3e dimanche de l'Avent

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Matthieu (XI, 2-11).

Jean le Baptiste, dans sa prison[1], avait appris ce que faisait le Christ.  Il lui envoya demander par ses disciples[2] : « Es-tu  ce-lui qui doit venir[3], ou devons-nous en attendre un autre ?[4] » Jésus leur répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez[5] : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.[6] Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! [7]»

Tandis que les envoyés de Jean se retiraient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu'êtes-vous allés voir au désert ? un roseau[8] agité par le vent[9]... ? Alors, qu'êtes-vous donc allés voir ? un homme aux vêtements luxueux ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois. Qu'êtes-vous donc allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu'un prophète. C'est de lui qu'il est écrit : Voici que j'envoie mon ange[10] en avant de toi, pour qu'il prépare le chemin devant toi[11]. Amen, je vous le dis : Parmi les hommes, il n'en a pas existé de plus grand que Jean Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui[12]. »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Il s’agit de la forteresse de Machéronte, située dans les monts de Moab, à 1100 mètres au-dessus de la mer Morte. Construite par Alexandre Jannée, rasée par Gabinius (57 avant J.-C.), elle fut relevée par Hérode. Après la destruction Jérusalem, un des derniers groupes de résistants se réfugièrent à Machéronte qui fut prise par le légat Lucilius Bassus (72). Machéronte n’est pas à confondre avec Massada, construite par le grand prêtre Jonathan, transformée en palais fortifié par Hérode. Dès avant la destruction de Jérusalem, des Juifs y résistèrent aux armées romaines jusqu’en 73 ; quand, après un long siège, le gouverneur Flavius Silva y entra, tous les occupants s’étaient suicidés.

[2] L’évangile selon saint Luc (VII 18-19) dit : Et, appelant à lui deux de ses disciples, Jean les envoya dire au Seigneur : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »

Si certains disciples de Jean-Baptiste sont des apôtres du Seigneur et que d’autres appartiennent à l’Eglise naissante (Actes, XVIII 25 & XIX 3-4), il en est qui restent indépendants. Bien qu’ignoré de la tradition talmudique, Jean-Baptiste a une place dans le Coran qui le vénère comme un très grand prophète dont la mosquée des Omeyyades (Damas) dit posséder la tombe. Il reste encore, groupés au sud de l’Irak, dans les zones marécageuses du Schatt-el-Arab, débordant sur l’Iran (province du Khouzistan,) quatre ou cinq mille Mandéens dont les ancêtres vivaient sur les bords du Jourdain et qui considèrent Jean-Baptiste, connu par des traditions qui ne viennent pas du Nouveau Testament, comme leur prophète-fondateur. Les Mandéens parlent un dialecte araméen oriental qui leur est propre et leur nom signifie ceux qui savent ; ils forment une secte gnostique. Les Mandéens connaissent, aujourd’hui encore, un sacerdoce héréditaire à trois degrés : acolytes (ou diacres), prêtres et grands-prêtres ; le baptême est leur rite essentiel qui peut être renouvelé et qui est toujours conféré dans une eau courante, appelée Jourdain : après la consécration de l’eau, le catéchumène y est plongé trois fois et, au sortir de l’eau, le prêtre serre la main du baptisé en signe de communion, puis le marque d’une onction d’huile consacrée, avant de le communier d’un morceau de pain consacré et d’une coupe d’eau. Les Mandéens baptisent les mourants et les morts pour protéger leur âme dans son ascension vers la lumière.

