4ème dimanche des temps ordinaires

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur

Jésus-Christ selon Saint Matthieu (V, 1-12).

Quand Jésus vit toute la foule qui le suivait, il gravit la montagne1. Il s'assit2, et ses disciples s'approchèrent3. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait :

« Heureux les pauvres de cœur4 : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux les doux5 : ils obtiendront la terre promise ! Heureux ceux qui pleurent6 : ils seront consolés7 ! Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice8 : ils seront rassasiés ! Heureux les miséricordieux9 : ils obtiendront miséricorde ! Heureux les cœurs purs10 : ils verront Dieu ! Heureux les artisans de paix11 : ils seront appelés fils de Dieu ! Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice12 : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux êtes-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »


Textes liturgiques © AELF, Paris


1 Comment les malades pourraient-ils s’élever aux sommets escarpés ? La foule ne va pas dans les lieux élevés. Jésus, dans les régions inférieures, guérit les malades et, ensuite, leur donne la force qui leur permet de monter, nous donnant là un signe de cette bonté qui l’a porté à descendre vers nous pour penser nos blessures et par notre union avec lui nous amener à la communion avec la nature divine (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, V 46).

2 Il s’assied pour enseigner, afin d’affirmer qu’il enseigne avec l’autorité d’un maître. Il va sans doute parler longtemps : préparons-nous à l’entendre aussi longtemps qu’il voudra nous parler, et que ce ne soit jamais trop longtemps pour nous (saint Augustin : Du sermon sur la montagne », I 1).

3 Cet empressement des disciples à se rapprocher de lui indique l’empressement que déjà ils avaient dans leur cœur à accomplir ses préceptes nous (saint Augustin : Du sermon sur la montagne », I 1).

4 La pauvreté nous rappelle que nous n’avons rien par nous-mêmes, que nous avons tout reçu de Dieu, que tous les biens sont communs ; elle nous anène à être soumis à Dieu, et dans cette soumission à partager tout ce que nous avons ; elle nous fait entrer en communion de la bonté divine, en attendant qu’elle nous fasse entrer en possession de sa gloire (saint Hilaire de Poitiers : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, IV 2).

5 La douceur chrétienne nous garde libres de toute agitation au milieu des contrariétés ; elle réprime tout désir de vengeance et détourne de se faire justice soi-même ; elle s’applique à ne jamais, autant que faire se peut, heurter ou froisser personne. Etendue au sens le plus évangélique, la douceur ne résiste pas au mal, elle cède aux méchants et elle s’applique à vaincre le mal par le bien nous (saint Augustin : Du sermon sur la montagne », I 1).

6 Il y a quatre sources où le juste puise ses larmes. Il pleure en pensant à ce qu’il a été et aux fautes qu’il a commises ; il pleure en pensant aux choses qui l’attendent, au jugement de Dieu ; il pleure en regardant ce qu’il est ; il pleure en levant les regards vers le séjour où il devrait être et qu’il comprend les gloires et les joies de la patrie. Dans le désir que l’âme a de la possession de Dieu, elle s’élève quelquefois jusqu’à lui par la grâce de la contemplation, et retombant sur terre, en face des misère qu’elle y retrouve, elle se croit abandonnée de Dieu et de là naissent ses larmes (saint Grégoire le Grand : Moralia in Job, XXII 21).

7 O doux Jésus, donnez-moi un signe certain, de votre amour, une source de larmes coulant toujours au-dedans de moi, afin que mes larmes elles-mêmes vous disent mon amour. Je me souviens, ô Jésus, de cette humble femme, Anne, qui venant prier au tabernacle pour obtenir un enfant, partit, portant la paix sur son visage... Si elle a tant pleuré, cette femme qui désirait un enfant, comment doit pleurer une âme qui désire et cherche Dieu ? ... Regardez-moi donc et ayez pitié de moi, parce que les douleurs de mon cœur se sont multipliées... Donnez-moi votre consolation céleste et donnez-moi d’abord ces larmes intérieures qui partent de l’amour, brisent les liens du péché et mènent à la consolation. Je me souviens aussi de la dévotion ardente d’une autre femme qui, dans son pieux amour, vous cherchait au tombeau où l’on vous avait déposé, qui, après le départ des disciples, ne s’en allait pas mais demeurait là, assise et pleurant, qui, après votre résurrection, avec beaucoup de larmes, explorait tous les coins de votre tombeau pour vous retrouver... Parce qu’elle aima plus que tous les autres, en aimant elle pleura, et en pleurant elle vous chercha, et, persévérant dans sa recherche, elle mérita de vous voir et de vous parler la première... Si elle pleura ainsi et persévéra dans ses larmes, cette femme qui cherchait parmi les morts celui qui était vivant, comment doit pleurer et persévérer dans ses pleurs celui qui vous connaît pour le Rédempteur, pour le roi du ciel et de la terre, et qui de tout son cœur aspire à vous voir ? (...) Donnez-moi la grâce des larmes car je ne puis l’avoir que par votre Esprit qui amolit les cœurs endurcis des pécheurs, afin que je puisse laver dans mes larmes la victime que je veux vous offrir (saint Anselme : oraison XVI).

