4 juin

Sainte Clotilde,
Reine des Francs

Sommaire :

Biographie

Histoire de Francs



Biographie

Clotilde, fille du roi Burgonde Chilpéric et de la chrétienne Carétène, naquit vers 474, probablement à Lyon ; elle fut élevée dans la pratique de la vertu et dans la vénération des martyrs lyonnais, spécialement de sainte Blandine. Lorsque, vers 490, Chilpéric mourut elle eut pour tuteur son oncle Godégisil, roi de Genève.

Demandée en mariage par le roi des Francs, Clovis, encore païen, qui voulait trouver dans les Burgondes des alliés contre les Visigoths, elle accepta sous cette condition que les enfants à naître de leur union seraient élevés dans la foi catholique. Le mariage fut célébré à Soissons avec la pompe des coutumes barbares : la grande préoccupation de Clotilde, à partir de ce moment, fut la conversion de son époux. L’œuvre devait être lente; on pouvait craindre sérieusement que, si Clovis se faisait chrétien, il ne tombât aussitôt dans l’arianisme. L’auxiliaire envoyé par la Providence fut Rémi, évêque de Reims, qui avait gagné les bonnes grâces du roi barbare, en le félicitant de son avènement au trône. La naissance de son premier enfant fut pour Clotilde une source de douleurs : elle avait obtenu de le faire baptiser, mais ce fut pour le voir mourir aussitôt après; d’où le reproche du monarque : « C’est votre Dieu, dit-il à Clotilde, qui est la cause de la mort de l’enfant; si je l’avais consacré aux miens, il vivrait encore. » La digne épouse, sans se laisser abattre, accepta cette épreuve avec résignation, et ses prières, humbles, ardentes obtinrent la guérison de son second fils tombé malade après avoir été baptisé. En 496, la victoire de Clovis sur les Alamans à Tolbiac, après qu’il eut fait la promesse de recevoir le baptême et d’adorer le Dieu de Clotilde, vint remplir de joie le cœur de la reine : sans perdre de temps, elle fit prévenir l’évêque Rémi, qui se hâta de venir instruire le prince, pour le baptiser ensuite à Reims, le 25 décembre 496.

Cette mission providentielle accomplie, Clotilde rentra dans l’ombre durant le règne de Clovis. La reine s’occupa principalement de l’éducation de ses quatre enfants; elle vit se terminer d’une façon relativement satisfaisante la lutte de Clovis contre les Burgondes; elle se concerta avec son époux pour la construction de l’église qui devait leur servir de tombeau sur le mont de Lutèce (plus tard la montagne Sainte-Geneviève). Devenue veuve après vingt ans de mariage, elle connut des années de mortelles angoisses. Elle dut se séparer de sa fille Clotilde et la donner en mariage au roi des Visigoths, Amalaric; Clodomir perdit la vie dans une bataille contre les Burgondes, Childebert et Clotaire traitèrent en prisonniers les enfants de Clodomir et finalement assassinèrent les deux premiers tandis que le troisième ne leur échappait que pour être recueilli dans un cloître. Maltraitée par Amalaric, la jeune princesse Clotilde ne fut arrachée aux mains de ce tyran que pour expirer au moment où elle rentrait en France. Finalement Childebert et Clotaire entrèrent en lutte l’un contre l’autre et il fallut un miracle, dû aux prières de leur mère, pour empêcher que cette lutte fratricide eût de funestes résultats.

Résignée et pénitente sous le coup de tant d’épreuves, Clotilde multiplia ses pieuses fondations : elle éleva à Chelles près Paris un monastère de femmes en l’honneur de saint Georges, reconstruisit et orna la basilique qui abritait les restes mortels de saint Germain d’Auxerre, fonda aux Andelys un monastère qui fut l’émule de celui de Chelles, passa ses dernières années à Tours où l’avait attirée son culte de prédilection pour saint Martin et se fit la gardienne du tombeau de ce grand évêque thaumaturge. C’est là qu’elle mourut à soixante-dix ans, le 3 Juin 545. Son corps fut transporté de Tours à Paris; l’église du mont Lutèce, que le peuple commençait à appeler du nom de Sainte-Geneviève, reçut dans sa crypte le corps de la reine qui l’avait fondée. Là, Clotilde fut associée aux honneurs dont Geneviève était l’objet.

