30e dimanche des temps ordinaires

Première lecture

Lecture du livre de l'Exode (XXII 20-26)[1].

Au Sinaï, le Seigneur Dieu parlait ainsi à son peuple : « Tu ne maltraiteras point l'émigré qui réside chez toi, tu ne l'opprimeras point, car vous étiez vous-mêmes des émigrés en Egypte. Vous n'accablerez pas la veuve et l'orphelin. Si tu les accables et qu'ils crient vers moi, j'écouterai leur cri. Ma colère s'enflammera et je vous ferai périr par l'épée : vos femmes deviendront veuves, et vos fils, orphelins. Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n'agiras pas envers lui comme un créancier : tu ne lui imposeras pas d'intérêts[2]. Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C'est tout ce qu'il a pour se couvrir ; c'est le manteau dont il s'enveloppe, la seule couverture qu'il ait pour dormir. S'il crie vers moi, je l'écouterai, car moi, je suis compatissant. »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] La charité envers le frère est le vrai signe de l'accueil de l'Alliance, puisque la loi de l'amour et du service des autres est la face concrète, visible et engageante de l’amour pour Dieu. Quand le peuple sera devenu sédentaire, après son entrée en Palestine, il connaîtra de nouvelles situations de misère ou de difficulté sociale : l’immigré n'existe pas en société nomade ; l’orphelin est pris en charge par tout le clan nomade. Le motif invoqué ici pour ne pas maltraiter l'immigré rejoint la foi, et a valeur universelle pour toute l'attitude du peuple. La libération de l’Egypte est l'événement essentiel qui fonde la reconnaissance de Dieu comme sauveur, la reconnaissance de la gratuité de ce salut, donc de l'amour de Dieu pour son peuple. Cet événement devient le modèle ; alors le « souviens-toi » est une source vivante d'action. Le mémorial n'est pas seulement souvenir d'un passé, mais dynamisme pour le présent dans la foi au même Seigneur. L'immigré est à respecter, parce que nous avons été immigrés en Egypte, et que la présence d'immigrés parmi nous maintenant est comme un mémorial. Nous devons agir pour eux comme Dieu a agi pour nous : « Je suis, moi, compatissant » (verset 26). Le Lévitique, à propos de l'immigré, emploie même la formule « tu l'aimeras comme toi-même », que le Christ reprend dans l'Evangile d'aujourd'hui en unissant les deux semblables grands commandements. La même raison, avec les nuances, joue pour l'attitude vis-à-vis de la veuve et de l'orphelin. De même pour celui qui a un manteau. Le manteau qui sert de couverture pour la nuit, cela rappelle le nomadisme. Il n'est pas étonnant que l'Exode, ici, parle seulement du pauvre « parmi les frères », c'est-à-dire dans le peuple élu seulement. Il s'agit de ceux qui peuvent se référer à la libération d’Egypte. L'universalisme, ouverture de l'amour à tous les frères, viendra plus tard, notamment par le Christ.

[2] La Loi interdit explicitement le prêt à intérêt : « Tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère ni à ton prochain » (Deutéronome, XXIII 21), dit-elle (...) Et le psalmiste, pour caractériser la perfection que peut atteindre un homme, retient cette meme attitude : « Il prête son argent sans intérêt » (Psaume XIV 5). La conduite opposée n'est-elle pas, en effet, le comble de l'inhumanité ? Voici un homme qui manque du nécessaire et cherche à emprunter pour subvenir à ses besoins ; son frère, au lieu de se contenter de récupérer la somme prétée, imagine encore, pour augmenter ses propres revenus, d'exploiter la détresse de l'indigent ! (...) Eh quoi ! Tu cherches à soutirer au pauvre de l'argent et des ressources ? Mais s'il était en son pouvoir de t’enrichir, viendrait-il quêter à ta porte ? Il accourait vers un allié, il rencontre un ennemi ! Il recherchait un remède, il trouve le poison ! Tu devais pallier ses nécessités ; tu multiplies au contraire son indigence en cherchant à tirer des fruits du désert ! Tu ressembles à un médecin qui visiterait ses malades, non pour leur rendre la santé, mais pour leur enlever le peu de force qui leur reste. Oui, tu uses de la detresse du malheureux comme d'une source de richesses. Les paysans souhaitent la pluie pour que se multiplient leurs semences : toi, tu guettes l'indigence et la pénurie d'un autre pour que ton argent rapporte. Ne saisis-tu pas que, par ces profits tant espérés, tu augmentes ton capital de péchés bien davantage que tu n'accrois ta fortune ? (...) Si vous obéissiez au Seigneur, serait-il besoin de tant de discours ? Quel est le conseil du Maître ? « Prêtez à ceux dont vous n'espérez rien en retour » (évangile selon saint Luc, VI 34). Quel est, me dites-vous, ce prêt que n'accompagne pas l'espoir d'un remboursement ? Comprends la valeur du précepte du Seigneur et tu seras émerveillé de l'humanité de celui qui l'a énoncé. Chaque fois que tu décides de donner à un pauvre au nom du Seigneur, tu fais à la fois un don et un prêt ; un don, puisque tu es sans espoir d'être remboursé ; un prêt, à cause de la munificence du Maître qui acquittera la dette du pauvre : pour la légère aumône qu'il recoit de toi à travers l'indigent, il te rendra le centuple. « Celui qui a pitié du pauvre, prête à Dieu » (Proverbes, XIX 17). Ne veux-tu pas avoir comme caution de ta créance le Maître de l'univers ? (saint Basile : « Contre les Usuriers », I & V).