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18e dimanche des temps ordinaires
Evangile
Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Du milieu de la foule, un homme demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage[1] ». Jésus lui répondit : « O homme[2] ! Qui m'a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages[3] ? » Puis, s'adressant à la foule : « Gardez-vous bien de toute avarice[4] ; car la vie d'un homme, fût-il dans l'abondance, ne dépend pas de ses richesses. » Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont les terres avaient beaucoup rapporté. Il se demandait : ‘ Que vais-je faire[5] ? Je ne sais pas où mettre ma récolte.[6]’ Puis il se dit : ‘ Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j'en construirai de plus grands et j'y entasserai tout mon blé et tout ce que je possède[7]. Alors je dirai à mon âme[8] : Te voilà avec des réserves en abondance pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l'existence.[9]’ Mais Dieu lui dit : ‘ Tu es fou : cette nuit-même[10], on te redemande ta vie. Et ce que tu auras mis de côté, qui l'aura ?’[11] Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d'être riche en vue de Dieu[12] ». Textes liturgiques © AELF, Paris [1] Il ne voulait donc pas s’emparer du bien d’autrui mais entrer en possesion de ce qui lui revenait. Son frère avait commis une injustice, peut-être avait-il soudoyé de juge ; et lui trouvait ce jour-là, pour défendre ses droits, un juge incorruptible : pouvait-il laisser échapper cette occasion ? Au reste, il s’en remettait au jugement de Jésus (saint Augustin : sermon CVII, 2). On peut supposer que le frère aîné, au lieu de se conformer au Deutéronome (XXI 17) qui lui attribuait les deux tiers de l’héritage, avait gardé le tout. [2] Pendant que le Maître préconise les joies de la paix céleste, il se trouve quelqu’un qui veut le jeter dans les ennuis d’un partage de biens terrestres. Il mérite bien le nom que va lui donner le Sauveur, « ô homme ! » Vraiment il agissait en homme (saint Bède le Vénérable). [3] Il avait reçu la judicature pour juger tous les hommes, vivants et morts : il avait à se prononcer sur les mérites des hommes, des mérites éternels : il avait autre chose à faire qu’à se prononcer sur des questions d’intérêt temporel et à partager des terres. Celui qui était descendu pour des choses divines se refusait donc à s’occuper des choses de la terre (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 122). [4] L’avare est non pas seulement celui qui ravit le bien d’autrui, mais celui qui garde avec trop d’attachement celui qu’il possède. Faites attention, mes frères, à cette parole. Ne traitez légèrement aucune parole du Sauveur, de celui qui est notre Seigneur et notre Rédempteur, de celui qui a donné son sang, qui est mort pour nous, de celui qui est notre avocat et doit être notre juge. Quand il nous dit : « Gardez-vous », il connaît mieux que nous le mal contre lequel il veut nous mettre en garde et si nous ne comprenons pas le mal de l’avarice, croyons à sa parole (saint Augustin : sermon CVII, 4). [5] Il ne pense aucunement à se servir de ses richesses pour faire quelque bien, nous faisant ainsi apparaître, sans le vouloir, la longanimité de Dieu, et sa bonté, qui s’étend sur les méchants aussi bien que sur les bons. Quelle reconnaissance pense-t-il témoigner à son bienfaiteur ? Il ne se souvient plus des liens que la nature a établis parmi les hommes, il ne pense pas donner à ceux qui manquent ce qu’il a en trop. Ses greniers crevaient sous l’abondance de ses récoltes et son âme n’était pas rassasiée. Son embarras était grand puisqu’il ne voulait pas se dessaisir de ses vieilles provisions à cause de son avarice et qu’il ne pouvait plus recueillir de richesses nouvelles : ses réflexions le torturaient. Il se plaint comme un pauvre qui, en effet, répète : « Que vais-je faire ? D’où pourrai-je me procurer mes aliments, mes chaussures ? » Il est embarrassé par ses richesses commes les autres le sont par leur pauvreté : il n’y a qu’une chose qu’il ne veut pas, c’est que ses richesses aillent loin de lui, comme le gourmand qui préfèrerait se faire mal plutôt que de donner à ceux qui ont faim ce qu’il a en trop (saint Basile : homélie sur la richesse, VI 1). [6] Singulière anxiété que celle produite par la richesse ! Voilà son âme mise à l’étroit par la fertilité de ses terres : il a sur lui un poids comme celui qui a pris de la nourriture plus qu’il ne le pouvait (saint Grégoire le Grand : « Moralia in Job », XV 22). [7] Pourquoi donc cette terre avait-elle tant rapporté à un homme qui ne devait faire aucun bon usage de cette fertilité ? C'était pour mieux mettre en lumière la patience de Dieu dont la bonté s'étend même sur de telles gens.