3ème dimanche de Pâques

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Luc (XXIV 13-35).

Le troisième jour après la mort de Jésus, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs[1], distant de Jérusalem de soixante stades[2], et ils parlaient ensemble de tout ce qui s'était passé.

Or, tandis qu'ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s'approcha[3], et il marchait avec eux.[4] Mais leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas[5].

Jésus leur dit : « De quoi causiez-vous donc tout en marchant ? »Alors ils s’arrêtèrent tout tristes ! [6]L'un des deux[7], nommé Cléophas[8], répondit : « Tu es bien le seul, de tous ceux qui étaient à Jérusalem, à ignorer les évènements de ces jours-ci. » Il leur dit : « Quels évènements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth : cet homme était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple. Les chefs des prêtres et nos dirigeants l'ont livré, ils l'ont fait condamner à mort et ils l'ont crucifié. Et nous qui espérions qu'il serait le libérateur d'Israël ! Avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c'est arrivé. À vrai dire, nous avons été bouleversés par quelques femmes de notre groupe. Elles sont allées au tombeau de très bonne heure, et elles n'ont pas trouvé son corps ; elles sont même venues nous dire qu'elles avaient eu une apparition : des anges, qui disaient qu'il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l'avaient dit ; mais lui, ils ne l'ont pas vu. »

Il leur dit alors : « Vous n'avez donc pas compris ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, en partant de Moïse et de tous les prophètes, il leur expliqua, dans toute l'Ecriture, ce qui les concernait. Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d'aller plus loin[9]. Mais ils s'efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous : le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.

Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards[10]. Alors ils se dirent l'un à l'autre : « Notre cœur n'était-il pas brûlant en nous, tandis qu'il nous parlait sur la route, et qu'il nous faisait comprendre les Ecritures ? [11]» A l'instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « C'est vrai ! le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » À leur tour, ils racontèrent ce qui s'était passé sur la route, et comment ils l'avaient reconnu quand il avait rompu le pain.


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1]Emmaüs, lieu où Judas Maccabée, en 165 avant Jésus-Christ, remporta une victoire sur Nikanor et Georgias (premier livre des Maccabées, III 40 et III 57-IV 25), et où Bacchidès éleva une forteresse (premier livre des Maccabées, IX 50-51) ; la localisation reste discutée : on peut songer à l'actuelle Amwas (à l’extrémité orientale de la grande plaine de Lydda), devenue en 221 une colonie romaine sous le nom de Nikopolis, mais sa distance depuis Jérusalem n'est pas compatible avec les soixante stades (12 km) dont parle l'Évangile ; on peut songer à el Qubeibeh, à onze kilomètres au nord-ouest de Jérusalem.

[2]Stade (en grec stadion) : mesure de longueur grecque qui couvre six cents pieds, soit cent quatre-vingt-cinq mètres.

[3]Jésus aime à s’approcher de ceux qui s’entretienne de lui, afin d’exciter en eux la foi à sa Résurrection, et d’accomplir la promesse qu’il a faite : « Quand vous serez deux ou trois réunis en mon nom, je serai au milieu de vous »(saint Bède le Vénérable : commentaire de l’évangile selon saint Luc).

[4] Il se présente à eux sous l'apparence d'un étranger car eux-mêmes, à cause de l'idée trop incomplète qu'ils avaient de lui, étaient comme des étrangers pour lui. Ils l'aimaient et cependant ils étaient pleins de doute à son égard. Ils parlaient de lui, mais pour se poser à son sujet des questions anxieuses. Il fait sentir sa présence à ceux qui s'occupent de lui, mais il dérobe l'éclat de sa beauté à ceux qui conservent des doutes sur lui (saint Grégoire le Grand : homélie sur les péricopes évangéliques, XXIII 1).

