13 mai

Anniversaire des apparitions de Notre-Dame à Fatima

Homélie du Cardinal Secrétaire d’Etat, Mgr Sodano
pour le soixante-quinzième anniversaire
des apparitions de Fatima (13 mai 1992)

 :

le charisme de Fatima

Pie XII et Fatima

Paul VI et Fatima

Jean-Paul II et Fatima

Marie et l'histoire comtemporaine

Un regard sur l'avenir

Une prière à Marie



Messieurs les Cardinaux et vénérés confrères dans l'épiscopat, illustres autorités, frères et sœurs dans le Seigneur !

« Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur, parce qu'il a jeté les yeux sur son humble servante. Oui, désormais, toutes les générations me diront bienheureuse.[1] »

C'est avec une grande joie et une grande émotion que le Pape Jean-Paul II s'unit à vous en ce glorieux 13 mai 1992 « pour louer et glorifier le Seigneur, donateur de tout bien et pour bénir et remercier celle à travers les mains de qui la munificence divine nous communique des torrents de grâces.[2] »

La Bienheureuse Vierge Marie a réservé à cette noble terre portugaise, « Terre de Sainte Marie » parce qu'elle est consacrée depuis ses origines à la Mère de Dieu, un rôle particulier, la favorisant par sa présence maternelle, ses dons extraordinaires et ses messages de foi et de paix.


Le charisme de Fatima

Il y a désormais soixante-quinze ans que Marie éduque, de Fatima, non seulement les simples croyants mais tous les peuples et toutes les nations de la terre à la conversion, à la concorde, à la communion, à la solidarité, à la fraternité, à la paix synthèse de tout bien, qu'il faut implorer comme don précieux de Dieu à l'humanité.

Voilà le « charisme de Fatima », transmis par Marie à trois simples et pauvres enfants, interlocuteurs privilégiés des merveilles du royaume de Dieu. C'est le message évangélique qui voit dans la conversion et dans la prière les instruments efficaces pour obtenir la paix dans la charité et dans la liberté, comme horizon de l'existence quotidienne des peuples. rassemblés dans l'unique famille de Dieu sous le Dieu sous le patronage de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l'Eglise et de l'humanité.

Après soixante-quinze ans, Fatima n'a non seulement pas perdu de son actualité, mais a développé sa voix prophétique exceptionnelle. Les Souverains Pontifes romains, qui au cours des années ont recueilli et médité avec foi l'exhortation de Marie, en enrichissant l'attrait de cette terre bénie de leur parole inspirée et de leur présence encourageante et bienfaisante, en sont un témoignage précieux et qui fait autorité.


Pie XII et Fatima

En 1942 pour le vingt-cinquième anniversaire des apparitions, Pie XII (qui par une mystérieuse disposition de la Providence avait reçu son ordination épiscopale précisément le 13 mai 1917) alors qu'en Europe et dans le monde entier sévissait la tragédie de la guerre fratricide, éleva à la Bienheureuse Vierge de Fatima, reine de la paix, une supplique ardente et confiante pour implorer du Père riche de miséricorde, à travers l'intercession maternelle de Marie, la concorde entre les nations et la liberté pour l'Eglise. A cette occasion, il confia pour la première fois tout le genre humain au Cœur immaculé de Marie, afin que l'amour et le patronage de la Mère de Dieu hâte le triomphe du royaume de Dieu, de sorte que tous les peuples, d'une extrémité à l'autre de la terre, puissent entonner avec Marie « l’éternel Magnificat de gloire, d'amour, de reconnaissance envers le Cœur de Jésus, le seul en qui ils puissent trouver la Vérité, la Vie et la Paix.[3] »


Paul VI et Fatima

Paul VI, le 21 novembre 1964, dans le discours de clôture de la troisième phase du Concile Vatican II, en rappelant la consécration solennelle au Cœur immaculé de Marie faite par Pie XII, promit d'envoyer « la rose d'or » à ce sanctuaire qui lui était très cher, en signe de consécration aux soins de la céleste Mère de toute la famille humaine avec ses problèmes et ses peines, avec ses aspirations légitimes et ses espoirs ardents[4]. Le même Paul VI, le 13 mai 1967, pour le cinquantième anniversaire des apparitions, vint ici humblement et en pèlerin confiant, en signe de grande dévotion à Marie, vénérée par de nombreuses foules de fidéles pour son cœur « maternel et plein de compassion.[5] » Il pria avant tout pour « l’Eglise une, sainte, catholique, apostolique », pour sa paix intérieure et pour sa renaissance spirituelle, implorant de Marie une « Eglise vivante, une Eglise vraie, une Eglise unie, une Eglise sainte.[6] » La prière du Pape Paul VI devint plus triste au souvenir de l'Eglise du silence et des chrétiens martyrisés.