Cependant au neuvième siècle, les invasions normandes obligèrent les Parisiens à transporter la châsse de saint Clotilde au château de Vivières (Aisne). Quand les reliques furent rendues aux génovéfains de Paris, ceux-ci laissèrent à Vivières la tête et un bras, et ce furent là les origines d’un culte de sainte Clotilde resté populaire dans cette localité. En 1656, une côte de la sainte fut concédée à l’église de Notre-Dame des Andelys, demeurée toujours fidèle au culte de sa fondatrice. En 1793, la rage des révolutionnaires s’acharna contre le sanctuaire de sainte Geneviève ; on parvint à grand’peine à sauver les ossements de Clotilde et à les mettre en lieu sûr ; ces ossements sont conservés dans la petite église paroissiale de Saint-Leu.



Histoire des Francs

XXVIII - Gondioc avait été roi des Burgondes ; il appartenait à la famille d’Athanaric, le roi persécuteur (...). Il avait eu quatre fils : Gondebaud, Godégisile, Chilpéric et Godomar. Gondebaud égorgea Chilpéric son frère et noya la femme de ce dernier en lui attachant une pierre au cou. Il condamna à l’exil ses deux filles ; l’aînée qui prit l’habit, s’appelait Croma, la plus jeune Clotilde. Or comme Clovis envoie souvent des ambassades en Bourgogne, la jeune Clotilde est aperçue par ses ambassadeurs. Comme ils l’avaient trouvée élégante et sage et qu’ils avaient su qu’elle était de famille royale, ils l’annoncèrent au roi Clovis. Sans tarder celui-ci envoie à Gondebaud une ambassade pour la demander pour lui en mariage. Ce dernier n’osant pas opposer un refus la remit aux ambassadeurs, et ceux-ci, amenant la jeune fille, la présentent au plus vite au roi. Quand il l’eut vue, le roi fut rempli d’une grande joie et se l’associa par le mariage alors qu’il avait déjà d’une concubine un fils nommé Thierry.

XXIX - Puis la reine Clotilde lui donna un fils premier-né. Comme la femme voulait le consacrer par le baptême, elle prêchait assidûment son mari, lui disant : « Ils ne sont rien les dieux auxquels vous rendez un culte ; ils n’ont pu être d’aucun secours ni pour eux-mêmes, ni pour les autres. Ils sont, en effet, sculptés dans la pierre, le bois ou un métal quelconque. Les noms que vous leur avez donnés ont été des noms d’hommes, non de dieux. Tel Saturne qui, pour ne pas être dépouillé par son fils de son royaume, se serait dérobé par la fuite, prétend-on ; tel Jupiter lui-même, ce très immonde auteur de viols de toutes sortes, qui déshonorait les hommes, bafouait ses parentes et qui n’a même pu s’abstenir de coucher avec sa propre sœur qui se qualifie elle-même à la fois sœur et épouse de Jupiter. De quoi Mars et Mercure ont-ils été capables ? Ils étaient plutôt munis de recettes magiques que détenteurs de la puissance attachée au nom divin. Mais on doit plutôt rendre un culte à celui qui d’un mot a créé de rien le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment, à celui qui a fait briller le soleil et orné le ciel d’étoiles, qui a rempli les eaux de reptiles, les terres d’animaux, l’air de volatiles ; c’est par un signe de lui que les terres sont décorées de récoltes, les arbres de fruits, les vignes de raisins ; c’est par sa main que le genre humain a été créé ; c’est grâce à sa largesse que toutes ces créatures servent complaisamment et gratuitement son homme, celui qu’il a créé. » Toutefois malgré ce que disait la reine le cœur du roi n’était nullement entraîné à croire, mais il disait : « C’est par ordre de nos dieux que toutes choses sont créées et produites. Quant à votre Dieu, il est manifeste qu’il ne peut rien et, qui plus est, il n’est pas prouvé qu’il appartienne à la race des dieux. »