[5] Le texte de saint Luc dit, plus justement : « leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. »

[6] Ils étaient tristes de leurs espérances perdues : ils semblaient s'accuser eux-mêmes d'avoir trop espéré en lui, puisque c'en était fait de lui. Toutefois ils sont plus tristes encore de cette mort cruelle infligée à un innocent (saint Bède le Vénérable).

[7] Si l’évangile selon saint Luc nous donne le nom de l’un des deux disciples d’Emmaüs, il ne donne pas le nom de l’autre que certains manuscrits appellent Ammaus ; Origène l’appelle Simon, saint Ambroise et saint Maxime de Turin l’appellent Ammaon, saint Epiphane l’appelle Nathanaël et le synaxaire éthiopien l’appelle Nicodème. Théolphylacte assure que « La minutie et la précision des détails ont fait croire à quelques-uns que Luc était lui-même l'un de ces disciples, celui dont il n'a pas dit le nom » ; saint Grégoire le Grand dit à peu près la même chose : « Il est assez dans les habitudes des écrivains sacrés, quand ils parlent d'eux-mêmes, d'en parler d'une façon impersonnelle. C'est ainsi que saint Jean parlant de lui, dit : “ le disciple que Jésus aimait ”. Le soin que met saint Luc à taire le nom du compagnon de Cléophas inclinerait à croire que c'est lui-même » ;en fait, il ne peut s’agir de Luc que l’on assure né païen et, sans doute, convertit lorsque les fidèles, dispersés par la persécution s’intallèrent à Antioche (Actes des Apôtres,XI 19-21) où il était né dans une famille syrienne et exerçait la profession de médecin (selon Eusèbe de Césarée).

[8] Cléophas, diminutif du grec kleopatros qui signifie au père glorieux. Ce personnage, par ailleurs inconnu dans l'Écriture ne doit pas être confondu avec le Clopas père, époux ou fils de cette Marie que l'on rencontre dans l'évangile selon saint Jean au pied de la Croix (XIX 25). Selon des traditions anciennes, Adon, vers 860, dans son livret sur les fêtes des apôtres rapporte que Cléophas fut massacré par les Juifs dans la maison même où il avait reçu Jésus à sa table ; dans son guide de Terre Sainte, Théodosius, au VI° siècle, dit que Cléophas fut martyrisé à Emmaüs.

[9] C’était moins une feinte qu’une révélation ; il voulait se montrer extérieurement ce qu’il était encore intérieurement pour eux, un étranger. il voulait voir s’ils sauraient aimer au moins dans sa qualité d’étranger celui qu’ils ne savaient pas encore aimer comme Dieu (saint Grégoire le Grand : homélie homélie sur les péricopes évangéliques, XXIII 1).

[10] Le Seigneur Jésus fut donc reconnu, mais après que les disciples l'eurent reconnu, ils ne le virent plus nulle part. Il les quitta corporellement, puisqu'il restait avec eux par la foi. Le Seigneur a voulu être corporellement absent de toute son Eglise, et il est monté au ciel : car il voulait ainsi fonder la foi. En effet, si tu ne connais que ce que tu vois, où est la foi ? Mais si tu crois aussi ce que tu ne vois pas, alors tu seras dans la joie quand tu verras (saint Augustin : sermon CCXXXV, sixième pour les fêtes pascales).

[11] La parole de Dieu a cet effet quand on l'écoute avec amour, d'éloigner la tiédeur, d`enflammer le cœur d une sainte ardeur, de délivrer l'âme des convoitises terrestres, de la remplir de saints désirs qui l'élèvent au-dessus de la terre. L'amour qui la remplit, qui est le véritable amour, lui fait sentir des tourments qui l’amènent aux larmes, mais elle se nourrit de ses tourments eux-mêmes. Elle aime à entendre les préceptes d'en haut, et tout commandement qui lui est donné devient pour elle un flambeau qui l'embrase (saint Grégoire le Grand : homélie homélie sur les péricopes évangéliques, XXX 5).