La deuxième intention de sa prière aux pieds de la Reine de la Paix fut l'imploration du don de la paix à l'humanité entière, continuellement menacée dans son existence même que ce soit par des guerres continues et par un terrible arsenal d'armes mortelles, ou par la faim et l'indigence dans différentes régions de la terre. Le caractère dramatique de l'heure faisait croître la confiance du Pape en l'intercession de Marie, Mère de l'Eglise et de l'humanité, et en l'efficacité de la prière et de la pénitence, comme moyens adaptés pour invoquer de Dieu la concorde entre les nations.


Jean-Paul II et Fatima

Recueillant ce précieux héritage marial, le Souverain Pontife Jean-Paul II a manifesté plusieurs fois sa reconnaissance filiale envers la Bienheureuse Vierge de Fatima, pour la remercier de sa protection maternelle au moment du danger et pour répondre par la prière et les actes à son message de paix. Son premier pèlerinage ici à Fatima, le 13 mai 1982, eut lieu exactement un an après l'attentat de la place Saint-Pierre, qui coïncida mystérieusement avec le Jour anniversaire de la première apparition de Marie, le 13 mai 1917. Le Pape, élevant avec gratitude son hymne de louange à sa Mère et Maîtresse, proposa à nouveau à toute l'Eglise et à toute l'humanité le message de la conversion, de la pénitence et de la prière surtout avec le saint rosaire. Ce message constitue en effet le centre de l'annonce faite par Marie dans le « Cova da Iria », avec un langage simple et compréhensif, aux trois jeunes, Lucie, François et Jacinthe, avec un message spécifique pour les hommes du vingtième siècle. Soixante-cinq ans après les apparitions (disait alors le Pape) « il n'est pas difficile de découvrir que cet amour salvifique de Mère comprenne dans son ampleur, de façon particulière, notre siècle.[7] »

A la même occasion, le Pape renouvelait la consécration de l'humanité au Cœur immaculé de Marie, confiant à son intercession maternelle ces peuples et ces populations ayant plus particulièrement besoin de cette offrande et de cette consécration[8]

Cet acte fut répété par le Pape sur la place Saint-Pierre devant la statue de la Madone de Fatima et, sur son invitation par tous les fidèles chrétiens lors de la solennité de l'Annonciation du Seigneur au cours du Carême 1984, année jubilaire de la Rédemption. Le fait de renouveler la consécration à Marie (disait le Pape) correspond « aux attentes de nombreux cœurs humains, désireux de renouveler à la Vierge Marie le témoignage de leur dévotion et de lui confier les afflictions et les multiples maux du présent, les craintes des menaces qui pésent sur l'avenir, les préoccupations pour la paix et la justice au sein des nations et dans le monde entier[9]. »


Marie dans l’histoire contemporaine

Cette invocation ferme et répétée de la protection de Marie, reine de la paix, dont les Souverains Pontifes se sont faits les porte-parole, a trouvé une réponse historique éclatante dans les événements extraordinaires de réconciliation et de liberté politique et religieuse qui se sont vérifiés en Europe et dans de nombreuses parties du monde ces derniers temps. Cette transformation de la scène internationale a poussé l'année dernière le Souverain Pontife Jean-Paul II à revenir ici à Fatima, pour rendre encore une fois grâce, publiquement et solennellement, au Seigneur de l'histoire pour les merveilles réalisées dans le monde par l'intercession de Marie.

I1 y a exactement un an, le 13 mai 1991, c'est encore ici à Fatima que le Pape renouvelait une nouvelle fois l'acte de consécration de l'humanité entière à Marie avec une invocation inoubliable : « Une fois encore, nous nous tournons vers toi, Mère du Christ et de l'Eglise, rassemblés à tes pieds dans la Cova da Iria, pour te remercier de ce que tu as fait pour l'Eglise, pour chacun de nous et pour l'humanité entière, au cours de ces années difficiles. ‘ Monstra te esse Matrem ! ’, tant de fois nous t'avons invoquée ici pour te remercier, car tu nous a toujours écoutés.[10] »

Le Pape supplia la Mère de l'espérance de bien vouloir continuer à concéder sa protection maternelle et à cheminer avec l'Eglise et l'humanité en cette fin de vingtième siècle. De Fatima, presque une deuxième Nazareth pour Marie sur terre et demeure de consolation et de lumière pour les peuples, le Pape lança un nouvel appel à l'Eglise : ouvrir son cœur avec humilité et courage non seulement à la conversion et à la prière, mais à l'œuvre de la nouvelle évangélisation du continent européen et du monde sous la protection de Marie, « Mère de l'Eglise, missionnaire sur les chemins de la terre dans l'attente du troisième millénaire chrétien.[11] »


