3 juillet

Saint Thomas,
Apôtre

Sommaire :

Evangile

Méditation



Evangile selon saint Jean. (XX 19-31)

C'était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient[1], car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d'eux. Il leur dit : La paix soit avec vous ! [2] Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté[3]. Les disciples furent remplis de joie[4] en voyant le Seigneur. Jésus leur dit à nouveau[5] : La paix soit avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie[6]. Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle[7] et il leur dit : Recevez l'Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus.

Or, l'un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) n'était pas avec eux, quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : Nous avons vu le Seigneur ! Mais il leur déclara : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas[8].

Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d'eux. Il dit : La paix soit avec vous ! Puis il dit à Thomas : Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d'être incrédule, sois croyant. Thomas lui dit alors : Mon Seigneur et mon Dieu ! Jésus lui dit : Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu[9] .

Il y a encore beaucoup d'autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.



[1] Des hommes s'étonneront devant cette affirmation et diront : " S'il est ressuscité avec un vrai corps, celui qu'il avait sur la croix, si ce corps a pu être trouché, comment a-t-il pénétré par les portes closes ? " Si vous compreniez le comment, il n'y aurait plus de miracle. Des miracles de ce genre, vous les retrouverez depuis le commencement de la vie de Jésus-Christ. Une vierge demeure dans sa virginité mais elle devient féconde. Elle enfante mais elle demeure vierge. Vous ne comprenez pas le comment, faites un acte de foi là où la raison s'arrête impuissante, commence l'œuvre de foi (S. Augustin, sermon CCXLVII).

[2] Il les envoyait aux combats que leurs ennemis devaient rendre implacables ; c'est pourquoi à l'avance il leur donne la paix (...) il donne la paix à ceux qu'il envoie aux combats (S. Jean Chrysostome : homélie LXXXVI sur l'évangile selon saint Jean).

[3] Le corps du Sauveur ressuscité est un corps réel, puisqu'il conserve les traces de blessures qu'il invite ses apôtres à toucher. Il nous les montrait non seulement comme une preuve donnée à notre foi, mais comme un excitant proposé à notre amour. Au lieu de fermer ses plaies, il voulut les porter avec lui dans le ciel, il voulait les montrer à son Père comme le prix de notre liberté. C'est avec ses blessures qu'il voulut être établi à la droite de son Père, et que le Père l'embrassa comme le trophée de notre salut (S. Ambroise : commentaire de l'évangile de saint Luc, X 170).

[4] La joie était déjà dans leur coeur, mais la crainte y persistait toujours. Une chose s'était accomplie, mais elle était incroyable (...) Et pour persuader cette chose incroyable, Jésus fait appel au témoignage non seulement des yeux, mais encore des mains, afin que par les sens la foi descendît dans leur coeur et que de là elle pût être répandue dans le monde entier, annoncée à ceux qui n'auraient pu voir et toucher, et qui néanmoins croiraient sans aucune hésitation (saint Augustin, sermon CXVI).

[5] Il leur répète son souhait pour leur montrer avec quelle certitude il leur assure cette paix qu'il leur donne (S. Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, CXXI).

[6] Il les envoie au milieu des persécutions : il faut qu'ils regardent cette mission comme une preuve de son amour. Le Père l'aimait quand il l'envoyait au milieu de la souffrance ; Jésus aime ses disciples du même amour en les envoyant au milieu des persécutions (saint Grégoire le Grand : homélie XXVI).

[7] En envoyant le Saint-Esprit par son souffle, il montre que l'Esprit Saint n'est pas seulement l'Esprit du Père, mais qu'il est son Esprit comme il est celui du Père (saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, CXXI).

  Il leur donne ce pouvoir en répandant sur eux son souffle afin que l'on sache que le Saint-Esprit procède de lui, procède de Dieu ; car Dieu seul peut remettre les péchés (saint Ambroise : commentaire de l'évangile selon saint Luc, X 180).

  Le Saint-Esprit avait coopéré avec le Verbe de vie à la création de l'homme, vertu de vie, substance divine, substance ineffable procédant d'une bouche ineffable, et d'une façon ineffable envoyée à l'homme dans un souffle de Dieu ; et maintenant il est de nouveau envoyé à l'homme d'une façon visible par le Christ. Cette rénovation et cette coopération répondaient à cette création première. C'est le même esprit qui est donné aujourd'hui et qui était donné au commencement ; au commencement il était donné avec l'âme, aujourd'hui il est répandu dans l'âme (saint Basile : Contre Eunomius, V).

[8] L'Esprit de vérité n'aurait pas permis ces hésitations dans les cœurs de ses prédicateurs si cette défiance, ces retardements pleins de curiosité n'avaient affermi les fondements de notre foi. Ce sont nos troubles que le Sauveur guérissait dans la personne de ses apôtres : en eux ils nous prémunissait contre les calomnies des impies et contre les arguments de la sagesse terrestre. Ce qu'ils ont vu nous a éclairé ; ce qu'ils ont entendu nous a renseigné ; ce qu'ils ont touché nous a affermis. Ils ont douté pour que le doute ne nous fût plus possible (Saint Léon le Grand : premier sermon pour l'Ascension I).

