Pentecôte

Première lecture

Lecture du livre des Actes des Apôtres (II 1-11)

Quand arriva la Pentecôte[1] (le cinquantième jour après Pâques), les frères[2] se trouvaient réunis tous ensemble[3]. Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent[4] : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu[5] qui se partageait en langues[6] et qui se posa sur chacun d'eux[7]. Alors ils furent tous remplis de l'Esprit Saint[8] : ils se mirent à parler en d'autres langues, et chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit[9].

Or il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs fervents, issus de toutes les nations qui sont sous le ciel. Lorsque les gens entendirent le bruit, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient dans la stupéfaction parce que chacun d'eux les entendait parler sa propre langue. Déconcertés, émerveillés, ils disaient : « Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d'Asie, de la Phrygie, de la Pamphilie, de l'Egypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici, Juifs de naissance et prosélytes[10],Crétois et Arabes, tous, nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu. »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1]La Pentecôte était alors chez les Juifs la fête des Semaines, aussi appelée la fête de la Moisson ou la fête des Tentes, qui clôturait la cinquantaine pascale. « Dieu choisit, pour l’accomplissement de ce grand mystère, le jour qui rassemblait à Jérusalem un peuple immense, afin que ceux qui avaient assisté au crucifiement du Sauveur fussent aussi les témoins de l’effusion du Saint-Esprit » (saint Jean Chrysostome : homélie IV sur les Actes des Apôtres, 1). Il s'agissait à l'origine d'une fête agraire, fête des prémices de la moisson du froment, qui se célèbrait « sept semaines après que la faucille avait commencé à couper les épis d'orge » (Deutéronome, XVI 9). « La Pentecôte se célébrait au moment où on allait mettre la faux à la moisson. C'était la figure, voici la vérité. il fallait promener dans le monde entier la faux de la Parole et y recueillir une riche moisson d'âmes. C'est à ce moment que descend l'Esprit Saint semblable à une faux tranchante (…) Il avait mis la faux, lui, le premier, et il avait porté dans le ciel les prémices de cette moisson en y portant la nature humaine »(saint Jean Chrysostome : homélie IV sur les Actes des Apôtres, 1). A ce caractère agraire, deux siècles avant le Christ, vint s'ajouter une signification historique puisqu'on y rattacha le fait historique de la conclusion de l'Alliance au Sinaï, ce fut donc aussi la fête des Serments. « Ce jour contient en lui-même de grands mystères, ceux de l'économie ancienne et ceux de la nouvelle. Il y est en effet clairement montré que la grâce avait été annoncée d'avance par la Loi, et que la Loi a été accomplie par la grâce. En effet, c'est cinquante jours après l'immolation de l'agneau que jadis le peuple hébreu, libéré des Egyptiens, recut la Loi sur la montagne du Sinaï. De même, le cinquantième jour après la passion du Christ, qui fut l'immolation du véritable agneau de Dieu, cinquante jours après sa résurrection, l'Esprit Saint fondit sur les Apôtres et sur le peuple des croyants. Le chrétien attentif reconnaîtra donc facilement que les débuts de l'Ancien Testament étaient au service des débuts de l'Evangile, et que la seconde alliance fut constituée par le même Esprit qui avait fondé la première » (saint Léon le Grand : sermon LXXV, 1-2).

[2]Les frères, sont cités au premier chapitre des Actes des Apôtres (13-14) : « Pierre et Jean, et Jacques, et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d'Alphée, et Simon le Zélote, et Judas fils de Jacques » ; à qui s’ajoute Matthias, élu pour remplacer Judas (Actes des Apôtres I 15-26).

[3]Ils sont au Cénacle, c'est-à-dire dans la chambre haute, nous apprenant qu'il faut, pour le recevoir, se séparer de la terre. C’était dans ce lieu que Jésus-Christ initiant ses disciples aux plus hauts mystères, avait institué son grand sacrement, nous apprenant que si nous devons aller à Dieu, il faut que Dieu descende d`abord vers nous, comme il l'avait fait au Sinaï (saint Grégoire de Nazianze : sermon pour la Pentecôte, XII).

