5ème dimanche des temps ordinaires

Le sel dans la Bible

Dans l'Ancien Testament, le sel n'est pas seulement un condiment[1] mais surtout un moyen de conserver les aliments[2]; puisque que le sel conserve et donne de la valeur aux aliments, il est tout naturellement regardé comme le symbole de ce qui enrichit et de ce qui demeure, ainsi le mêle-t-on aux sacrifices selon les prescriptions du Lévitique[3]et l'ajoute-t-on à l'encens[4] en si grande quantité que, dans le Temple de Jérusalem, il fallut constituer un grenier à sel[5]. On purifiait l'enfant nouveau-né en le frottant de sel[6]comme le prophète Elisée assainit l'eau des sources de Jéricho en y jetant dusel[7] ou comme l'on exorcisait les terres conquises en répandant le sel[8].Manger le sel de quelqu'un signifie être attaché à sa maison[9] et le salaire est le prix du sel. Les alliances se concluaient souvent au cours d'un repas sacrificiel où le sel symbolisait la convivialité des commensaux, comme il ressort d'un passage du Livre d'Esdras (IV 14) où les Samaritains font appel au partage du sel avec le roi des Perses comme preuve de leur amitié ; d'ailleurs, dans les Actes des Apôtres[10], nous traduisons improprement par « manger ensemble », le mot sunalizomenos qui signifie littéralement « prendre du sel ensemble. » On notera cependant que le sel, en gardant son caractère d'éternité, n'était pas toujours un signe de bénédiction et pouvait, au contraire, être regardé comme un signe de malédiction : ainsi, la terre « de fruit se change en saline à cause de la malice de ses habitants [10] », et le prophète Jérémie annonce que la terre promise sera transformée en « terre salée où nul n'habite[12] » à l'image de la femme de Lot devenue colonne de sel. Dans le Nouveau Testament, le sel est l'image de la sagesse et de la pureté morale, et lorsque le chrétien est infidèle à sa vocation, il devient stupide et insensé.

« La Loi ordonnait que toute victime que l'on offrait à Dieu fût aspergée de sel ; et l'Evangile rappelle[13]. C'était un signe que l'homme qui voudrait devenir une offrande digne de Dieu devrait être imprégné du sel de la sagesse céleste. Aussi Dieu, voulant exposer pourquoi il avait repoussé Jérusalem, disait : Elle n'a pas été lavée dans l'eau, ni salée avec du sel[14]. (...) Le sel est d'un usage universel ; les rois et les pauvres, les maîtres et les serviteurs en ont un égal besoin, et il est le même pour tous : il en est de même de la sagesse céleste qui a été apportée au monde par les apôtres : tous en ont un égal besoin et elle est la même pour tous. (...) De même que le sel se forme de l'eau de la mer sous l'action du soleil, de même les apôtres ont puisé cette sagesse céleste dans les eaux du baptême sous l'action du Saint-Esprit. »

Dans la liturgie chrétienne, dès le quatrième siècle et jusqu’à la réforme de Paul VI (1969), le sel a été utilisé comme nourriture symbolique dans la préparation au Baptême. L’imposition du sel signifiait que l’âme de l’enfant allait être soustraite à la corruption du péché, et qu’elle pourrait désormais éprouver du goût pour la Parole de Dieu et sa présence réelle dans l’Eucharistie. Jadis les conquérant jetaient du sel sur les fondations des villes conquises et détruites, pour effacer entièrement la mémoire de leurs anciens possesseurs ; ainsi, dit Acluin, le sel donné au Baptême force le démon à quitter l’âme et efface en elle jusqu’à la mémoire de son nom. Après avoir déposé un grain de sel dans la bouche de l’enfant, le Prêtre imposait la main droite sur la tête de l’enfant en disant : « Dieu tout-puissant et éternel, Père de notre Seigneur Jésus-Christ, daignez regarder votre enfant, N., que vous avez appelé à la foi catholique. Ecartez de lui (d'elle) tout aveuglement du cœur ; brisez tous les liens par lesquels Satan la tenait attaché (e). Ouvrez-lui, Seigneur, la porte de votre amour ; que, marqué (e) du signe de votre sagesse, il (elle) ne soit point atteint (e) par l'infection des passions mauvaises, mais qu'attiré (e) par le parfum de vos commandements, il (elle) progresse de jour en jour. Nous vous le demandons par Jésus-Christ, notre Seigneur. Amen. Puis le Prêtre met un grain de sel dans la bouche de l’enfant, en disant : N. , reçois le sel de la sagesse ; qu'il t'aide à obtenir le pardon pour parvenir à la vie éternelle. »


[1] Ce qui est fade se mange-t-il sans sel ? (Job, VI 6).

[2] La ville de Tarichées, sur la rive occidentale du lac de Tibériade s'était-elle acquis un certain renom pour la conservation du poisson

[3] Tout ce que tu offriras en oblation, de sel tu le saleras, et tu ne laisseras pas ton oblation manquer du sel de l'alliance de ton Dieu ; sur toute tes offrandes tu offriras du sel (Lévitique, II 13).

[4] Tu en feras un parfum à brûler, un parfum œuvre de parfumeur ; il sera salé, pur, saint (Exode, XXX 35).

[5] Livre d'Esdras, VII 22.

[6] Ezéchiel, XVI 4.

[7] Deuxième Livre des Rois, II 19-22.

[8] Livre des Juges, IX 45.

[9] Parce que nous mangeons le sel du palais, ilne nous convient pas de voir un affront fait au roi (Livre d'Esdras,IV 14).

[10] Actes des Apôtres, I 4.

[11] Psaume CVII 34.

[12] Jérémie, XVII 6.

[13] Evangile selon saint Marc, IX 48-49.

[14] Ezéchiel, XVI 4.