[9] Nous n’aurions pas le bonheur de croire sans voir si nous ne l'avions reçu du Saint-Esprit. C'est donc avec raison que le Maître a dit : Il faut que je m'en aille. Si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai. Sans doute, par sa divinité, il est toujours avec nous, mais s'il n'avait pas disparu corporellement à nos yeux, nos yeux l'auraient toujours contemplé corporellement et nous n'aurions jamais cru spirituellement. C'est par cette foi que nous mériterons de contempler un jour, avec un cœur purifié, le Verbe lui-même, Dieu en Dieu, par qui tout a été fait et qui s'est fait chair pour habiter parmi nous. La foi qui mène à la justice ne s'obtient pas par le toucher de la main, mais par la foi du cœur (S. Augustin).



Méditation

L'apôtre Thomas a-t-il touché le Christ ? N'importe qui peut se référer au vingtième chapitre de l'évangile selon saint Jean (24-29), et contrôler soi-même le réalisme du récit.

L'originalité de bon aloi de l'exégète ne doit pas consister à rendre obscur ce qui est infiniment clair : Porte ton doigt ici : voici mes mains : avance ta main, mets-la dans mon côté, et ne deviens pas incrédule, mais croyant. Jésus ne veut absolument pas passer pour un fantôme.

D'ailleurs, c'est le même réalisme qui apparaît dans le récit de saint Luc, rapportant la première apparition de Jésus ressuscité aux Apôtres : Saisis de frayeur et de crainte, ils pensaient voir un esprit. Mais il leur dit : Pourquoi tout ce trouble, et pourquoi des doutes montent-ils en votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c'est bien moi ! Palpez-moi et rendez-vous compte qu'un esprit n'a ni chair ni os, comme voyez que j'en ai. Ayant dit cela, il leur montra ses mains et ses pieds, et comme dans leur joie ils ne croyaient pas encore et demeuraient saisis d'étonnement, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger ? Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé, il le mangea devant eux. (Luc XXIV 36-39).

L'affirmation de la réalité corporelle du Ressuscité, nous la trouvons encore dans le discours de Pierre, chez le Centurion Corneille (Actes des Apôtres X 41) : Dieu l'a ressuscité le troisième jour, et lui a donné de se manifester, non à tout le peuple, mais aux témoins que Dieu avait choisis d'avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa Résurrection d'entre les morts. Ce même témoignage, nous le retrouvons encore dans l'Épître de saint Ignace d'Antioche, aux habitants de Smyrne. Saint Ignace d'Antioche avait connu saint Jean l'Évangéliste, et c'est en vertu des contacts qu'il eut avec les plus anciens témoins, qu'il affirme lui aussi la réalité du Corps du Christ, non seulement dans sa Passion, mais aussi dans sa Résurrection : C'est réellement que le Seigneur Jésus-Christ a souffert, comme c'est réellement qu'il s'est ressuscité lui-même, et sa Passion n'a pas été une simple apparence... Pour moi, je sais et je crois que, même après sa Résurrection, Jésus-Christ avait un Corps. Quand il s'approcha de Pierre et de ses compagnons, que leur dit-il ? Touchez-moi, palpez-moi, et voyez que je ne suis pas un esprit sans corps. Aussitôt ils le touchèrent. Au contact de sa chair et de son esprit, ils crurent : de là leur mépris de la mort et de leur victoire sur elle. Après sa Résurrection, Jésus mangea et but avec ses disciples comme un être corporel, bien que spirituellement uni au Père.

Sans doute, même avant la Résurrection effective du Christ, il y avait en Israël une certaine croyance à la résurrection finale des morts. Cette croyance, combattue par les Sadducéens, était loin d'avoir une force d'impact sur la foi et la conduite de l'ensemble du peuple d'Israël et, bien entendu, sur le monde païen. Quand saint Paul évoqua devant l'aréopage d'Athènes la Résurrection de l'Envoyé de Dieu, les sarcasmes et les plaisanteries fusèrent : Nous t'écouterons une autre fois !

Et c'est bien parce que les apôtres furent pleinement convaincus de la Résurrection du Christ, qu'ils eurent l'audace d'aller porter partout la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. Ainsi l'affirme Clément de Rome, troisième successeur de Pierre, dans sa célèbre épître aux Corinthiens (XLII). Aussi bien, la réalité pleinement corporelle du Christ est liée expressément dans les quatre Evangiles à la découverte du tombeau vide, au matin de Pâques. Quand Jésus apparaît aux Apôtres, il est pour eux le Jésus qui a été enseveli le soir du Vendredi Saint. La question de l'enlèvement de son Corps par ses ennemis est pour eux complètement dépassée, parce qu'il leur apparaît effectivement avec son Corps. Si les apôtres n'avaient pas eu la pleine certitude de la réalité corporelle de la Résurrection, qu'on explique donc comment la résurrection de la chair serait apparue aussitôt comme un dogme authentique de la foi chrétienne : Je crois à la résurrection de la chair, qui reste encore un défi à l'ensemble de notre monde contemporain.

Par nous, fils de l'Église, le Christ ne s'est pas incarné seulement pour trente-trois ans, mais pour toujours. Au matin de Pâques, il n'a pas pris je ne sais quel corps astral, il a repris son corps né de la Vierge-Marie. C'est ce corps même qu'il a glorifié. C'est ce corps même que nous avons mystérieusement, mais substantiellement et réellement présent dans le Mystère Eucharistique, de sorte que nous devons le saluer et l'adorer avec Thomas d'Aquin, le prince des théologiens : AVE VERUM, CORPUS NATUM DE MARIA VIRGINE. SALUT, CORPS VERITABLE, NE DE LA VIERGE MARIE