2e dimanche des temps ordinaires

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Jean (I 35-42).

Jean-Baptiste[1] se trouvait avec deux de ses disciples[2]. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l'Agneau de Dieu.[3] »

Les deux disciples entendirent cette parole, et ils suivirent[4] Jésus[5]. Celui-ci se retourna, vit qu'ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ?[6] » Ils lui répondirent : « Maître,où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez.[7] » Ils l'accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C'était vers quatre heures du soir.

André[8], le frère de Simon-Pierre, était l'un des deux disciples qui avaient entendu Jean-Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d'abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie » (autrement dit : le Christ)[9]. André amena son frère à Jésus[10]. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t'appelleras Képha [11]» (ce qui veut dire : ‘ pierre [12]’).


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Jean est le pont jeté entre les deux testaments. Le Sauveur lui-même a déclaré que « la Loi et les Prophètes allaient jusqu’à Jean-Baptiste. » Et c’est pourquoi il y a en lui de la vétusté et il annonce ce qui est nouveau. Pour représenter ce qui est ancien, il naît de vieillards ; et pour annoncer les temps nouveaux, il est proclamé prophète dès le sein de sa mère (saint Augustin : sermon CCXCIII, 2).

[2] L’un de ces disciples de saint Jean-Baptiste est, comme on le verra par la suite, saint André ; l’autre est peut-être saint Jean lui-même qui rapporterait l’évènement en témoin.

[3] Après que Jean-Baptiste a présenté Jésus comme « l'Agneau de Dieu », les Actes des Apôtres (VIII 32) et la première épître de saint Pierre (I 19) ne manquent pas de se servir du thème de l’agneau en référence au Christ. L’Apocalypse utilise vingt-huit fois le mot agneau pour désigner le Christ. Dans cette désignation de Jésus par saint Jean-Baptiste, se conjuguent plusieurs sens. Saint Jean Chrysostome et saint Augustin soulignent que l’agneau est le symbole de l'innocence et de la justice ; s’il est possible, comme le pense Origène, que saint Jean-Baptiste fît allusion au sacrifice qui se faisait de l'agneau, deux fois par jour dans le Temple, il est probable qu’il se référait à l'agneau pascal. Les Pères grecs voient dans cette expression une allusion au Serviteur souffrant dont parlait le prophète Isaïe (LIII 7) et qui accomplit ce qu’annonçait l’agneau pascal : ainsi, à la fin du deuxième siècle, Méliton de Sardes, dans son homélie pascale, montre Jésus comme l'agneau pascal dont le sacrifice est fait selon Serviteur souffrant dont parlait le prophète Isaïe. « Il avait été annoncé par le prophète Isaïe comme un agneau qui se laisse conduire à la boucherie sans ouvrir la bouche. Il avait été préfiguré par l’agneau pascal ; mais l’agneau pascal n’effaçait aucun péché, et celui-là effacera les péchés du monde entier » (saint Jean Chrysostome : Homélie sur l’évangile selon saint Jean, XVII 1).

[4] Le verbe suivre est un de ces termes auxquels saint Jean prête une acception des plus étendues. Si, dans une utilisation purement narrative, le mot peut n'avoir que son sens banal (venir après ou marcher derrière), il a aussi un sens technique : se faire le disciple de, s'attacher à un maître-docteur. Ce sens technique inclut dans une certaine mesure le précèdent, puisque, selon l'usage des rabbins du temps de Jésus, les élèves d'un docteur de la Loi ne pouvaient, lors des sorties en commun, marcher à côté du maître ; ils le suivaient à distance respectueuse : sens concret et symbolique à la fois. Cette acception englobante se retrouve chez saint Jean, par exemple à propos des brebis du Bon Pasteur : elles le suivent, tandis qu' il marche devant elles pour les conduire à la vie éternelle ; le contexte traite clairement de la foi au Messie. Dans la description de saint Jean, si les deux hommes marchent derrière Jésus, c'est pour prendre contact avec lui et demeurer avec lui. Le récit ne rapportera pas d'autre étape à leur adhésion au Christ. Leur démarche présente engage déjà leur donation définitive. Ils passent du Précurseur au Messie.

[5] André, le plus illustre des Apôtres, est touché par les paroles du Baptiste. Quittant son maître, il court vers celui qu'il lui désigne : ses paroles lui sont parvenues comme un signal, et il gagne même de vitesse la langue de Jean. Signe évident de son amour, il accourt vers le Seigneur, emmenant avec lui l'evangéliste Jean. Laissant là le flambeau, tous deux s'élancent vers le soleil. André a été la première plantation du Seigneur. C'est lui qui ouvrit la porte à l'enseignement du Christ. Le premier, il récolta les fruits de la terre cultivée par les prophètes. Le premier, il embrassa celui que tous attendaient, devançant ainsi l'esperance de tous. Le premier, il montra que les commandements de la Loi étaient arrivés à leur terme. Le premier, il mit un frein à la langue de Moïse, et il ne la laissa plus parler après la venue du Christ. On ne l'en blâma pas, et il ne jeta pas le blame sur celui qui avait été le guide des Juifs, mais, avant l'envoyé, il honora celui qui l'avait envoyé. Qui plus est, il se montra le premier à honorer Moïse, en étant le premier à reconnaître celui que Moïse avait annoncé : « Le Seigneur notre Dieu nous suscitera d’entre nos frères un prophète tel que moi : écoutez-le » (Deutéronome, XVIII 15). André, pour obéir à la Loi, l'a rejetée. Il a entendu la parole de Moïse : « Ecoutez-le. » Ayant entendu Jean proclamer : « Voici l'Agneau de Dieu », il va spontanément vers celui qu'il lui désigne (saint Basile de Séleucie : « Eloge de saint André »).

