21e dimanche des temps ordinaires

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Matthieu (XVI 13-20).

Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe[1], et il demandait à ses disciples[2] : « Le Fils de l'homme[3] , qui est-il, d'après ce que disent les hommes[4] ? » Ils répondirent : « Pour les uns, il est Jean-Baptiste[5] ; pour d'autres, Elie[6] ; pour d'autres encore, Jérémie[7] ou l'un des prophètes. » Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je[8] ? »

Prenant la parole, Simon-Pierre déclara[9]  : « Tu es le Messie[10], le Fils du Dieu vivant[11] ! » Prenant la parole à son tour, Jésus lui déclara : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre[12], et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise[13] ; et la puissance de la Mort ne l'emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne qu'il était le Messie[14].


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Césarée de Philippe est située dans une fraîche vallée, près de l'une des principales sources du Jourdain, au pied du mont Hermon, du côté sud-ouest, à 528 mètres au-dessus du lac de Tibériade. Elle contrôle la route entre Tyr et Damas, et garde la plaine fertile du lac Huleh (le Semechonitis des Romains), irriguée par les sources du Jourdain. Le site est identifié à Baniyas (46 km à l'est de Tyr) ; le petit village qui en restait fut détruit au lendemain de l’occupation du Golan par Israël (1967). D’abord appelée Panion par les Grecs en raison du sanctuaire qu’il y dédièrent au dieu Pan et aux Nymphe, elle fut ensuite appelée Panéas après qu’Antiochus III, vers 200 avant Jésus-Christ, y défit les Egyptiens (paneas en grec). En 20 avant Jésus-Christ, Auguste donna la région de Panéas à Hérode le Grand qui lui éleva « un temple magnifique en marbre blanc » (Flavius Josèphe), près de la grotte du dieu Pan. Après la mort d'Hérode le Grand, la région fut incluse dans la tétrarchie de Philippe qui réorganisa Panéas et qu'il nomma Césarée de Philippe, en son honneur et en celui de Tibère César. La ville devint alors un centre important de la civilisation gréco-romaine : elle contrôlait la région auquelle elle donna son nom. Césarée de Philippe fut incluse dans le territoire de Hérode Agrippa II (53) qui l'appela Néronias, en l'honneur de Néron. Durant la première révolte juive (66-70), elle servit de lieu de repos aux armées romaines. Césarée de Philippe eut assez tôt un évêché qui dépendant de la province de Tyr (Phénicie première). Après qu’ils eurent pris la ville (1129), les croisés y installèrent un évêque latin.

[2] Il avait voulu les séparer du reste des hommes afin qu’ils pussent en toute liberté confesser leur foi (saint Jean Chrysostome : homélie LIV sur l’évangile selon saint Matthieu, 1).

[3] Fils de l'homme (ben-adam ou ben-enosh en hébreux, barnasha en araméen) signifie d'abord, dans des textes souvent poétiques, membre de la race humaine, avec une nuance de faiblesse : « Dieu n'est pas homme pour qu'il mente, ni fils d'homme pour qu'il se rétracte » (Livre des Nombres, XXIII 19) ; « le fils d'homme, ce vermisseau » (Livre de Job, XXV 6). En Babylonie (mar awili) il désigne un homme un homme libre de condition supérieure et c'est sans doute dans ce sens qu'on l'emploie à propos du prophète Ezéchiel (93 fois). L'expression « Fils de l’homme » qui est employé 82 fois dans les évangiles (dont 12 fois par saint Jean), est propre à Jésus, et on ne la rencontre sur les lèvres de ses interlocuteurs qu'une seule fois, pour en demander le sens : « Qui est-il ce Fils de l'homme ? » (évangile selon saint Jean, XII 34). Cette expression trouve son origine dans le livre de Daniel (VII 13-14) où le personnage qui porte ce titre reçoit de l’Ancien des jours une investiture royale sur toutes les nations de la terre : il est placé à la tête du royaume de Dieu annoncé par les prophètes. Dans le reste du Nouveau Testament, on rencontre l’expression « Fils de l’homme » une fois dans la bouche de saint Etienne (Actes des Apôtres, VII 56), une fois dans l'épître aux Hébreux (II 6) et deux fois dans l'Apocalypse (I 13 et XIV 14).

