4e dimanche de l'Avent

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Luc (I 39-45).[1]

En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville[2] de la montagne[3] de Judée[4]. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. Or, quand Elisabeth entendit la salutation de Marie, l'enfant tressaillit en elle[5]. Alors, Elisabeth fut remplie de l'Esprit Saint, et s'écria d'une voix forte[6] : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni[7]. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ?[8] Car, lorsque j'ai entendu tes paroles de salutation, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi[9]. Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur[10] ».


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Le passage de la Visitation ressemble à celui du transfert à Jérusalem de l’Arche d’Alliance (II Samuel VI 2-11). Si l’ancienne Arche d’Alliance était le lieu où Dieu se rendait présent à son peuple, Marie qui porte Jésus en ses entrailles, est la nouvelle Arche d’Alliance.

[2] Aïn-Karim (la source des vignobles) est à six kilomètres à l’ouest de Jérusalem.

[3] Marie a disposé dans son cœur des degrés* qu'elle gravit aussi bien par sa manière de vivre que par sa prière. Enfin elle s'est hâtée vers les montagnes pour saluer Elisabeth et la servir pendant trois mois environ** ; si bien que la Mère de Jésus pouvait déjà dire à la mère de Jean ce que le Fils de Marie dira beaucoup plus tard au fils d'Elisabeth : « Laissez-moi faire maintenant, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice »***. Elle a vraiment gravi les montagnes, elle dont la justice s'élève comme les montagnes de Dieu****. La Vierge s'y est élevée par trois degrés, à l'aide d'une triple corde difficile à rompre : la ferveur de la charité dans la recherche de la grâce, la splendeur de la virginité dans sa chair, la grandeur de l'humilité au service de sa cousine. En effet, si tout homme qui s’humilie doit être exalté*****, quoi de plus sublime que son humilité ? Elisabeth s'étonnait déjà qu'elle fût venue, et elle disait : « D'où m'est-il donné que la Mére de mon Seigneur vienne à moi ? » Mais elle s'est étonnée plus encore que, à la manière de son Fils******, Marie fût venue non pour être servie, mais pour servir (saint Bernard : sermon pour la Nativité de la bienheureuse Vierge).

* Psaume LXXXIII 6.

** évangile selon saint Luc, I 39-56.

*** évangile selon saint Matthieu, III 15.

**** Psaume XXXV 7.

***** évangile selon saint Luc, XIV 11.

****** évangile selon saint Matthieu, XX 28.

[4] Il habituel, il est convenable que ceux qui réclament créance fournissent des preuves à la foi qu’ils réclament. C’est ce qu’avait fait l’Ange annonçant ces mystères sublimes. Pour fortifier sa foi pazr une preuve palpable, il avait annoncé à Marie la fécondité d’une de ses parentes, stérile jusque-là et avancée en âge, afin de bien établir que tout était possible à Dieu (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, II 19).

Marie ne refuse point de croire aux révélations qu’elle a reçues, elle ne doute point du messager ni du fait qu’il lui a donné comme preuve ; mais toute remplie de joie pour son vœu qu’elle peut garder, pleine de religion dans l’office qu’elle va accomplir, stimulée par le bonheur qui l’inonde, elle va avec avec empressement vers la parente dont l’Ange lui a parlé. Elle ne cherche point des preuves pour sa foi, elle veut plutôt témoigner de sa piété (saint Ambroise : De virginitate, II, 2).

[5] Encore dans les ténèbres du sein maternel, la sainte âme de Jean connaissait déjà par expérience ce qu’Israël ignorait ; et c’est pourquoi elle tressaille, mais ce n’est pas un simple tressaillement, c’est un tressaillement dans la joie : Jean sentait que son maître était venu le sanctifier avant sa naissance. Je serai peut-être traité d’insensé pour avoir cru de telles choses. Oh ! puisse cela m’arriver ! Ce qu’il appellent une folie est la cause de mon salut : s’il n’y avait eu cette naissance de mon Sauveur, naissance toute céleste, si elle n’avait été au-dessus des naissances ordinaires, jamais la doctrine de Jésus-Christ ne se serait répandue dans le monde, jamais sa vertu n’aurait guéri nos âmes (Origène : homélie VII sur l’évangile selon saint Luc).

[6] Elisabeth prophétise avant Jean-Baptiste, Marie avant la naissance du Sauveur. La chute avait commencé par la femme, le relèvement commence aussi par la femme (Origène : huitième homélie sur l'évangile selon saint Luc).

[7] Combien d’hérésies elle réfute à l’avance par ce seul mot. L’hérésie d’Eutychès qui attribuait à Jésus une nature différente de celle de Marie : le fruit est de même nature que la plante ; l’hérésie de ce qui n’attribuaient à Jésus que des apparences : le fruit est une réalité procédant de la substance de l’arbre ; l’hérésie de ceux qui affirment que Jésus est venu par Marie comme par un canal, sans rien recevoir d’elle : Jésus appartient réellement à Marie (Eusèbe d’Emèse).

[8] L'esprit de prophétie révèle le passé, ou le présent ou l'avenir. Ici, il révèle à la fois le passé, le présent et l'avenir. Elisabeth sait que Marie porte en elle le Fils de Dieu ; elle sait qu'il a été conçu du Saint-Esprit, et elle sait ce que l'avenir réserve à sa foi (saint Grégoire le Grand : homélie I sur Ezéchiel, 8 ).

[9] Et Dieu s'étant fait enfant, il veut premèrement être connu et adoré par un enfant, et c'est une des premières émanations de l'enfance de Dieu, se manifestant soi-même en l'univers. Dieu est enfant, ce que le monde ignore, ce que le ciel adore ; et un enfant est le premier qui le reconnaît et adore en l'univers, et ce par hommage et par opération secrète de l’enfance de Dieu même, qui veut agir sur les enfants, et qui veut honorer soi-même en qualité d'enfant en donnant la première connaissance de soi-même à un enfant au monde, et le faisant son prophète en l'univers. Son premier prophète est un enfant, comme tantôt ses premiers martyrs setont des enfants (Pierre de Bérulle : opuscules de piété, « de la Visitation »).

[10] Marie est bienheureuse, et parce que Dieu l’a regardée, et parce qu’elle a cru, car sa foi est le beau fruit de cette bienveillance divine (saint Bernard : sermon pour le dimanche dans l’octave de l’Assomption).