« Car il fait tomber sa pluie sur les justes et sur les injustes, et il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (évangile selon saint Matthieu, V 45)De quel état d'esprit cet homme faisait-il montre ? L'aigreur du caractère, la haine des hommes, l'égoïsme, voilà ce qu'il offrait en retour à son bienfaiteur. Il oubliait que nous appartenons tous à la même nature. Il ne jugeait pas nécessaire de distribuer son superflu aux pauvres. Mais ses greniers craquaient, trop étroits pour ses immenses dépôts, et son cœur d'avare n'était pas encore comblé. D'ailleurs, ses nouvelles récoltes s'ajoutaient sans cesse aux anciennes et les apports annuels venaient accroître son opulence, de sorte qu'il se trouva dans une situation sans issue. Il n'acceptait pas de se défaire de ses anciennes réserves, tant il était avare, et il n'arrivait plus à entreposer les nouvelles récoltes trop abondantes. De là les projets non réalisés et les angoisses insurmontables. « Que vais je faire ? » Qui n'aurait pitié d'un homme en proie à un pareil tourment ? Car ce ne sont pas des bénéfices que la terre lui apporte, mais des soupirs. Elle ne lui procure pas d'abondants revenus, mais des soucis, des peines et un embarras extrême. Il pousse des lamentations comme le ferait un miséreux. Ne sont-ce pas là les plaintes de celui qui est réduit à la mendicité ? « Que vais je faire ? »Comment vais-je me nourrir, me vêtir ? Considère, homme, celui qui t'a comblé de ses dons. Souviens-toi de toi-même. Rappelle-toi qui tu es, quelles affaires tu conduis, qui te les a confiées, pour quelle raison tu as été préféré à beaucoup. Tu es le serviteur du Dieu bon, tu as la charge de tes compagnons de service. Ne crois pas que tous ces biens sont destinés à ton ventre. Dispose des biens que tu as entre les mains comme s'ils appartenaient à autrui : ils te donneront du plaisir pendant quelque temps, puis s'évanouirontet disparaîtront. Mais il t'en sera demandé un compte détaillé (saint Basile : homélie sur la richesse, VI 1-12). [8] « mon âme », le siège des appétits, spécialement de la faim. [9] Cette assurance dans laquelle il vivait relativement à l’avenir, et qui le portait à jouir sans frein, était pour lui la source de fautes nombreuses. Quand on se met à vivre comme si chaque jour on devait mourir, il est rare que l’on commette une faute, car la crainte émousse l’attrait de la volupté (saint Athanase le Grand). [10] C’était une folie que d’engraisser le corps aux dépens de l’âme, d’appesantir l’âme, de la remplir de ténèbres : dans sa jouissance, en effet, l’âme qui devrait commander devient esclave ; le corps qui devrait servir prend le commandement. Le corps a besoin d’aliments, mais non de jouissances ; il faut le nourrir, mais non le gaver. Les jouissances sont nuisibles, non pas seulement à l’âme, mais au corps lui-même, en lui enlevant ses forces et en lui amenant toutes sortes de maladies. C’est dans la nuit que son âme lui fut enlevée : toute sa vie avait été une longue nuit et jamais il n’avait su faire œuvre de lumière (saint Jean Chrysostome : homélie XXXIX sur la première épître aux Corinthiens, 9). [11] Ce que nous ne pouvons pas emporter avec nous n’est réllement pas à nous. C’est la vertu seule qui peut s’en aller de ce monde avec les défunts, seule la miséricorde peut nous accompagner, elle qui a le pouvoir, en échange d’une vile monnaie, de nous procurer les tabernacles éternels (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, VII 122). [12] Et d’où te viennent ces biens que tu appelles tes biens ? Si tu reconnais qu’il viennent de Dieu, dis-nous pourquoi il te les a donnés. Dieu n’a-t-il pas été injuste en établissant parmi les hommes tant d’inégalités ? Pourquoi es-tu riche et celui-là pauvre ? N’était-ce pas pour te faire acquérir, à toi, les mérites d’un sage dispensateur, et, au pauvre, les grands mérites de la patience ? En regardant comme tien ce que tu as reçu pour le distribuer ne commets-tu pas un vol ? Le pain que tu retiens, c’est celui de l’homme qui souffre de la faim ; les vêtements que tu serres dans tes coffres sont ceux des déguenillés ; les souliers qui pourrissent chez toi sont ceux des déchaux. Autant il y a d’hommes à tu pourrais donner, autant tu commets d’injustices en ne leur donnant pas (saint Basile : homélie sur la richesse, VI 1). |