[4] Par cette question il faisait entendre qu’il y avait en lui quelque chose de plus que l’homme. Qu’il fût un homme, il suffisait de le voir, de voir son corps pour le reconnaître. Mais par cette question, il faisait entendre qu’outre ce qu’on voyait en lui il y avait quelque chose de caché, et c’est à cela que devait se porter la foi des vrais croyants (saint Hilaire de Poitiers : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, XVI 6).

[5] Et le roi Hérode l’apprit ; car son nom était devenu célèbre et on disait : « C’est Jean le Baptiste qui s’est relevé d’entre les morts, et voilà pourquoi agissent en lui les miracles » ; d’autre disaient : « C’est Elie » ; d’autres disaient : « C’est un prophète comme l’un des prophètes. » Mais en l’apprenant, Hérode disait : « Celui que moi j’ai fait décapiter, Jean, c’est lui qui s’est relevé ! » (évangile selon saint Marc, VI 14-16).

Selon l’opinion populaire, Jean-Baptiste aurait bien pu être ressuscité d'entre les morts parce que les Juifs croyaient effectivement qu’un innocent mis à mort pouvait revenir parmi les vivants ; en sa qualité de ressuscité il aurait maintenant le pouvoir d'accomplir des miracles, ce qu’il n’avait pas fait de son vivant).

[6] Elie avait été enlevé au ciel dans un char de feu ; quant Jésus-Christ ira au ciel, ce sera en y montant par sa propre vertu, ce sera en retournant au séjour d’où il était venu. Elie se venge en faisant descendre le feu du ciel ; Jésus préfère par une patience invincible guérir ses persécuteurs plutôt que de les faire mourir. Jérémie est sanctifié dès le sein de sa mère ; Jésus, dès le sein de sa mère, sanctifie celui qui doit être son précurseur. jean, dès le sein de sa mère avait senti la présence du Seigneur et l’avait adoré, mais Jésus était celui-là même qui était adoré. Jean baptisait dans l’eau, et Jésus baptisait dans l’Esprit ; Jean amenait à la pénitence et Jésus pardonnait les péchés (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VI 96).

Le prophète Elie était vénéré comme un intercesseur et une aide dans les plus diverses difficultés. On considérait encore Elie comme celui qui allait rétablir le peuple d'Israël, comme celui qui devait réconcilier les pères avec leurs fils et les fils avec leurs pères, avant que vienne le jour du Seigneur. A lui, pensait-on, devait revenir de désigner le Messie et de lui donner l’onction.

[7] Jérémie avait été établi par Dieu pour prier pour tout le peuple. Jérémie avait reçu la mission d’arracher et de détruire, d’édifier et de planter. Et il semblait que Jésus eût reçu une mission semblable. Jérémie n’avait fait que commencer les fonctions dont il avait été investi, et il semblait que Jésus les continuât (Origène : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, XII 9).

[8] Il les invitait à avoir de lui une opinion plus exacte, et il leur laissait entendre que l’opinion précédente était bien inférieure à sa véritable dignité. Il leur demande donc un jugement différent ; il les interroge de nouveau pour les éloigner des idées de la foule qui, après avoir vu s’accomplir des miracles supérieurs à la puissance de l’homme, estimait néanmoins Jésus un homme, et pas autre chose, un homme revenu d’entre les morts, comme le disait Hérode (…) Pour vous qui êtes toujours avec moi, et qui avez vu mes prodiges, vous qui grâce à moi en avez fait un grand nombre, vous qui en avez vus de plus grands que ceux qui ont été accomplis devant les foules ; vous pouvez avoir de moi une idée plus parfaite. Et de fait il leur pose cette question après qu’il a accompli devant eux de nombreux miracles, après que déjà il leur a révélé des vérités sublimes, donné des preuves nombreuses de sa divinité et de son unité avec le Père (saint Jean Chrysostome : homélie LIV sur l’évangile selon saint Matthieu, 1).

[9] Quand il s’agit de dire la vérité sur le Christ, Pierre se souvient de sa primauté et il est empressé à parler autant qu’il avait été jusque-là réservé dans son silence (saint Ambroise : « De incarnationis dominicæ sacramento », IV).

Quand il s’agissait de dire les opinions qui circulaient parmi les foules, tous parlaient ; mais voici qu’il faut dire la vérité sur Jésus, un seul, Pierre, parle comme le représentant de tous les autres (saint Jean Chrysostome : homélie LIV sur l’évangile selon saint Matthieu, 1).

