23e dimanche des temps ordinaires

Epître

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains (XIII 8-10)[1]

Frères, ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l'amour mutuel, car celui qui aime les autres a parfaitement accompli la Loi. Ce que dit la Loi : « Tu ne commettras pas d'adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras rien », ces commandements[2] et tous les autres se résument dans cette parole : « Tu aimeras ton prochain[3] comme toi-même.[4] » L'amour ne fait rien de mal au prochain ; donc l'accomplissement parfait de la Loi[5], c'est l'amour[6].


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Le mot dette vient du verset qui précéde ce passage : « Rendez à chacun ce qui lui est dû », particulièrement dans les exigences civiques. Mais, dit saint Paul, l’essentiel, la dette inextinguible, n’est pas dans le domaine des biens, mais dans celui des relations. Ainsi, après le Christ, saint Paul rappelle l'enseignement devenu traditionnel sur l'amour du prochain comme accomplissement de la Loi : « ne faites pas de mal, tout ce que vous voulez qu'on vous fasse, faites-le vous aussi aux autres » (évangile selon saint Matthieu, VII 12). L’amour « ne fait rien de mal au prochain », fût-il même l’ennemi (évangile selon saint Matthieu, V 43-48). Un double secret est à l'origine de cette Loi de l'amour mutuel : agir ainsi c'est être vraiment fils du même Père qui aime tous les hommes, « qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (évangile selon saint Matthieu, V 45) ; tout comme l'amour de Dieu (commandement « semblable au premier »), l’amour du prochain n'est pas un commandement parmi d'autres, un moyen de vie bonne, c'est un but, « l’accomplissement de la Loi » où se réalise l'union au Dieu d'amour : « vous serez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait » (évangile selon saint Matthieu, V 48).

[2] [Ces commandements] sont la préparation nécessaire pour arriver à l’amour de Dieu ; ils sont d’une observance plus facile à constater ; celui qui viole un seul d’entre eux ne peut plus se regarder comme étant au commencement de la voie ni sur le chemin de la vie ; et toutefois ils ne sont qu’un commencement (Origène : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, XV 10).

[3] Le nom de prochain est un nom de relation, et nous ne pouvons être proche que de quelqu’un qui est proche de nous. Et ce qui nous rapproche le plus, ce n’est pas la parenté mais la miséricorde. Celui-là soit notre prochain à qui nous rendrons ou sommes disposés à rendre, autant qu’il en aura besoin nos offices de miséricorde (saint Augustin : « De doctrina christiana », I 30).

[4] Nombreux seront les actes de vertu que la charité mettra en œuvre en évitant tout ce que l’on ne voudrait pas subir, ou en accomplissant ce que l’on aimerait recevoir. En se gardant de ce qu'elle ne voudrait point rencontrer, elle évitera l’orgueil qui arrive vite au mépris du prochain, l’ambition et l’envie qui convoitent les biens du prochain, la luxure qui engendre les désirs impudents, la colère qui porte à l’injure, la jalousie qui s`attriste de la félicité des autres, le bavardage qui attaque volontiers les réputations, la rancune qui amène aux paroles mauvaises. En pensant à faire aux autres ce que nous aimerions qu’il nous fût fait à nous-mêmes, elle s’applique à rendre le bien pour le mal, et pour le bien des choses meilleures encore ; elle témoigne de la bienveillance à ceux qui sont travaillés par la méchanceté, elle supporte avec longanimité les rancuniers, elle travaille à réconcilier les âmes divisées, elle donne le nécessaire au pauvre, elle montre la voie à l’égaré, elle compatit à l’affligé, elle relève ceux qui sont embourbés dans les jouissances de la terre, elle ramène à l’ordre les menaces des insolents, elle rend du courage aux âmes abattues, elle oppose la patience à l’oppression, elle rappelle au devoir les orgueilleux, elle sait en reprenant ceux qui lui sont soumis unir ensemble la douceur et la justice, le zèle et la compassion, par ses bienfaits répétés elle sait amener les ingrats à aimer, et par ses services conserver dans l'amour ceux qui ont commencé à aimer, elle sait faire aux coupables les reproches nécessaires quand ils doivent porter coup, garder le silence quand les reproches ne seraient pas acceptés, mais garder dans l'âme une telle douleur que son silence ne sera jamais regardé comme un consentement... elle sait donner largement, sans jamais s’enfler pour ce qu’elle a donné, sans jamais s'arrêter dans la pensée qu’elle a suffisamment donné, sans se laisser attrister par 1a crainte de s’appauvrir, en se maintenant dans la joie par le souvenir de celui qui doit la réconpenser (saint Grégoire le Grand : « Moralia in Job », X 6).

[5] Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l'un d'eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l'épreuve : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il y a dans l'Ecriture - dans la Loi et les Prophètes - dépend de ces deux commandements » (évangile selon saint Matthieu, XXII 34-40).

[6] On ne lui devient proche qu’en pratiquant envers lui la miséricorde du Christ (saint Ambroise : « De Pænitentia », I 9).