8Je me suis délivré de mes fautes, j’ai réglé mes mœurs, j’ai pleuré mes péchés, je commence à avoir faim et soif de la justice. C’est un signe santé (saint Ambroise de Milan : commentaire de l’évangile selon saint Luc, V 56).

9 La miséricorde naît des vertus précédentes. On ne peut arriver à une vraie compassion à l’égard des malheureux, si l’on n’a d’abord un sincère détachement de tout et une véritable humilité d’esprit, si l’ême ne s’est remplie de douceur par l’obéissance aux lois divines, si elle n’a commencé à pleurer ses péchés et à avoir soif de la justice (saint Anselme : homélie II).

10 La foi rend le cœur pur, et le cœur pur voit Dieu, non d’une foi quelconque, car les démons croient et tremblent, mais la foi qui opère par l’amour de Dieu (saint Augustin : sermon LIII, 11).

11C’est une bonne œuvre, celle qui consiste à rétablir la paix entre des frères divisés par les intérêts temporels, l’amour-propre ou la jalousie. cependant ceci est peu de chose au témoignage de Jésus-Christ, disant à des frères ainsi divisés : « Qui m’a établi juge entre vous ? » Déjà il avait donné ce conseil : « Ne revendiquez pas ce qui vous a été enlevé ». Il y a une œuvre de paix bien meilleure et bien plus haute, celle par laquelle les païens, ennemis de Dieu, par la puissance de la doctrine, sont amenés à la pénitence, à la réconciliation, à la paix avec dieu, celle par laquelle les hérétiques sont amenés à rompre avec leurs erreurs, celle par laquelle les schismatiques sont ramenés à l’unité dans le sein de l’Eglise (saint Chromace d’Aquilée : Des huit béatitudes », sermon II).
L’évêque Chromace d’Aquilée, mort en 407, était un ami de saint Ambroise et de saint Jean Chrysostome, en même temps que de saint Jérôme et de Rufin qu’il ne réussit pas à réconcilier. On conserve son sermon sur les huit béatitudes et dix-sept instructions sur les chapitres II, V et VI de saint Matthieu, remarquables par le sentiment de piété et les applications morales qui en découlent. Le style de Chromace d’Aquilée est agréable et sa pensée est originale. Avant d’être évêque, Chromace avait réuni autour de lui une communauté de clercs que fréquentaient de nombreux fidèles dont saint Jérôme ; Rufin qui y fut baptisé. Elu à la succession de l’évêque Valérien, il fut consacré par saint Ambroise de Milan, vers 388.

12 La persécution est l’occasion, pour ceux qui la subissent, de fuir plus complètement le mal, de s’en détacher et d’aller plus complètement à Dieu. Il est vraiment heureux celui que ses ennemis eux-mêmes aident à atteindre le bien. Il ne regarde plus à ce qu’il a abandonné, il regarde à ce qu’il qu’il désire ; il ne fait plus attention à la perte des biens terrestres et il se réjouit du gain des richesses éternelles ; il regarde le feu comme un élément qui purifie, le glaive comme brisant le lien qui enchaîne l’esprit à la matière, toute souffrance comme un antidote au poison de la volupté. Les tourments les plus variés étaient acceptés avec joie par les athlètes de la foi comme l’expiation du péché et comme le moyen de détruire les traces que le plaisir avait laissées dans leur cœur et leur âme (...) Tout ce qui vous attaque vous délivre, vous délivre du péché, pour vous établir en Dieu. Voilà quel est le fruit de la persécution : à cause du fruit, aimons donc la fleur (saint Grégoire de Nysse : Des béatitudes », VIII).