Cependant la reine, qui avait la foi, présente son fils au baptême ; elle fait orner l’église de voiles et de tentures afin d’inciter par cette cérémonie plusfacilement à croire celui qui n’avait pu être fléchi par la prédication. Mais aussitôt baptisé l’enfant qu’on avait appelé Ingomer mourut dans les vêtements blancs, ceux mêmes dans lesquels il avait été régénéré. Le roi en fut amertumé et c’est sans indulgence qu’il adressait des reproches à la reine. Il disait : « Si l’enfant avait été voué à mes dieux, il aurait vécu certainement ; mais maintenant il n’a pu vivre du tout parce qu’il a été baptisé au nom de votre Dieu. » A cela la reine réplique : « Je rends grâce à Dieu tout puissant, créateur de toutes choses, qui ne m’a pas jugée complètement indigne puisqu’il a daigné accueillir dans son royaume celui qui a été conçu dans mon sein. Mon cœur n’est pas frappé de douleur pour cette cause parce que je sais qu’il a été rappelé de ce monde alors qu’il était dans des vêtements blancs pour être nourri sous les regards de Dieu. »

Après celui-ci elle enfanta un autre fils, qui fut baptisé et qu’elle appela Clodomir. Or comme il commençait à être malade, le roi disait : « Il ne peut pas lui arriver autre chose que ce qui est survenu à son frère ; baptisé au nom de votre Christ, il mourra aussitôt. » Mais grâce aux prières de la mère, il guérit sur l’ordre de Dieu.

XXX - La reine ne cessait de prier pour que Clovis connaisse le vrai Dieu et abandonne les idoles ; mais elle ne put en aucune manière l’entrapiner dans cette croyance jusqu’au jour où la guerre fut déclenchée contre les Alamans, guerre dans laquelle il fut poussé par la nécessité à confesser ce qu’auparavant il avait refusé de faire volontairement. Il arriva, en effet, que le conflit des deux armées dégénéra en un violent massacre et que l’armée de Clovis fut sur le point d’être complètement exterminée. Ce que voyant, il éleva les yeux au ciel et le cœur plein de componction, ému jusqu’aux larmes, il s’écria : « O Jésus-Christ, que Clotilde proclame fils du Dieu vivant, toi qui, dit-on, donnes une aide à ceux qui peinent et qui attibues la victoire à ceux qui espèrent en toi, je sollicite dévotement la gloire de ton assistance ; si tu m’accordes la victoire sur ces ennemis et si j’expérimente la vertu miraculeuse que le peuple voué à ton nom déclare avoir mise à l’épreuve, je croirai en toi et je me ferai baptiser en ton nom. J’ai, en effet, invoqué mes dieux, mais comme j’en fais l’expérience, ils se sont abstenus de m’aider ; je crois donc qu’ils ne sont doués d’aucune puissance, eux qui ne viennent pas au secours de leurs serviteurs. C’est toi maintenant que j’invoque, c’est à toi que je désire croire pourvu que je sois arraché à mes adversaires. » Comme il disait ces mots, les Alamans, tournant le dos, comencèrent à prendre la fuite et quand ils s’aperçurent que leur roi avait été tué, ils firent leur soumission à Clovis en disant : « Ne laisse plus, de grâce, périr des gens ; nous sommes à toi désormais. » Mais lui, ayant arrêté le combat, harangua son peuple et la paux faite rentra ; il raconta à la reine comment en invoquant le nom du Christ il avait mérité d’obtenir la victoire. Ceci s’accomplit la quinzième année de son règne.

Grégoire de Tours (Livre II XXVIII-XXX)