27e dimanche des temps ordinaires

Première lecture

Lecture du livre d'Isaïe, (V 1-7)[1]

Je chanterai pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau plantureux. Il en retourna la terre et en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. Au milieu il bâtit une tour et creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais.Et maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda, soyez donc juges entre moi et ma vigne ! Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n'ai fait ? J'attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ? Eh bien, je vais vous apprendre ce que je vais faire de ma vigne : enlever sa clôture pour qu'elle soit dévorée, ouvrir une brèche dans son mur pour qu'elle soit piétinée. J'en ferai une pente désolée ; elle ne sera ni taillée ni sarclée, il y poussera des épines et des ronces ; j'interdirai aux nuages d'y faire tomber la pluie. La vigne du Seigneur de l'univers, c'est la maison d'Israël. Le plant qu'il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici l'iniquité ; il en attendait la justice, et voici les cris de détresse[2].


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Pour mieux dire l'amour déçu, le prophète chante d'abord l'amour. Plus il insiste sur les marques d'amour, plus grande apparaîtra l'ingratitude de l'être aimé, et plus grande apparaîtra la déception de celui qui espérait l'amour en retour. Pour insister sur l'amour, Isaïe utilise un poème, un chant d'amour sous l'allégorie de la vigne qui est toujours un signe d'abondance, de qualité des fruits, de joie et d'amour. Pour chanter l'amour, les mots se gorgent de poésie comme les raisins se gorgent de soleil. C'est l'amour de Dieu pour son peuple. Comme un amour d'époux à épouse. Mais au verset troisième I'ambiance change. De la troisième personne pour le bien-aimé, le texte passe à la première personne : « moi et ma vigne ». L'allégorie est utilisée pour le jugement. Le peuple, infidèle comme une épouse infidèle, connaîtra la désolation. Celle-ci est annoncée comme étant l'œuvre du maître lui-même. Mais ne peut-on avoir l'impression que la destruction par déception d'amour est encore une sorte de marque d'amour ? D'ailleurs, nous le savons, le Seigneur ne laissera pas détruire entièrement son peuple. Un « reste » sera sauvé (Isaïe, X 20-22)... Et, plus tard, un fils de ce reste fidéle (Isaïe, XI 1) pourra dire « Je suis la vigne »

[2] La vigne est notre figure, parce que le peuple de Dieu, enraciné sur la souche de la vigne éternelle; s'élève au-dessus de la terre ; parure d'un sol ingrat, tantôt elle bourgeonne et fleurit, tantôt elle se revêt de verdure, tantôt elle ressemble au joug de la croix, lorsqu'elle a grandi et que ses bras étendus sont les sarments d'un vignoble fécond. Le vigneron est le Père tout-puissant, la vigne est le Christ ; nous, nous sommes les sarments : si nous ne portons pas de fruit dans le Christ, nous sommes retranchés par la serpe du vigneron éternel. On a donc raison d'appeler vigne le peuple du Christ, soit parce qu'il marque son front du signe de la croix, soit parce qu'on récolte ses fruits à la dernière saison de l'année, soit parce que, pour tous, comme pour les rangs de vignes, pauvres et riches, humbles et puissants, serviteurs et maîtres, il y a, dans l'Eglise de Dieu, une égalité parfaite, sans aucune différence. Quand on attache la vigne, elle se redresse ; quand on l'émonde, ce n'est pas pour l'amoindrir, mais pour la faire croître ; il en est de même du peuple saint : quand on l'enchaîne, il se libère ; quand on l'humilie, il se redresse; quand on le taille, on lui donne en fait une couronne. Bien mieux : de même que le tendre rejeton, enlevé à un vieil arbre, est greffé sur le surgeon d'une autre racine, de même ce peuple saint, une fois débarrassé des cicatrices du vieux rejeton, nourri sur l'arbre de la croix comme au sein d'une mère aimante, se développe. Et l'Esprit-Saint, comme répandu dans les profonds sillons de la terre, se déverse dans la prison de notre corps, effaçant par le bain de l'eau salutaire tout ce qui sent mauvais et redressant la tenue de nos membres pour les diriger vers le ciel. Cette vigne, le diligent vigneron a l'habitude de la sarcler, de l'attacher, de la tailler ; après avoir déblayé les tas de terre, tantôt il brûle de soleil les secrets de notre corps et tantôt les arrose de pluie. Il a coutume de sarcler le terrain, pour que les ronces ne blessent pas les bourgeons ; il veille à ce que les feuilles ne fassent pas trop d'ombre, que la vanité improductive des paroles, obscurcissant les vertus, n'empêche pas la maturation du naturel et du caractère (saint Ambroise : commentaire de l’Evangile selon saint Luc, IX 29-30).