[4] Le vent est une créature de Dieu (Amos, IV 13) qui le tire des réservoirs du firmament (Jérémie, LI 16 ; Psaume CXXXV 7) ; le vent reste soumis à Dieu (Job, XXVIII 2 s. ; Ecclésiastique, XLIII 17) : Jésus montre qu’il est Dieu en commandant au vent (S. Matthieu, VIII 26-27). Dans l’Ancien Testament, les tempêtes venteuses et les tornades manifestent les colères divines ou les théophanies (Osée, XIII 15 ; II Samuel, XXII 11 ; Ezéchiel, I 4). En hébreu par le même mot (rûah) dit le vent, le souffle et l’esprit  ; ainsi, c'est aussi bien le vent que l'Esprit qui plane sur le chaos originel (Genèse, I 2 & VIII) ; poétiquement, le vent est présenté comme issu de la bouche (Isaïe, XXVII 8 ; Job, XXXVII 10) ou du nez (Exode, XV 8) de Yahvé. Le vent violent de la Pentecôte manifeste la présence du Saint-Esprit, celui qui éleva les prophètes au ciel (II Rois, II 1 ; Ezéchiel, VIII 3 & XI 1).

[5] Dieu montre sa gloire et sa grandeur dans le feu (Deutéronome, V 24 ; épître aux Hébreux, XII 29). Yahvé était entouré de feu lorsqu'il apparut à Moise (Exode, III 2 & XIX 18). Pendant la nuit, une colonne de feu guidait les Israélites à travers le désert (Exode, XIII 21 & XIV 24). Ezéchiel entend l'appel de Dieu qui lui apparut au milieu du feu (Ezéchiel, I 4 & 27-28). Dieu s’est manifesté à Elie au Carmel en envoyant le feu sur le sacrifice (premier livre des Rois, XVIII 38). Le feu est un des signes précurseurs qui annoncent la venue du Seigneur (Joël, III 3). L’Ecriture utilise l'image du feu pour parler de la Parole de Dieu que l'on ne peut contenir (Isaïe, XX 9), de la force de l'amour (Cantique des cantiques, VIII 6), de la langue de Dieu (Jérémie, XXX 27), de sa présence (Psaume LXVIII 63).

[6] Il se donne à eux sous forme de langues, afin d'affirmer son affinité avec le Verbe ; sous forme de langues de feu, afin d'affirmer son action purifiante, afin de manifester sa nature ; car, dit la sainte Ecriture, notre Dieu est feu. il se donne sous forme de langues qui se divisent, afin de montrer la variété des grâces qu'il apporte. Les disciples le reçoivent assis, apparaissant dans la dignité royale à laquelle ils sont élevés, montrant aussi à quel repos le Saint-Esprit amène ceux qui le reçoivent (saint Grégoire de Nazianze : sermon pour la Pentecôte, XII).

[7] Dans les prophètes, il y avait eu une illumination de l'Esprit Saint, leur donnant la connaissance des choses cachées et de l'avenir : mais en celui qui croit en Jésus-Christ, ce n'est plus une lumière apportée par l’Esprit Saint, c'est l’Esprit Saint lui-même qui vient y fixer sa demeure : c'est pourquoi on nous appelle les temples du Saint-Esprit, titre que l'on n'a jamais donné à aucun prophète (saint Cyrille d’Alexandrie : commentaire de l’évangile selon saint Jean, V 39).

[8] Ce n'était pas pour eux la première visite de l'Esprit Saint. Aujourd'hui il vient remplir plus abondamment ces cœurs qui lui appartiennent : cette effusion plus abondante de ses dons n'est pas une œuvre nouvelle, elle est un achèvement (saint Léon le Grand : troisième sermon de Pentecôte).

L’Esprit Saint n’était plus en eux par une visite ou une action passagères, mais par la plénitude de ses dons et la vérité de sa présence. Ce n’était plus une senteur du baume qui descendait en ces vases, mais le baume lui-même (saint Augustin : sermon CLXXXII).

[9] Il enflamme et il fait parler ceux qu'il remplit de sa présence ; et à leur tour ceux-ci répandent la flamme autour d'eux. Sous l’action de leur parole, le cœur s'embrase, l’âme se détache des convoitises terrestres, elle s'élève, anxieuse quelquefois, dans les désirs surnaturels. L'amour qui la remplit la tourmente et la porte aux larmes ; et pendant qu'elle est ainsi livrée aux tourments, elle se nourrit de ses tourments eux-mêmes. Elle aime à entendre les préceptes divins et chaque précepte qui lui est révélé lui devient comme une torche qui l’embrase (saint Grégoire le Grand : homélie XXX sur les péricopes évangéliques, 5).

[10] Les prosélytes étaient des païens agrégés au judaïsme par la circoncision.