20e dimanche des temps ordinaires

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Matthieu (XV 21-28).

Jésus s'était retiré vers la région de Tyr et de Sidon. Voici qu'une Cananéenne[1], venue de ces territoires, criait : Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon[2].

Mais il ne lui répondit rien[3]. Les disciples s'approchèrent pour lui demander : Donne-lui satisfaction, car elle nous poursuit de ses cris ! Jésus répondit : Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues d'Israël[4].

Mais elle vint se prosterner devant lui : Seigneur, viens à mon secours ! Il répondit : Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens. - C'est vrai, Seigneur, reprit-elle ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leur maîtres[5]. Jésus répondit : Femme, ta foi est grande, que tout s'accomplisse comme tu le veux !

Et, à l'heure même, sa fille fut guérie.


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Cette femme peut être regardée comme le type de l’Eglise qui vient avec confiance vers le Christ quand le Christ quitte son pays, quittant elle-même le pays qu’elle a habité, oubliant son peuple et la maison son père. Voulez-vous savoir de quelle race Jésus a formé son Eglise ? Rappelez-vous ce que renferme ce nom de Chananéenne. Ces peuples de Canaan avaient violé toutes les lois de la nature, et à cause de cela avaient été voués à l’extermination. Et voilà que par l’effet de la venue du Christ, ils deviennent meilleurs que les Juifs et viennent vers le Christ quand les Juifs le repoussent (Saint Jean Chrysostome : homélie LII sur l’évangile selon saint Matthieu).

[2] Quelle lumière en cette femme ! voyez comme elle confesse à la fois 1a divinité et l’Incarnation du Fils de Dieu : en l'appelant Seigneur, elle rend hommage à sa majesté suprême, en l appelant Fils de David, elle affirme son Incarnation. Et, quelle sagesse dans sa prière: Ayez pitié de moi ! Je n'ai pas conscience de bonnes œuvres que j'aurais accomplies, mais je me réfugie dans la miséricorde vivante, qui est le port ouvert aux pécheurs ; je fais appel à la miséricorde qui ne s'assied point sur le tribunal pour juger et qui accorde le salut sans examiner aucun titre. Quelle sagesse dans sa démarche en apparence si hardie ! Elle n’emploie aucun médiateur, elle va droit à la source de la miséricorde. C'est pour cela, pour faire miséricorde, que celui à qui elle recourt est descendu sur terre, qu'il a pris notre chair. Dans le ciel les Chérubins tremblent devant lui mais sur terre une pécheresse peut lui parler. Ayez pitié de moi ! C'est pour cela que vous êtes venu, que vous avez assumé notre chair, que vous vous êtes fait ce que je suis. Ayez pitié, de moi ! C’est la une parole bien simple, et elle renferme tout un monde, un monde plein d'espérance (Saint Jean Chrysostome).

[3] Le Sauveur feignait de ne pas l’entendre, non pour lui refuser sa miséricorde, mais pour augmenter son désir ; et non seulement pour augmenter son désir, mais pour nous recommander l’humilité... Il semblait ne pas entendre ses cris, mais il préparait dans le silence ce qu’il voulait faire (Saint Augustin : sermon LXXVII).

[4] S’il n’a été envoyé qu'aux brebis perdues d’Israël, comment sommes-nous venus au bercail du Christ ? Il venait pour constituer l’Eglise parmi les Gentils. Mais voici ce qui lui fait dire cette parole. Il devait donner au peuple Juif sa présence corporelle, sa naissance, ses miracles, sa résurrection. Ceci avait été annoncé dès le commencement, promis, préparé, et ainsi fut fait. Jésus devait venir chez ce peuple pour y être vu, pour y être mis à mort et pour y gagner ceux qu'il avait prédestintés: car ce peuple n'était pas condamné à mort, mais il devait être passé au crible. Là où il se trouva tant de paille vide, se trouva aussi du bon grain caché, car d'où venaient les Apôtres, Pierre et les autres sinon de ce peuple ? lls étaient aussi de ce peuple, ceux qui, à la voix de Pierre, touchés de componction en comprenant qu’ils etaient coupables du Sang de Jésus-Christ, se convertirent et furent baptisés, et s'approchant de la table du Seigneur, burent avec foi le sang qu’ils avaient versé avec cruauté. Combien fut parfaite cette conversion, nous le voyons au livre des Actes (Saint Augustin : sermon LXXVII).

[5] Un coup si direct atteint le cœur du Maître : « O femme, ta foi est grande ! Qu’il te soit fait selon tes désirs ! Et sa fille se trouva guérie à l’heure même. » Nouvel exemple de miracle à distance. Cette Chananéenne, pour l’esprit de foi, est comparable au centurion de Capharnaüm qui obtint à distance lui aussi la guérison de son serviteur. Les Péres n'ont pas manqué d’y voir la fugure de la sainte Eglise. « En la personne de cette Chananéenne, dit saint Jérôme, j’admire la foi, la patience, l’humilité de l’Eglise. La foi, lui fait croire en la guérison de sa fille ; la patience, qui la fait persérer dans la prière malgré des refus répétés ; l’humilité, qui la fait se comparer à de petits chiens. Je sais, dit-elle, que je ne mérite pas le pain des enfants, ni de recevoir des pains entiers, ni de m’asseoir à table à côté de mon Père. Mais je me contente des miettes des petis chiens, pour que l’humilité des miettes me conduise à la grandeur des pains entiers. »