[10] Le mot français de Messie est calqué sur le mot hébreux Mâchiah qu’il traduit ; il signifie « oint », « consacré » dont l’équivalent en grec est Khristos qui a donné Christ en français.

[11] Il dit une parole qu'aucune voix humaine n'avait encore prononcée : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » En vérité, alors même que le Christ demeurant dans la chair s'était déjà déclaré Fils de Dieu, l'Apôtre fut alors le premier à reconnaître dans la foi que la nature divine est en lui. Si Jésus, en effet, a loué Pierre, ce n'est pas uniquement pour l'avoir honoré par sa profession de foi, mais aussi pour avoir reconnu son mystère, car l'Apôtre n'a pas seulement confessé le Christ, mais il l'a aussi proclamé Fils de Dieu. Pour l'honorer, il lui eût certainement suffi de confesser : « Tu es le Christ. » Il eût pourtant été inutile de l'appeler Christ sans le proclamer Fils de Dieu. De fait, en disant : Tu es, Pierre a clairement déclaré la perfection et le caractère unique de la vraie nature du Fils. Et en disant : « Celui-ci est mon Fils », le Père a révélé à Pierre qu'il devait proclamer : « Tu es le Fils de Dieu. » Car la parole Celui-ci est est l'indication donnée par celui qui révèle tandis que l'adhésion donnée par celui qui confesse sa foi s'exprime par la réponse : Tu es. L'Église est donc bâtie sur la pierre de cette confession. Mais un esprit de chair et de sang ne peut découvrir le sens de cette profession de foi. Appeler le Christ Fils de Dieu et, de plus, croire qu'il l'est, est un mystère qui ne peut étre révélé que par Dieu. Ou alors, serait-ce le nom divin qui aurait été révélé à Pierre plutôt que la filiation de nature ? Pour ce qui est du nom, Pierre avait déjà souvent entendu le Seigneur se proclamer Fils de Dieu. Sur quoi porte donc cette glorieuse révélation ? Elle concerne certainement la nature et pas le nom, qui avait déjà été souvent proclamé (saint Hilaire de Poitiers : « De Trinitate », VI).

[12] Pierre tient son nom de la pierre, et ce n'est pas de Pierre que la pierre tire son nom. Pierre vient de la pierre, se réfère à la pierre, comme le chrétien vient du Christ et se réfère au Christ. Ecoute l’apôtre Paul : « Car, frères, je ne veux pas que vous l'ignoriez : nos pères furent tous sous la nuée, tous ils traversèrent la mer, et tous, au temps de Moïse, il furent baptisés dans la nuée et dans la mer ; et tous ils mangèrent la même nourriture spirituelle, et tous ils burent le même breuvage spirituel : car ils buvaient de la pierre spirituelle qui les accompagnait, et la pierre était le Christ* » Voilà d'où est Pierre (saint Augustin : Sermon CCLXXXV).

* Première épître de saint Paul aux Corinthiens, X 1-4.

[13] Etant la pierre inébranlable, la pierre de l’angle qui fait de deux peuples un seul peuple, le fondement en dehors dquel on ne peut en établir aucun autre, je veux que toi aussi, mon serviteur, tu sois une pierre, parce que tu seras fortifié par ma puissance, et par ton union avec moi, tu possèdera les qualités qui m’appartiennent en propre (saint Léon le Grand : sermon IV, 3).

[14] Jésus ne voulait pas que le grand mystère du salut fût annoncé avant qu’il fût accompli. C’est après qu’il aura répandu son sang qu’il dira à ses apôtres : “Allez et enseignez toutes les nations” (...) De même pour se manifester pour le Sauveur du monde, il fallait que le mystère de sa passion fût accompli, que tout ce qui pouvait scandaliser ou troubler la foi fût passé : c’est alors que les apôtres pourront annoncer le mystère de la Rédemption dans sa grandeur, et l’imprimer pour toujours dans les esprits. Si, en effet, eux-mêmes, après avoir vu tant de miracles, ont été scandalisés non de sa passion, mais de la seule annonce de la Passion, et particulièrement Pierre, le premier d’entre eux, quelle impression auraient éprouvée ceux qui, après l’avoir cru Fils de Dieu, l’auraient vu mettre en croix ! (saint Jean Chrysostome : homélie LIV sur l’évangile selon saint Matthieu, 3).