète Ezéchiel, 24).

[14] Il commençait par la guérison des possédés pour aller du moindre au plus grand. Délivrer du démon, c’est l’œuvre que les hommes peuvent faire, mais par la parole de Dieu ; tandis que la résurrection des morts est une œuvre propre de la puissance divine (saint Ambroise de Milan : commentaire de l’évangile selon saint Luc, IV 59).