21 septembre

Saint Matthieu
Apôtre et évangéliste


Biographie

Le nom de Matthieu que l'on a traduit du grec Maththios ou Matthios, vient de l'hébreux Matt'yah, abréviation de Mattatyah, qui signifie don de Yahvé, comme Matthias, Mattathias et Matthan.

On sait que saint Matthieu, auteur du premier évangile, est un des douze apôtres du Seigneur[1], qu'il est fils d'Alphée et porte d'abord le nom de Lévi.

Il semble originaire de Capharnaüm[2] où il est publicain[3] et tient le bureau de péage[4], c'est-à-dire le bureau où l'on perçoit le portorium, à la fois douane, octroi et péage entre les états du roi Hérode Antipas et de son frère, le tétrarque Philippe[5]. Chacun connaît les récits de son appel par Jésus :


Evangile selon saint Matthieu IX 9 : « Et, passant plus loin, Jésus vit, assis au bureau du péage, un homme appelé Matthieu. Et il lui dit : Suis-moi. Et, se levant, il le suivit. »

Evangile selon saint Luc V 27-29 : « Et après cela il sortit, et il remarqua un publicain du nom de Lévi, assis au bureau du péage, et il lui dit : Suis-moi. Et, quittant tout, se levant, il le suivait. Et Lévi lui fit une grande réception dans sa maison. »

Evangile selon saint Marc II 13-14 : « Et il sortit de nouveau le long de la mer. Et toute la foule venait vers lui, et il les enseignait. Et en passant, il vit Lévi, le [fils] d'Alphée, assis au bureau du péage. Et il lui dit : Suis-moi. Et se levant, il le suivit. »


(Textes liturgiques © AELF, Paris)


La tradition hagiographique[6], reprise par Rufin, saint Eucher de Lyon et Socrate dit qu'il passa un temps en Egypte avant que d'aller dans la capitale d'Ethiopie, Naddaver, où il fut accueilli par cet eunuque, haut fonctionnaire de la Candace[7], que le diacre Philippe avait baptisé. Or, il y avait dans cette ville deux habiles magiciens, Zaroës et Arfaxat, qui trompaient les habitants en leur causant des maladies qu'ils savaient guérir ; saint Matthieu ne tarda pas à découvrir leurs sortilèges et à désabuser le peuple dont beaucoup se convertirent.

Quand Matthieu eut ressuscité le prince héritier Euphranor, le roi et la reine, avec toute la maison royale et tout ce qui comptait dans la province reçurent le baptême. Iphigénie, fille du roi d'Ethiopie et quelques unes de ses compagnes, firent vœu de virginité et se retirèrent dans une maison particulière qui devint le premier monastère du pays.

Le roi Eglippe étant mort, son frère Hirtace s'empara du royaume et, pour mieux asseoir son pouvoir, voulut d'épouser Iphigénie. Hirtace eut recours à saint Matthieu qui lui répondit : Vienne votre Majesté au discours que je vais faire aux vierges chrétiennes rassemblées avec Iphigénie et vous verrez vous-même avec quel zèle je vais remplir vos ordres ; saint Matthieu fit un tel éloge de la virginité, invitant ses filles à mourir plutôt qu'à y renoncer, qu'Hirtace se résolut à le faire mourir. Les bourreaux arrivèrent alors que saint Matthieu finissait la messe, ils montèrent à l'autel et le tuèrent.

Le corps de saint Matthieu fut d’abord conservé avec beaucoup de vénération dans la ville de Naddaver où il avait enduré le martyre. En 956, il fut transféré à Salerne, dans le Royaume de Naples. Comme on se trouvait alors souvent en péril de guerre et que l’on craignait que quelqu’un s’emparât furtivement des reliques, on cacha le corps de saint Matthieu dans un endroit secret connu de quelques personnes. Près de cent vingt ans plus tard, sous le pontificat de saint Grégoire VII, on découvrit le caveau secret ce dont le Pape félicita Alfane[8], archevêque de Salerne. De Salerne, le chef de saint Matthieu fut transporté en France et déposé dans la cathédrale de, Beauvais ; une partie de ce chef fut donnée au monastère de la Visitation Sainte-Marie de Chartres. La relique de Beauvais disparut pendant la révolution française (1793).



