18e dimanche des temps ordinaires

Première lecture

Lecture du livre de l'Exode, (XVI 2-4 & 12-15)[1].

Dans le désert, toute la communauté des fils d'Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron[2]. Les fils d'Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d'Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tous ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici, que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l'épreuve : je verrai s'il obéit, ou non, à ma loi [...[3]]. J'ai entendu les récriminations des fils d'Israël. Tu leur diras : Après le coucher du soleil vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Vous reconnaîtrez alors que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu. »

Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s'évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d'Israël se dirent l'un à l'autre : « Mann hou ? » ce qui veut dire : « Qu'est-ce que c'est ? » car ils ne savaient pas ce que c'était[4]. Moïse leur dit : « C'est le pain que le Seigneur vous donne à manger.[5] »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] N'est-il pas merveilleux que les événements de l'Ancien Testament contiennent déjà un tel poids de réalité qu'aucun désaccord, ni de lieu, ni de temps, ni d'ordonnance, ne les sépare de ceux qui plus tard furent accomplis par le Seigneur et trouvèrent en lui leur achèvement ? C'est bien en lui que l'imitation qui l’a précédé atteint sa forme définitive et véritable ; elle se présente comme une image anticipée du modèle qu'elle s'efforce de reproduire (saint Hilaire de Poitiers : Traité des Mystères, I 32).

[2] Dans l'ancienne tradition, Aaron est le porte-parole de Moïse qu’il accompagne dans la guerre ou sur le Sinaï, l'assistant de sa parole et de ses prodiges, le remplaçant en cas d'absence. Il meurt après le départ de Cadès, à Hor la montagne ou à Moséroth. La tradition dit aussi qu’Aaron est fils d'Aram et de Jokabed, frère aîné de Moïse. De sa femme, Elisabeth, il a quatre enfants : Nadab, Abiu, Eléazar et Ithamar. Il est le premier grand prêtre et l'éponyme de la caste sacerdotale (les fils d'Aaron).

[3] « Le sixième jour, quand ils prépareront ce qu’ils auront rapporté, il y en aura le double de ce qu’ils ramassent chaque jour. » Moïse et Aaron dirent à tous les fils d’Israël : « Ce soir, vous saurez que c’est le Seigneur qui vous a fait sortir du pays d’Egypte, et le matin, vous verrez la gloire du Seigneur ; car il a entendu vos murmures contre le Seigneur ; nous, en effet, que sommes-nous, pour que vous murmuriez contre nous ? Ce n’est pas contre nous que sont dirigés vos murmures, mais contre le Seigneur. » Moïse dit à Aaron : « Dis à toute la communauté des fils d’Israël : Approchez-vous devant le Seigneur car il a entudu vos murmures. » Or, comme Aaron parlait à toute la communauté des fils d’Israël, il se tournèrent vers le désert, et voici que la gloire du Seigneur apparut dans la nuée. Le Seigneur parla à Moïse en ces termes : ...

[4] La manne avait l'apparence d'une rosée de givre : blanche, fine et granuleuse, elle ressemblait à la graine du coriandre et son goût était celui d'une galette de miel.

[5] Dans la chair des cailles et dans la manne substantielle, ne trouvons-nous pas la figure - et combien parfaite - d'une réalité spirituelle ? Le peuple tiré d'Egypte murmure contre ses chefs : il regrette la viande qu'il avait coutume d'y manger. Or, voilà que le soir une bande de cailles survole le camp et le recouvre: le peuple se nourrit de leur chair. Au matin, c’est la découverte de la manne. Sans distinction d'âge ou de sexe, la même mesure est attribuée à chacun : celui qui en ramasse davantage n’a pas d'excédent, celui qui en recueille moins ne manque de rien. Ce qui dépasse les besoins fourmille de vers. Et la manne qui reste dans la plaine fond à la chaleur du soleil. Le sixième jour, on ramasse une double mesure sans qu’elle se corrompe ; le septième jour il n'y a pas de manne, malgré la vaine attente de certains. Enfin la mesure destinée à chacun, c'est-à-dire un gomor, est mise dans un vase d’or et conservée en témoignage pour les générations futures. Par ailleurs, il faut bien remarquer que ce don de la manne est pour le Seigneur l'occasion d'éprouver son peuple : chacun va montrer, en obéissant ou non aux règles données à ce sujet, s'il est apte à suivre les préceptes du Seigneur. ll est écrit en effet : Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que du ciel je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Chaque jour le peuple sortira pour ramasser sa ration quotidienne. Ainsi je le mettrai à l'épreuve : marchera-t-il, ou non, se/on ma Loi ? » (...) Pendant son séjour au désert, alors que le peuple est encore enchaîné par le regret de ses habitudes, qu'il soupire après les viandes d'Egypte, (...) la manne est l'occasion de voir ce qu'il a dans le cœur : obéira-t-il à Dieu ? et, par là se montrera-t-il digne de recevoir le vrai pain du ciel ? Quant au sens figuratif de cette épreuve concernant la manne, la suite va nous le donner. Comme c'est au rnatin qu'Israël trouve la manne, c'est avec l'aube de la Résurrection du Seigneur que vient le temps de recevoir la nourriture envoyée du ciel. Elle est donnée en quantité égale à tout âge et à tout sexe. Certes, voilà qui va contre la nature humaine : la même quantité de nourriture serait-elle nécessaire au petit enfant et à l'homme fait ? Mais pour qui prête attention à la typologie spirituelle, il est tout à fait normal de distribuer également à tous la nourriture céleste, car son efficacité ne peut être divisée en parties - je parle à des gens qui ont l’expérience du sacrement de l'Eucharistie - : personne n'est dans l'abondance, s’il en reçoit davantage, et personne dans le besoin s'il en reçoit moins, car tous sont également comblés par ce pain qu'on reçoit fractionné en parts (...) Enfin, au sujet du gomor de manne que le Seigneur avait ordonné de conserver en sa présence dans un vase d'or pour les générations futures, nous nous demandons où est ce vase, où, après les nombreuses captivités du peuple, est la manne qui y fut renfermée. La ville et le temple ont été deux fois détruits ; rien ne subsiste de ce qui y fut déposé. Alors ? AIlons-nous croire que Dieu ne savait pas que la manne ne pourrait être conservée pour la postérité ? Évidemment, non ! On ne peut supposer qu'il l'ait ignoré, lui qui voit d'avance les décisions futures des hommes. Mais sous la figure du vase d'or, rempli de manne, qui fut placé devant Dieu et conservé pour les générations futures, il nous est signifié que sera précieux et éternel aux yeux de Dieu celui qui aura conservé dans son corps, comme dans un vase d'or, la manne par lui reçue, celui qui aura gardé en toute pureté la nourriture spirituelle à nous donnée (saint Hilaire de Poitiers : Traité des Mystères, I 33-42).