[3] Il est impossible d'admettre que le courage ou la foi de Jean aient subi dans sa prison une défaillance. II ne craignait pas la mort, lui qui s'était exposé à la mort en reprenant Hérode avec tant de courage ; il n'attendait pas sa délivrance. La question qu'il pose à Jésus ne peut venir du doute ou de l'ignorance. Il avait remarqué que ses disciples, cédant à l'envie, se tournaient contre Jésus. Ils ne savaient pas ce qu'était Jésus ; il croyaient que ce n'était qu'un homme, tandis qu'ils croyaient Jean plus qu'un homme. Se sentant au moment de mourir, il voulait donc les rattacher à Jésus. S'il leur avait dit : "Allez à lui, il est plus que moi ", ils auraient attribué cette parole à son humilité. Il veut que les faits parlent et disent la différence qu'il existe entre lui et Jésus. Il envoie donc les deux disciples qu'il croit les plus aptes à comprendre (saint Jean Chrysostome : XXXVI° homélie sur l'évangile selon saint Matthieu, I&2).

[4] Il est impossible d’admettre que le courage ou la foi de Jean aient subi dans sa prison une défaillance. Il ne craignait pas la mort, lui qui s’était exposé à la mort en reprenant Hérode avec tant de courage ; il n’attendait pas sa délivrance. La question qu’il pose à Jésus ne peut venir du doute ou de l’ignorance. Il avait remarqué que ses disciples, cédant à l’envie, se tournaient contre Jésus. Ils ne savaient pas ce qu’était Jésus ; il croyaient que ce n’était qu’un homme, tandis qu’ils croyaient Jean plus qu’un homme. Se sentant au moment de mourir, il voulait donc les rattacher à Jésus. S’il leur avait dit : « Allez à lui, il est plus que moi », ils auraient attribué cette parole à son humilité. Il veut que les faits parlent et disent la différence qu’il existe entre lui et Jésus. Il envoie donc les deux disciples qu’il croit les plus aptes à comprendre (saint Jean Chrysostome : XXXVI° homélie sur l’évangile selon saint Matthieu, 1&2).

Il n'est pas simple de comprendre ces simples paroles, ou bien elles contredisent ce qui précède. Comment, en effet, Jean ignore-t-il maintenant celui qu’il a reconnu par révélation de Dieu le Père ? Comment a-t-il reconnu alors celui qu'il ignorait jusque-là, et ignore-t-il maintenant celui qu'il connaissait naguère ? « Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit : C'est celui sur lequel tu verras l'Esprit Saint descendre du ciel » (Jean, I 33). Et Jean Baptiste crut à cette parole, il reconnut celui qui lui fut montré, il l'a adoré après l'avoir baptisé, et il a prophétisé son avènement. « J'ai vu et je rends ce témoignage : C'est lui le Fils de Dieu » (Jean, I 34). Puisque l'intelligence immédiate de ces paroles présente un sens contradictoire, cherchons leur signification spirituelle. Jean, nous l'avons dit précédemment, représente la Loi qui annonçait le Christ. Or il est exact que la Loi, retenue matériellement captive dans les cœurs rebelles comme dans des prisons obscures, enfermée dans des cachots pourvoyeurs de supplices, derrière des barreaux d'inconscience, ne pourrait pousser jusqu'au bout le témoignage en faveur de, l'économie divine de notre salut sans la garantie de l'Evangile. Jean envoie donc ses disciples au Christ, pour qu'ils obtiennent un supplément d'information, parce que le Christ est la plénitude de la Loi (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, V 93-95).

[5] Le Seigneur, sachant que sans l'Evangile personne ne peut avoir une foi plénière (car si la foi commence par l'Ancien Testament, c'est dans le Nouveau qu'elle s'accomplit), n'éclaire pas les questions qu'on lui pose sur lui-même par des paroles, mais par des faits (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, V 102).

[6] Isaïe, XXXV 5-6 : « Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds s’ouvriront ; alors le boiteux bondira comme un cerf et la langue du muet poussera des cris de joie. »  Isaïe, LXI 1 : « Il m’a envoyé porter aux humbles la bonne nouvelle, panser les cœurs brisés, proclamer aux déportés la libération et aux captifs l’élargissement. »

[7] Ce qui fonde la plénitude de la foi, c'est la croix du Seigneur, sa mort, son ensevelissement. C'est pourquoi il dit encore : « Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! » En effet, la croix pourrait provoquer la chute des élus eux-mêmes, mais il n'y a pas de témoignage plus grand d'une personne divine, rien qui paraisse davantage dépasser les forces humaines que cette offrande d'un seul pour tous : par cela seul, le Seigneur se révèle pleinement. Et enfin c'est ainsi que Jean l'a désigné : « Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jean, I 29). Ces paroles ne s'adressent pas seulement à ces deux hommes, les disciples de Jean, mais à nous tous, afin que nous croyions au Christ, si les événements confirment cette annonce (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, V 109).