[6] Jésus qui connaît tout et pénètre les cœurs, n’interroge pas pour s'informer mais pour provoquer la réponse où les interlocuteurs seront amenés à prendre conscience de l'objet véritable de leur recherche. Cette parole est la première du Christ chez saint Jean. Dans l'esprit de l'évangéliste, elle s'adresse à tout homme. Chacun est invité à dire à soi-même devant le Seigneur le sens dernier de son cheminement intérieur.

[7] La tournure qui est typiquement rabbinique, attire l'attention sur quelque nouveauté importante, sur quelque mystère. Car il ne s'agit pas d'admirer béatement le domicile où Jésus prend gîte. On entend ici l'invitation à vérifier par la vue, par le constat physique, la réalité historique qui va fonder la foi. L'invitation en effet contient implicitement l'offre de prendre contact personnel avec Jésus, de converser avec lui, de le connaître plus intimement, de pouvoir finalement adhérer à lui. On touche le thème johannique selon lequel la vue doit conduire à la foi. Cette insistance de saint Jean sur la vue répond au même souci que l'insistance sur le témoignage. En son Fils fait homme, Dieu même s’est rendu visible. Désormais la révélation se transmet par le témoignage de ceux qui ont vu, entendu, touché et cru, et qui veulent communiquer leur foi. Le témoignage doit guider vers la rencontre personnelle, vers le contact intime avec Jésus, toujours possible quel qu'en soit le mode. Au creux de cette rencontre, s'offre alors à tout homme, à chacun de nous comme aux premiers appelés, le choix décisif, l'option pour ou contre le Christ.

[8] Saint André, né à Bethsaïde, habitait avec son frère à Capharnaüm. Plus tard, Simon et André pêchaient dans la mer de Galilée lorsque Jésus les appela : « Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d'hommes » (S. Matthieu,V 18-20)) La tradition grecque appelle André le Protoclet, c'est-à-dire le premier appelé des apôtres. Lors de la multiplication des pains et des poissons, c'est André qui repère le jeune garçon avec ses cinq pains et ses deux poissons (S. Jean, VI 8). Avec Philippe, il introduit auprès de Jésus les païens de langue grecque (S. Jean, XII 21-22). Il est avec Pierre, Jacques et Jean qui interrogent Jésus sur la destruction du Temple (S. Marc, XIII 3). Les traditions nous disent que saint André fut crucifié à Patras, capitale d'Achaïe, sur une croix en forme de X.C'était, croit-on, le 30 novembre 62.

[9] L'ayant trouvé, et ayant reconnu en lui le prophète annoncé, il lui amène son frère. A Pierre, qui ne le connaît pas encore il révèle le trésor : « Nous avons trouvé le Messie », celui dont nous désirions la venue. Oh ! Nous qui avons veillé durant tant de nuits près des eaux du Jourdain, nous venons de trouver celui que nous désirions (saint Basile de Séleucie : « Eloge de saint André »).

[10] Dès qu'André a fini de parler, Pierre, son frère, qui l'a écouté attentivement, part en toute hâte, plein d'enthousiasme. En amenant Pierre au Seigneur, André fait de son frère un disciple comme lui. C'est la première bonne chose à mettre à son actif : il a augmenté le nombre des apôtres, il a présenté Pierre au Christ, si bien que Jésus trouvera en lui le guide de ses disciples. C'est donc André qui aura semé en Pierre tout le bien qui, par la suite, sera porté au crédit de celui-ci. La louange adressée à l'un rejaillit également sur l'autre, car les vertus de l'un appartiennent aussi à l'autre (saint Basile de Séleucie : « Eloge de saint André »).

[11] C’est une grande chose que de changement de nom qui se fait aujourd’hui. Vous admirez cette science de Jésus qui pénètre les secrets des êtres : c’est peu pour lui d’avoir dit à cet homme quelle était sa naissance : Dieu connaît les noms de ses saints qu’il a prédestinés avant la création du monde. La chose vraiment grande c’est ce changement de nom : c’est comme une nouvelle naissance. Ce nom nouveau qu’il lui impose c’est celui de la pierre et la pierre c’est l’Eglise. L’Eglise est donc annoncée aujourd’hui dans ce nom de Pierre. Qui pourra être en sûreté sinon celui qui bâtit et qui bâtit sur la pierre ? (saint Augustin : « Tractatus in Johannis evangelium », VII 14).

[12] Pierre tient son nom de la pierre, et ce n'est pas de Pierre que la pierre tire son nom. Pierre vient de la pierre, se réfère à la pierre, comme le chrétien vient du Christ et se réfère au Christ (saint Augustin : sermon CCLXXXV).

Etant la pierre inébranlable, la pierre de l’angle qui fait de deux peuples un seul peuple, le fondement en dehors dquel on ne peut en établir aucun autre, je veux que toi aussi, mon serviteur, tu sois une pierre, parce que tu seras fortifié par ma puissance, et par ton union avec moi, tu possèdera les qualités qui m’appartiennent en propre (saint Léon le Grand : sermon IV, 3).