29e dimanche des temps ordinaires

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Matthieu (XXII 15-21).

Les pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler. Ils lui envoyèrent leurs disciples, accompagnés des partisans d'Hérode[1] : « Maître, lui dirent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ; tu ne te laisses influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens[2]. Donne-nous ton avis[3] : Est-il permis, oui ou non, de payer l'impôt à l'Empereur ? » Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : « Hypocrites ! pourquoi me tendez-vous un piège ?[4] Montrez-moi la monnaie de l'impôt. » Ils lui présentèrent une pièce d'argent. Il leur dit : « L'effigie et la légende, de qui sont-elles ? » Ils répondirent :  De l'empereur César.[5] » Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu[6] »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Ils étaient retenus par la crainte du peuple et ils se souvenaient qu'ils n'avaient plus le pouvoir de prononcer des condamnations à mort, c'est pourquoi il fallait pouvoir l'accuser auprès des Romains et, en agissant ainsi, ils paraîtraient innocents de sa mort (saint Bède le Vénérable : commentaire de l'évangile selon saint Luc).

[2] Nous pourrions évoquer le vaste domaine des compliments et des reproches. Rien n'est grave s'il s'agit de simple courtoisie, de captatio benevolentine, mais ici les formules ont quelque chose de repoussant. Ils prennent des qualités bibliques signalées, la vérité, l'enseignement de la voix de Dieu, le fait de ne pas faire acception de personnes (pour chaque élément on pourrait donner de nombreuses références bibliques) et ils en « vernissent » le Christ avant d'enfoncer leur dard. C'est un exercice fructueux de porter attention aux compliments et aux reproches que l'on fait et d'abord que l'on reçoit. On y perçoit sans mal la pureté de son propre cœur. Souvent nous sommes en rage ou dépités parce qu'on nous fait un reproche et englués au contraire dans la vanité lorsqu'on nous complimente. Il n'en serait pas ainsi si nous faisions un petit effort de discernement : béni soit Dieu pour ce qui est justifié : le reproche appelle à la conversion, le compliment maintient dans l'action de grâce ; ne perdons pas de temps avec ce qui ne l'est pas : l'autre aussi peut se tromper dans ses reproches et les compliments immérités ne rendent aucun service ; que monte, et éventuellement éclate, notre colère devant ce qui est pervers : le reproche qui va blesser une existence, la mener à la vengeance ou au désespoir ; le compliment qui fait dériver vers l’injustice et la malhonnêteté ou qui dissimule un piège. Personne ne doit nous faire entrer dans le circuit de la haine par ses reproches; personne ne doit trouver prise sur nous par des compliments. C’est cette basse manœuvre des pharisiens qui leur vaut d’être traités d’hypocrites par Jésus (cardinal Jean-Marie Lustiger : méditation devant les juristes catholiques, N.-D. de Paris le 12 novembre 1982).

[3] Tout homme qui consulte, fait l’homme de bien ; car il fait semblant de chercher la vérité, mais sous ce bel extérieur on cache souvent beaucoup d'artifice : on tend des pièges aux autres, comme ici on en tendait au Sauveur : on en tend jusqu'à soi-même ; et il n'y a rien qui soit plus mêlé de fraude, que les consultations, parce que chacun veut qu'on lui réponde selon sa passion (…) Ils commencent par la flatterie car c'est par là que l'on commence toujours lorsqu'on veut tromper quelqu'un (…) C'est ainsi qu'on pique d'honneur les hommes vains pour les faire parler hardiment et sans mesure, et leur faire des ennemis (J.-B. Bossuet : « Méditations sur l’Evangile », la dernière semaine, XXXV° jour).

[4] Le peuple juif s'était nourri dans cette pensée qu'il ne pouvait pas être assujetti à des infidèles. Les Romains avaient occupé la Judée, et avaient même réuni à leur empire une grande partie du royaume (…) Jérusalem était elle-même dans cette sujétion ; et il y avait un gouverneur qui commandait au nom de César, et faisait payer les tributs qu'on lui devait. Si Jésus eût décidé contre le tribut, ils le livraient aussitôt (…) entre les mains du gouverneur ; et s'il disait qu'il fallait payer, ils le décriaient parmi le peuple, comme un flatteur des gentils et de l'empire infidèle. Mais il leur ferme la bouche : premièrement, en leur faisant voir qu'il connaissait leur malice ; secondement, par une réponse qui ne laisse aucune réplique (…) Hypocrites : vous faites paraître un faux zèle pour la liberté du peuple de Dieu contre l'empire infidèle, et vous couvrez de ce beau prétexte le dessein de perdre un innocent (J.-B. Bossuet : « Méditations sur l’Evangile », la dernière semaine, XXXV° jour).

[5] Dieu, mes frères, nous redemande son image (à laquelle nous avons été créés). C'est ce qu'il veut dire aux Juifs, quand ceux-ci lui présentèrent une pièce de monnaie. D'abord ils voulaient le tenter, en disant : « Maître, est-il permis de payer le tribut à César ? », afin que, s'il répondait : c'est permis, ils puissent l'accuser de malédiction contre Israël, qu'il voudrait assujettir à l'impôt et rendre tributaire sous le joug d'un roi. Que si, au contraire, il répondait : ce n'est pas permis, ils pourraient l'accuser de parler contre César, d'être cause qu'on refusait l'impôt qu'on lui devait puisqu'on était sous son jong. Jésus vit leur piège, comme la vérité découvre le mensonge, et il les convainquit de mensonge par leur propre bouche. Il ne les condamna pas de sa propre bouche, mais il leur fit prononcer eux-mênes leur sentence, ainsi qu'il est écrit : « C'est sur tes paroles que tu seras justifié, et sur tes paroles que tu seras condamné » (évangile selon saint Matthieu, XII 37) (…) De même que César cherche son image sur une pièce de monnaie, Dieu cherche son image en ton âme. « Rends à César ce qui appartient à César », dit le Sauveur. Que réclame de toi César ? Son image. Que réclame de toi le Seigneur ? Son image. Mais l'image de César est sur une pièce de monnaie, l’image de Dieu est en toi. Si la perte d'une pièce de monnaie te fait pleurer parce que tu as perdu l'image de César, faire injure en toi à l'image de Dieu, ne sera-ce point pour toi un sujet de larmes ? (saint Augustin : sermon XXIV, 8).

[6] Il sait tellement nous tracer notre voie entre le mépris du monde et l'offense à César ; il affranchit tellement du monde les âmes qu'il consacre à Dieu, qu'elles n'ont aucune difficulté de rendre à César ce qu'elles doivent à César. Dans la mesure où nous nous servons de lui, des choses qui dépendent de lui, nous nous mettons dans la nécessité de lui rendre ce que nous en recevons (...) L'image de César est gravée dans le métal, l'image de Dieu est gravée dans tout l'homme, dans son corps, son âme, sa volonté ; il est donc juste de lui rendre notre corps, notre âme et notre volonté ; il est juste de lui rendre tout cela puisque c'est lui qui nous en donne et la substance et l'accroissement (saint Hilaire de Poitiers : commentaire de l'évangile selon saint Matthieu, XXIII 2).

Quand vous entendez cette parole : Rendez à César ce qui est à César, entendez-la des choses qui ne sont pas contraires à la piété due à Dieu ; car si elles lui étaient contraires, ce ne serait plus le tribut de César, ce serait le tribut de Satan (saint Jean Chrysostome : homélie LXX sur l'évangile selon saint Matthieu, 2).