[8] Le roseau, ce serait l’homme qui a des apparences, ces apparences qui constituent la gloire mondaine et qui, au-dedans de lui, est vide de la vérité, dont les dehors ont de l’éclat et dont l’intérieur est nul, qui s’incline aux souffles du dehors, aux souffles des démons, qui n’a aucune consistance parce qu’il est creux (saint Hilaire de Poitiers : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, XI 4).

[9] Le roseau fléchit dès que la brise l'effleure. Que disigne-t-il, sinon l'esprit charnel, qui s'incline d'un côté ou de l'autre dès qu'il est touché par la flatterie ou la critique ? En effet, qu'une bouche humaine vienne à souffler sur lui la brise de la flatterie, et le voilà qui se réjouit s'enorgueillit et s'infléchit tout entier par complaisance. Mais qu'un souffle de critique sorte de la bouche même dont provenait la brise de la louange, et il s'incline aussitôt de l'autre côté dans un accès de fureur. Jean, lui, n'était pas un roseau agité par le vent : ni la faveur ne le rendait caressant en le flattant, ni la critique, d'où qu'elle vînt, ne le rendait violent en le mettant en colère. La prospérité ne pouvait l'élever, ni l'adversité le fléchir. Non, Jean n'était pas un roseau agité par le vent : aucun revirement de situation ne faisait plier sa droiture. Apprenons donc, frères très chers, à ne pas être des roseaux agités par le vent. Affermissons notre âme exposée aux brises des paroles ; demeurons en notre esprit d'une stabilité inflexible. Ne nous laissons jamais entraîner à la colère par la critique, ni incliner par la flatterie à une complaisance et une indulgence exagérées. Ne nous élevons pas dans la prospérité, ne nous troublons pas dans l'adversité, en sorte que fixés dans la solidité de la foi, nous ne nous laissions aucunement ébranler par la mobilité des choses qui passent (saint Grégoire le Grand : homélie VI sur les évangiles, 2).

[10] Jean vivait sur terre comme s’il avait été dans le ciel, et supérieur aux besoins de la nature il menait une vie étonnante, passant les jours dans les hymnes et la prière, loin de la société des hommes et ne conversant qu’avec Dieu. Il ne connaissait ni le lait ni le vin, il n’avait ni lit ni toit, il ne connaissait point les villes ni ce qui sert à l’homme ; il était à la fois doux et véhément. Avec quelle douceur il parle à ses disciples, et avec quelle force aux Juifs, avec quelle liberté au roi ! (saint Jean Chrysostome : XXXVII° homélie sur l’évangile selon saint Matthieu, 2).

[11] Malachie, III 1 : « Voici que je vais envoyer mon messager, pour qu'il fraye un chemin devant moi ». Exode, XXII 20 : « Voici que je vais envoyer un ange devant toi, pour qu'il veille sur toi en chemin et te mène au lieu que je t'ai fixé ».

[12] Il oppose à ceux qui sont nés de la femme ceux qui ont reçu une autre naissance, ceux qui sont nés de l’Esprit et qui sont devenus enfants de Dieu, car le royaume de Dieu est esprit. C’est pourquoi, si selon les œuvres et la sainteté personnelle, nous pouvons être au-dessous de ceux qui ont été les serviteurs de la Loi représentés par Jean, nous avons reçu par le Christ quelque chose de meilleur, étant devenus par lui participants de la nature divine (saint Cyrille d’Alexandrie : commentaire de l’évangile selon saint Luc).