4e dimanche de l'Avent

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ selon Saint Matthieu (I, 18-24).

Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph[1] ; or, avant qu'ils eussent habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste[2], ne voulait pas la dénoncer publiquement[3] ; il décida de la répudier en secret[4].

Il avait formé ce projet, lorsque l'Ange du Seigneur lui apparut en songe[5] et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint[6] ; elle mettra au monde un fils, auquel tu[7] donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire : le-Seigneur-sauve)[8], car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

Tout cela arriva pour que s'accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète : « Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel, qui se traduit : Dieu-avec-nous[9]. »

Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l'Ange du Seigneur lui avait prescrit[10] : il prit chez lui son épouse[11].


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Il fallait donc que la bienheureuse Marie eut un époux qui fût le témoin le plus assuré de son intégrité et le nourricier très fidèle de notre Seigneur et Sauveur ; pour cet enfant, il apporterait au Temple les victimes exigées par la loi : au moment de la persécution, il l'emporterait en Egypte avec sa mère et l'en ramènerait, enfin il lui procurerait bien d'autres services exigés par la fragilité de la nature assumée (saint Bède le Vénérable : homélie pour l'Avent, I 3).

[2] Profondément enraciné dans la spiritualité juive, le mot juste évoque la droiture morale, l'attachement sincère à la pratique de la loi, l'affectivité religieuse totalement tournée vers Dieu. « Mais comment est-il juste s'il refuse de juger le cas de son épouse ? Il semble que ce soit là de la pitié et non de la justice. Il faut nous souvenir que, devant Dieu, s'il n'y a pas de vraie bonté sans la justice, il n'y a pas non plus de vraie justice sans la bonté. Ces vertus quand elles ne sont plus unies, ne peuvent se tenir debout : la justice sans la bonté est cruauté. Agissons de même quand nous sommes dans le trouble, quand les apparences indiquent une faute et que nous ignorons cependant ce qui est dans la réalité : suspendons notre jugement, éloignons les pensées de vengeance et confions tout à Dieu, de peur qu'en condamnant un innocent, nous nous préparions une condamnation semblable » (saint Pierre Chrysologue : sermon CXLV).

[3] Cette perplexité dans laquelle il se trouve est déjà un témoignage rendu à Marie : Joseph connaissait sa vertu, il commence à soupçonner un mystère qu'il ne peut pénétrer, et il veut devant ce mystère se retrancher dans le silence (saint Jérôme : « Contre Helvidius », XIX).

[4] Un époux avait le droit de renvoyer sa femme s’il avait trouvé une tare à lui imputer : « Lorsqu’un homme aura pris une femme et l’aura épousée, s’il advient qu’elle ne trouve pas grâce à ses yeux parce qu’il a trouvé en elle quelque chose de choquant, il écrira pour elle une lettre de répudiation, la lui remettra en main et la renverra de sa maison » (Deutéronome XXIV 1). Dans l’Ecclésiastique, le sage Ben Sirac ajoute : « Ne donne à l’eau aucune issue, ni à la femme mauvaise aucune liberté ; si elle ne conduit pas à ta guise, de ta chair retranche-la » (Ecclésiastique, XXV 25-26). La lettre de répudiation permettait à la femme de se remarier. Cependant, un homme qui avait faussement accusé sa femme de n’être plus vierge avant le mariage, ou qui avait dû épouser une femme qu’il avait violée, n’avait pas le droit de répudiation (Deutéronome XXII 13-19 & 28-29).

[5] Et pourquoi l'Ange ne vient-il pas plus tôt, par exemple avant cette conception miraculeuse ? Peut-être craignait-il de rencontrer en ce juste, à l'égard d'un mystère si haut, la même incrédulité qu'en Zacharie. Préparé par son angoisse, il devait mieux accueillir le message de l'Ange. Et le témoignage qu'il rendrait à la vertu de son épouse, ce témoignage appuyé sur son angoisse, devait en avoir plus de poids. A Zacharie et à Marie il était apparu en réalité : l'un et l'autre devaient avoir une part plus directe dans le mystère. C'est aussi en ce mode que les anges apparaîtront aux bergers : c'étaient des natures plus grossières qui avaient besoin d'être plus fortement frappées. A Joseph une apparition en songe suffit : c'était un homme fidèle (saint Jean Chrysostome : homélie IV sur l'évangile selon saint Matthieu).