Un regard sur l'avenir

Dans cet ensembe de témoignages des Souverains Pontifes, Fatima apparaît non seulement comme une noble et véritable expression d'authentique dévotion mariale, mais aussi comme une merveilleuse et prophétique page d'histoire de toute l'humanité, illuminée et guidée vers la pleine liberté et vers la vraie vie par la présence prévoyante de Dieu soutenue par l'intercession maternelle de Marie. La Bienheureuse Vierge, continuant sa médiation de Mère, répéte encore aujourd'hui : « Faites tout ce qu'il vous dira.[12] » Elle nous invite donc à l'écoute et à la réalisation de la parole du Christ ressuscité qui, en montant vers le Père, dit à ses disciples : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous pour toujours, jusqu'à la fin du monde.[13] »

Marie invite les chrétiens à réaliser le commandement de Jésus et à poursuivre avec courage la construction d'une nouvelle civilisation de l'amour fondée sur l'annonce de Jésus-Christ, unique sauveur du monde[14]. En nous approchant du seuil du troisième millénaire, Fatima, cénacle de spiritualité mariale et phare de spiritualité missionnaire nous incite à entreprendre avec courage et espérance le chemin de la nouvelle évangélisation avec l'engagement de remettre aux nouvelles générations le don de la bonne nouvelle de Jésus, en tant qu'héritage humain et spirituel très précieux capable d'illuminer et de guider le nouvéau millénaire d'histoire de l'humanité dont nous sommes désormais proches.

De cette noble terre portugaise, d'où partirent il y a plusieurs siècles les pionniers de mémorables découvertes géographiques et d’extraordinaires entreprises missionnaires, et de cette maison de Marie sur l'Atlantique, ouverte sur les horizons illimités du monde, le Cœur immaculé de Marie continue à être le cœur d'une mère qui prend soin non seulement des individus, mais aussi des peuples et des nations avec un dévouement total à la mission rédemptrice de son Fils.


Une prière à Marie

O Marie, en te rendant grâces pour les dons abondants que tu nous a concédés en ce siècle béni, nous désirons faire nôtres les sentiments de ton Cœur immaculé et chanter avec toi le Magnificat de la plus profonde reconnaissance au Seigneur. Oui, chacun de nous sent aujourd'hui le devoir de répéter : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur ! »

O Mère du Christ, veille sur toute l'humanité ; toi qui es miséricordieuse, penche-toi surtout sur ces nations qui sont déchirées par des guerres fratricides et prépare-leur des jours meilleurs !

O Mère de l'Eglise, assiste tous les enfants dispersés dans le monde et veille avec la tendresse d'une mère, sur notre Saint-Père Jean-Paul II, sur les pasteurs et les fidèles, sur les religieux et les religieuses, pour que le nom du Christ ton Fils soit toujours plus glorifié parmi les peuples du monde entier.

O Etoile de l'évangélisation, illumine ceux qui n'ont pas encore la chance de connaître le Christ, ton Fils, qui est pour tous « la Voie, la Vérité et la Vie.[15] »

O Mère de l'unité rassemble tous les chrétiens dans la pleine communion ecclésiale, afin que l'Eglise du Christ soit comme un drapeau lumineux élevé parmi les peuples et que le monde croie en ton Fils Jésus !

O Mère de Miséricorde, réconforte en particulier ceux qui souffrent à cause de la maladie, de la pauvreté, des épreuves de la vie !

O Marie, Aide des chrétiens, prends-nous par la main et guide-nous dans notre pèlerinage terreske, jusqu'à la rencontre avec ton Fils Jésus !

Nous nous en remettons à toi, ô Mère ô clémente, ô pieuse, ô douce Vierge Marie !



[1] Evangile selon saint Luc, I 46-48.

[2] Pie XII : Message radiophonique du 31 octobre 1942 aux fidèles portugais, à l'occasion des célébrations en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie de Fatima.

[3] Pie XII : Message radiophonique du 31 octobre 1942 aux fidèles portugais, à l'occasion des célébrations en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie de Fatima.

[4] Paul VI : discours de clôture de la troisième phase du Concile.

[5] Paul VI : Exhortation apostolique « Signum magnum ».

[6] Paul VI : « Summi Pontificis Peregrinantis iter in Lusitaniam »

[7] Jean-Paul II : homélie à Fatima.

[8] Jean-Paul II : Acte d'offrande à la Bienheureuse Vierge Marie.

[9] Jean-Paul II : Acte de consécration au Cœur immaculé de la Mère de Dieu. Lettre à tous les évêques.

[10] Jean-Paul II : Acte d'offrande et de consécration à Marie.

[11] Jean-Paul II : discours aux évêques de la Conférence épiscopale portugaise.

[12] Evangile selon saint Jean, II 5.

[13] Evangile selon saint Matthieu, XXVIII 19-20.

[14] Jean-Paul II : Encyclique « Redemptoris missio », n° 4.

[15] Evangile selon saint Jean, XIV 6.