5e dimanche des temps ordinaires

Première lecture

Lecture du livre d'Isaïe (VI 1-8)[1].

L'année de la mort du roi Ozias[2], je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui [chacun avait six ailes, deux dont il se couvrait la face, deux dont il se couvrait les pieds, et deux dont il volait]. Ils se criaient l'un à l'autre : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l'univers.

Toute la terre est remplie de sa gloire »[3]. Les pivots des portes se mirent à trembler à la voix de celui qui criait, et le Temple se remplissait de fumée. Je dis alors : « Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres impures ; et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l'univers ! » L'un des séraphins vola vers moi, tenant un charbon brûlant qu'il avait pris avec des pinces sur l'autel. Il l'approcha de ma bouche et dit : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné ». J'entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » Et j'ai répondu : « Moi, je serai ton messager : envoie-moi »[4].


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Bien que le roi Ozias eût fait toute sa vie ce qui plaisait au Seigneur, les hauts lieux n’en demeuraient pas moins où le peuple continuait d’offrir sacrifices et encens. Après la mort de ce roi lépreux qui fut enterré dans la cité de David, son fils Yotam qui dirigeait déjà les affaires du fait de la maladie de son père, lui succèda. Yotam avait vingt-cinq ans. Lui aussi, fut fidèle : il construisit l'une des belles portes du Temple, mais il ne réussit pas à convertir le peuple. Pendant ce temps, l’autre royaume juif, celui d'lsraël, se dégradait et les rois se succèdaient en se faisant disparaître les uns les autres. C'est dans ce contexte que se situent la vision d'Isaïe et son appel. Nous sommes dans le Temple. Isaïe qui n'est pas un pauvre berger, mais un homme de l'élite sociale, voit le Seigneur sous les traits d'un souverain oriental. Paradoxe ! Il voit Dieu sans mourir. Il est introduit dans la cour céleste (Genèse XXXII 31 ; Exode XXXIII 18-23 ; Juges VI 21-22). La « traîne » remplit le sanctuaire, comme la présence et le pouvoir de Dieu qui enveloppent tout vivant. Les portes tremblent, la fumée remplit le sanctuaire, les séraphins, êtres surnaturels appelés « les brûlants », chantent ce que nous reprenons aujourd'hui dans toutes les messes : Tu es le Tout-Autre, il y a une distance, une séparation entre Toi et nous, un abîme, dira le mauvais riche qui n'a pas recueilli le pauvre Lazare (évangile selon saint Luc, XVI 26). Isaïe qui est conscient de cette sainteté de Dieu par rapport à son péché (Lévitique, XIX 2 & XX 7), s'attend au pire. Et pourtant, il reste en vie. Dieu le purifie, non pour le détruire, mais pour le préparer au service. La purification concerne la bouche et les lèvres. « C’est ce qui sort de la bouche de l'homme qui le rend impur » (Evangile selon saint Matthieu, XV 10), dira Jésus. C'est du cœur purifié que sort le vrai culte. Isaïe devient capable d'exprimer un oui profond, il répond à la voix de Dieu : « Me voici, envoie-moi, je serai ton messager. » Le Dieu des prophètes n'est pas le Dieu terrible qui écrase l'homme. Au contraire, il rend l'homme de bonne volonté apte à entendre, à comprendre et à s'engager. Cet homme de bonne volonté, fidèle serviteur de Dieu, devient l'un des familiers de Dieu ; comme ces êtres de feu qui l'ont embrasé, il va servir le Roi de l'Univers.

[2] Osias dont le nom signifie Yahvé a secouru, est le dixième roi de Juda (776-739). Il mit en valeur le territoire d’Edom que son père avait reconquis, et y rebâtit la forteresse du port d’Elat ; il développa l’agriculture, construisit des citernes pour les troupeaux, répara les remparts de Jérusalem et organisa une armée bien entraînée, toujours sur pied de guerre, qui lui permit de battre les Philistins, les Arabes, les Maonites et les Ammonites. Le deuxième livre des Chroniques (XXVI 16-21) dit qu’il fut frappé par la lèpres pour avoir voulu offrir lui-même le sacrifice de l’encens. Il est aussi connu sous le nom d’Azarias.

[3] Deux fois, l’Ecriture (Daniel X 13 & Apocalypse XXI 7) présente saint Michel comme l'un des premiers chefs et le chef des anges. Aux anges, aux séraphins et aux chérubins de l’Ancien Testament, le Nouveau ajoute les trônes, les dominations, les vertus, les principautés, les puissances et les archanges. Les Pères et les liturges groupent fréquemment les anges en ces neuf appellations que Denys range selon neuf vocables ou chœurs, allant des séraphins (brûlant d'amour) aux anges chargés des messages auprès des hommes ; il dispose ces chœurs en trois hièrarchies rigoureusement ordonnées. Les scolastiques admettent sans discussion l'autorité de Denys, encore que nous connaissons fort imparfaitement le monde invisible.

[4] Si la théophanie-vocation de Jérémie que nous avons lue dimanche dernier était familière, intime et confidentielle, celle d’Isaïe que nous lisons aujourd’hui est solennelle, grandiose et terrible. Cependant, dans l’une et l’autre, on est en présence des éléments essentiel de toute vocation : l’expérien de de la grandeur de Dieu, l’appel à coopérer au dessein de salut, la purification nécessaire, la conversion, l’élan franc et généreux qui dit la totale disponibilité.