4e dimanche de l'Avent

Première lecture

Lecture du livre de Isaïe, (VII, 10-16)[1]

Le Seigneur envoya le prophète Isaïe dire au roi Achaz[2] : « Demande pour toi un signe venant du Seigneur ton Dieu, demande-le au fond des vallées ou bien en haut sur les sommets. » Acaz répondit : « Non, je n'en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l'épreuve. » Isaïe dit alors : « Ecoutez, maison de David ! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu ! Eh bien, le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils et on l'appellera Emmanuel, c'est-à-dire : Dieu-avec-nous[3]. De crème et de miel il se nourrira, et il saura rejeter le mal et choisir le bien[4], elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te font trembler. »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Acaz, roi de Juda, est attaqué par les rois d'Israël et de Damas qui veulent l'entraîner dans leur combat contre l'Assyrie en train de s'imposer sur tout le Proche-Orient. Acaz juge préférable de recourir à l'Assyrie moyennant tribut. Le prophète Isaïe s'oppose à cette politique frileuse mais prédit l'échec prochain des royaumes d’Israël et de Damas (en 732, Damas sera prise et Israël sérieusement amputé, avant de tomber définitivement dix ans plus tard). Dans des situations obscures, on a souvent besoin de signes pour prendre dans le présent les décisions les mieux adaptées et envisager l'avenir avec confiance. L'essentiel de l’oracle d’Isaïe réside dans un signe à double portée octroyé par Dieu : la naissance même d'un enfant est un gage d'espérance pour l'avenir ; et son nom, Emmanuel, « Dieu est avec nous » donne l'assurance de la présence de Dieu au milieu du peuple.

[2] Achaz, fils et successeur de Yotam, est le douzième roi de Juda (734 à 719). Au début de son règne, il refuse de se joindre à la coalition anti-assyrienne et, attaqué par les Philistins, Râcon de Damas et Péqha (dix-huitième roi d’Israël), malgré les objurgations du prophète Isaïe, il appelle à son secours le Téglath Phalasar III, roi d’Assyrie, dont il devient le vassal. Le roi Achaz est religieusement syncrétiste : au début de la guerre, il sacrifie à Moloch son fils aîné qu’il fait brûler vif à Tophèt (dans la vallée de la Géhenne) ; plus tard, dans le temple de Jérusalem, il fait installer un autel assyrien à la place de l’autel des holocaustes ; il met en pièces les ustensiles du Temple qu’il ferme et se fait construire des autels à tous les coins de rue de la ville.

[3] « Voici qu'une vierge concevra  ». Ce n'est plus désormais une chose à venir dont il est parlé ; c'est une chose accomplie qui est proposée à notre admiration. C'est parmi les Juifs que s'est accomplie cette parole prononcée au milieu d'eux ; c'est parmi nous qu'elle est crue, parmi nous qui n'en avions pas même entendu le premier mot : « Voici qu'une vierge concevra ». La synagogue gardait la promesse écrite ; l'Eglise possède l'objet de la promesse. L'une a possédé le livre et l'autre possède les trésors promis par ce livre ; l'une a su teindre la laine et l'autre a revêtu la robe de pourpre qui en a été tissue. La Judée l'a enfanté ; la terre entière l'a reçu. La synagogue l'a nourri et élevé ; l'Eglise le possède et recueille les fruits de sa présence. Celle-là eut le cep de la vigne et près de moi sont les fruits mûrs de la vérité. Celle-là a vendangé les raisins ; mais les nations boivent le breuvage mystique. Celle-là a semé le grain du froment dans la Judée ; mais les nations ont moissonné avec la faux la moisson de la foi. Les nations ont recueilli avec piété la rose, tandis que l'épine de l'incrédulité est demeurée parmi les Juifs. Le petit s'est envolé et les insensés restent assis auprès du nid demeuré vide. Les Juifs interprètent la lettre, qui est semblable à la feuille, et les nations recueillent le fruit de l'Esprit (saint Jean Chrysostome : homélie pour la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ).

[4] Comment rejeter ou choisir ce qu'on ne sait pas encore, s'il n'y avait une double voie pour connaître : le bien et le mal, la raison et l'expérience ? L'idée du bien sert à faire connaître le mal, même si on n'en fait pas l'expérience ; réciproquement l'idée ac­quise du mal par sa pratique donne celle du bien : on connaît en effet l'étendue de sa perte, quand on en subit les tristes consé­quences. Ainsi, avant de savoir par expérience le bien qu'il pour-rait sacrifier, ou le mal que lui ferait sentir la perte du bien, l'En­fant dédaigna le mal pour choisir le bien : il ne voulut pas sacri­fier son avantage, de peur d'être éclairé sur sa valeur en le per­dant. C'est là un exemple unique d'obéissance : aussi cet Enfant, loin de faire sa volonté est « venu faire la volonté de Celui qui l'envoyait» tandis que l'homme a mieux aimé suivre sa volonté que les ordres de son Créateur. « De même donc que par la déso­béissance d'un seul tous ont été faits pécheurs, de même par l'obéissance d'un seul tous deviennent justes » Et « si tous meu­rent en Adam, tous seront vivifiés en Jésus-Christ » (saint Augustin : « De la Genèse au sens littéral », livre VIII, chapitre 14).