[6] C'est Dieu lui-même qui la lui donne, mais pour garder sa virginité et non pour la déflorer, comme plus tard elle devait être donnée à Jean. Et après lui avoir enlevé ses craintes, il veut à la place des craintes mettre des joies, et quelles joies ! « Ce qui est né en elle est du Saint-Esprit. » C'est là une chose qui surpasse toute pensée humaine, comme elle surpasse toutes les lois de la nature. Comment cet homme, transporté tout à coup dans des horizons nouveaux, pourra-t-il croire à la révélation qui lui en est faite ? L'Ange appuie sa parole sur la révélation du passé, y joignant celle de l'avenir. Il lui révèle ses pensées, ses craintes, ses angoisses, ce qu'il méditait de faire : et il lui révèle aussi ce qui va arriver : « Elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. » Bien que cet enfant ait été formé par l'Esprit Saint, tu ne demeureras pas étranger à l'économie de ce mystère : bien que tu n'aies eu aucune part à sa naissance, tu auras à son égard les droits d'un père ; tu lui donneras son nom, tu auras pour lui des soins paternels. Toutefois, il lui fait entendre que cet enfant aura une plus haute destination que de lui appartenir ; il ne dit point « elle te donnera », comme on le dit dans les naissances ordinaires, mais d'une façon indéterminée, « elle enfantera. » Elle ne l'a pas enfanté pour lui, mais pour le monde entier. Et pour établir que cet enfantement est surnaturel, le nom qui sera donné à l'enfant est apporté du ciel : ce nom sera un trésor de tous les biens. Il ne délivrera point son peuple de calamités temporelles, il ne le délivrera point des barbares : il le sauvera de calamités plus effroyables, il le sauvera du péché : et par là il affirme sa grandeur divine ; car qui peut sauver du péché, si ce n'est Dieu ? Il a dit son peuple : il est facile de comprendre que dans ce peuple il enferme tous ceux qui accepteront sa doctrine (saint Jean Chrysostome : homélie IV sur l'évangile selon saint Matthieu).

[7] Il y en a qui prétendent que Joseph ne doit pas être appelé « Père de Jésus », parce qu'il n'eut aucune part à sa naissance. Ce serait donc la passion qui ferait les pères plus que l'affection. Et cependant nous voyons que dans les naissances où seule la passion a eu part, l'enfant, cet enfant que l'on appelle naturel, est moins l'enfant de son père que celui qui est né d'un mariage légitime, où régnait une affection chaste. Si cette affection seule, si le seul contact des âmes sans aucun mélange de passion aboutissait à des naissances, de telles naissances seraient d'autant plus joyeuses, d'autant plus parfaites que la paternité serait plus chaste, et l'affection plus grande (...) De même que Marie fut mère dans sa chasteté, Joseph fut père en participant à la même vertu (saint Augustin : sermon LI, 9 & 26).

[8] Le nom de Jésus fut imposé au Sauveur par Dieu, par l'Ange, par la Vierge Marie et par Joseph : Dieu indique le nom, l'Ange vient l'annoncer, la Vierge l'impose, c'est Joseph qui le donne. Par l'imposition de ce nom, Joseph révèle au monde le secret céleste ; il tient la place du Père qui est dans les cieux ; il annonce l'accomplissement du mystère qui avait été prédit si longtemps : il est vraiment l'associé de la glorieuse reine son épouse (Isidore d'Isolanis : « Summa de donis S. Joseph », XI).


Isidore de Isolanis (né vers 1477), dominicain milanais, enseigna la théologie dans divers couvents de son Ordre (Saint-Apollinaire de Pavie, Sainte-Anastasie de Vérone, Milan, Crémone), à l'uni­versité de Bologne (1521-1522) et au studium generale de son or­dre (Bologne). Il mourut en 1528 au couvent S. Maria delle Grazie de Milan dont il était prieur. Fort d'une incroyable culture géné­rale, Isidore de Isolanis publia beaucoup en bien des domaines (théologie, philosophie, hagiographie. Il fut un des premiers théologiens italiens à dénoncer les erreurs de Luther (« Revocatio Martini Lutherii ad Sanctam Sedem », Crémone, 1519). Son oeuvre la plus connue reste la « Summa de donis S. Joseph » (publiée à Pavie en 1522) qui est une sorte de traité didactique où puiseront tous les auteurs qui ont écrit sur saint Joseph ; il y présentait déjà saint Joseph comme le patron de l'Eglise militante.


[9] Isaïe VII 14-16 : « Eh bien, le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils et on l'appellera Emmanuel. De crème et de miel il se nourrira, et il saura rejeter le mal et choisir le bien (...) elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te font trembler. »

[10] En même temps, Dieu confie à Joseph le mystère dont l'accomplissement avait été attendu depuis de très nombreuses générations par la descendance de David et toute la maison d'Israël , et il lui confie, en ce même moment, tout ce dont dépend l'accomplissement de ce mystère dans l'histoire du Peuple de Dieu. Dès le moment où ces paroles ont pénétré sa conscience, Joseph est devenu l'homme de l'élection divine : l'homme qui a reçu une mission de confiance particulière. Sa fonction dans l'histoire du salut lui a été indiquée. Il entre dans cette fonction avec une simplicité et une humilité qui révèlent la profondeur spirituelle de l'homme ; et il la remplit complètement, pendant toute sa vie (Jean-Paul II : 19 mars 1980).

Et maintenant, si vous voulez connaître la place que saint Joseph occupe dans l'Eglise, rappelez-vous que c'est sous le couvert de cet homme choisi spécialement pour cela par Dieu, que Jésus a été amené à ce monde avec toutes les convenances nécessaires. Si l'Eglise doit de la reconnaissance à Marie pour lui avoir donné Jésus, après Marie, c'est à saint Joseph que l'Eglise doit le plus de reconnaissance pour ce don ineffable. Saint Joseph est le terme de l'Ancien Testament. En lui, la dignité des patriarches et des prophètes possède le fruit promis pendant si longtemps (saint Bernardin de Sienne : « Saint Joseph », II 3).

[11] Joseph n'eut aucune part dans la naissance de Jésus, si ce n'est par le service et l’affection. A cause de ce service fidèle, l'Ecriture lui donne le nom de Père. (Origène : « Leviticum », XII 4).