18e dimanche des temps ordinaires

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Matthieu (XIV 13-21).

Jésus partit en barque pour un endroit désert, à l'écart. Les foules l'apprirent et, quittant leurs villes, elles suivirent à pied. En débarquant, il vit une grande foule de gens ; il fut saisi de pitié envers eux[1] et guérit les infirmes[2].

Le soir venu, les disciples s'approchèrent et lui dirent : « L'endroit est désert, et il se fait tard. Renvoie donc la foule : qu'ils aillent dans les villages s'acheter à manger ! » Mais Jésus leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Alors il lui dirent : « Nous n'avons là que cinq pains et deux poissons.[3] » Jésus dit : « Apportez-les moi ici. » Puis, ordonnant

à la foule de s'asseoir sur l'herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction[4] : il rompit les pains, il les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent à la foule[5]. Tous mangèrent à leur faim[6] et, des morceaux qui restaient, on ramassa douze paniers pleins[7]. Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille, sans compter les femmes et les enfants.


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Il nous apparaît là dans sa double nature : il se montre à nous avec la compassion de l’homme et la puissance de Dieu (saint Bède le Vénérable : commentaire de l’évangile selon saint Marc).

[2] Remarquez aussi qu’il a guéri les malades avant de leur faire distribuer par ses disciples les pains qu’il a bénis. Maintenant encore ceux qui sont malades ne peuvent recevoir le pain de bénédiction que donne le Christ. Celui qui n’obéit pas à cette parole, « Que chacun s’éprouve soi-même, et qu’il mange ainsi de ce pain après s’être éprouvé ainsi », reçoit en téméraire le pain du Seigneur, il tombe dans une faiblesse et un sommeil léthargique, sous l’étourdissement que produit en lui la force de ce pain (Origène : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, X 25).

[3] Il ne leur avait pas encore accordé la faculté de confectionner et d'administrer le pain céleste, nourriture de la vie éternelle. C’est pourquoi leur reponse réclame une interprétation spirituelle (…) Les cinq pains signifiaient qu'ils étaient encore soumis aux cinq livres de la Loi, et les deux poissons qu’ils étaient nourris par les enseignements de prophètes et de Jean. Des œuvres de la Loi comme du pain sortait la vie. L'enseignement de Jean et des prophètes restaurait l'espérance des hommes vivants, selon la vertu de l'eau. Voilà ce que les apôtres eurent à offrir en premier lieu, puisqu'ils en étaient encore là ; et c'est de là qu'est partie la prédication évangélique (saint Hilaire de Poitiers : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, XIV 10).

[4] Pourquoi Jésus a-t-il levé les yeux au ciel et dit la bénédiction ? Pour qu’on sache bien qu'il était sorti du Père et qu'il était égal à lui ; vérités qui semblent s'exclure l'une l'autre. L'égalité avec le Père, il la montrait en faisant tout avec puissance ; l'origine qu'il tirait de son Père, il ne pouvait la faire admettre qu'en rapportant au Père tous ses actes dans une humilité profonde et en l'invoquant en tout ce qu'il faisait. Aussi ne se borne-t-il pas à l'une de ces choses ; afin de démontrer ces deux vérités, tantôt il agit avec autorité, tantôt il accomplit ses prodiges après avoir prié. Ensuite, pour qu'on ne voie pas dans cette conduite une contradiction, il lève les yeux au ciel à propos de choses sans importance, et dans les choses plus importantes il agit avec puissance, afin de nous apprendre par là que son pouvoir à propos des choses les plus ordinaires n'a pas une origine différente et qu'il veut, en tous ses actes, honorer son Père. Qu il remette les péchés, qu'il ouvre le paradis au bon larron, qu'il détruise l'Ancienne Loi avec une grande autorité, qu'il rende la vie à de nombreux morts, qu'il dompte la mer, qu'il pénètre les secrètes pen­sées des hommes, qu'il rende la lumière à un aveuglené, choses que Dieu seul, et aucun autre, peut faire, jamais tu ne le vois recourir à la prière ; mais lorsqu'il va multiplier les pains, prodige très inférieur aux précédents, alors il lève les yeux au ciel, à la fois pour établir la vérité dont je viens de parler et pour nous enseigner à ne toucher à nos repas qu’après avoir rendu grâce à Celui qui nous les donne (saint Jean Chrysostome : homélie sur l'évangile selon saint Matthieu, XLIX 2).

[5] Le ministère des apôtres, dans les mains desquels les pains se multiplient, nous annonce la mystérieuse multiplication du corps et du sang de Jésus-Christ qui se fera dans leurs mains, et la distribution par leurs mains de ce corps et de ce sang. Ainsi dans les mains des apôtres, ces pains deviennent comme les sources d’eau vive qui ne s’épuisent jamais, indiquant la présence de celui qui donne à la nature sa fécondité, toutefois avec cette différence que la source, si elle ne s’épuise pas, ne s’augmente pas, tandis que le pain que distribue Jésus-Christ va se multipliant sans cesse : toute parole qui vient de Jésus-Christ se multiplie dans la bouche de celui qui s’en nourrit (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VI 85-86).

[6] Mais vois aussi comment sa puissance créatrice atteint toutes choses. Ayant pris un peu de pain, notre Seigneur le multiplia en un clin d'œil. Ce que les hommes font et transforment en dix mois de travail, ses dix doigts l'ont fait dans l'instant même. Ses mains étaient sous le pain comme une terre, sa parole au-dessus de lui comme le tonnerre; le murmure de ses lèvres se répandit sur le pain comme une pluie, et le souffle de sa bouche fut comme le soleil ; en un très court instant il conduisit à son terme ce qui demande à tous un temps fort long. Alors le pain ne manqua plus ; d'un peu de pain sortit une multitude de pains, comme lors de la première bénédiction : « Soyez féconds, multipliez-vous, et remplissez la terre (Genèse, I 28) » (saint Ephrem : commentaire de l’Evangile concordant, XII 3).

[7] Les fragments de pain et de poisson, une fois les convives repus, étaient en telle abondance que douze corbeilles furent remplies. Cela veut dire que la foule est comblée par la parole de Dieu qui vient de l'enseignement de la Loi et des prophètes. C'est l'abondance de puissance divine, mise en réserve pour les peuples païens, qui déborde du service de la nourriture éternelle. Elle réalise une plénitude, celle du chiffre douze, celui des Apôtres. Or, il se trouve que le nombre de ceux qui ont mangé est le même que celui des croyants à venir. Selon un détail retenu par le livre des Actes (IV 4), sur l'immensité du peuple d'Israël, cinq mille hommes devinrent croyants. L'admiration suscitée par le fait s'étend jusqu'au chiffre mesurant la cause sous-jacente. Les pains rompus avec les poissons, une fois le peuple repu, produisent par leur accumulation l'accroissement qu'exige le nombre des futurs croyants, mais aussi celui des apôtres destinés au service de la grâce céleste. La mesure obéit au nombre, le nombre à la mesure ; la raison, enfermée dans ses limites, est conditionnée par l’effet à produire. Et cela, c’est la puissance divine qui le règle (saint Hilaire de Poitiers : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, XIV 11).