[1] Saint Marc III 18, saint Luc VI 15, saint Matthieu X 3 et Actes des Apôtres I 13

[2] Capharnaüm (le village de Nahum) aujourd'hui Tell-Hum : ville de Galilée située au nord-ouest du lac de Gennésareth (lac de Tibériade ou mer de Galilée), à quatre kilomètres de l'embouchure du Jourdain dans le lac, qui appartient aux territoires du tétrarque Hérode Antipas. Capharnaüm (aux confins des états d'Hérode Antipas et de d'Hérode Philippe II) est un poste de douane sur la route de la Gaulanitide tenu par le publicain Lévi, fils d'Alphée, le futur apôtre Matthieu (S. Matthieu IX 9, S. Marc II 13-17, S. Luc V 27-32) ; la ville est gardée par une garnison romaine commandée par le centurion du Domine non sum dignus (S. Matthieu VIII 5-13, S. Luc VII 1-10). Au début de sa vie publique, Jésus y établit son centre d'action, y fit de nombreux miracles et y prêcha dans la synagogue. Il vint habiter à Capharnaüm qui est au bord de la mer, dans le territoire de Zabulon et de Nephtali, pour que s'accomplît ce qui avait été annoncé par Isaïe, le prophète, quand il dit : " Pays de Zabulon et pays de Nephtali, chemin de la mer, pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations, le peuple qui était assis dans les ténèbres a vu une grande lumière, et pour ceux qui étaient assis dans le sombre pays de la mort une lumière s'est levée " (S. Matthieu IV 13-16).

[3] Sous aucun régime la levée de l'impôt n'a été un moyen de se concilier la faveur populaire. Les exactions et les vexations dont les publicains se rendaient coupables, n'avaient fait qu'accroître cette impopularité, inhérente à la fonction ; Hérondas affirme que chaque demeure frissonnait de peur à leur vue. Autant du Publicains, autant de voleurs, disait d'eux le comique Xénon, en cela fidèle interprète du sentiment public dans le monde gréco-romain où Lucien les assimilait à ceux qui tenaient des maisons de débauche et Cicéron les appelait les plus vils des hommes. Le monde juif ne pensait pas autrement : la littérature rabbinique associe les publicains, réputés traitres et apostats puisqu'ils violent les observances de pureté légale, aux voleurs et aux meurtriers ; on accole publicains et pécheurs (S. Matthieu IX 10), publicains et païens (S. Matthieu XVIII 17), publicains et prostituées (S. Matthieu XXI 31). Le Talmud leur interdit les fonctions de juges ou de témoins dans les procès. Quand Jean-Baptiste avait commencé à prêcher, plusieurs de ces fonctionnaires de l'impôt étaient allés le trouver pour se faire baptiser : Maître, que devons-nous faire ? lui avait-il demandé. N'exigez rien de plus que la taxe fixée, leur avait-il répondu, laissant clairement entendre que telle n'était pas leur pratique habituelle (S. Luc III 12-13). L'impopularité du métier n'empêchait pas qu'il ne fût fort recherché, la perspective du gain imposant facilement silence aux susceptibilités de l'amour-propre. Avec une souveraine indépendance, Jésus veut se choisir un disciple parmi les membres de cette corporation méprisée.

[4] Capharnaüm, située sur une des routes principales qui reliaient Damas à la Méditerranée et à l'Égypte, elle possédait un bureau où l'on percevait à la fois les droits de douane, d'octroi et de péage. Suivant la méthode pratiquée dans l'empire romain, ces taxes avaient été affermées par Hérode, pour une somme déterminée, à de riches particuliers ou à des compagnies qui se chargeaient de percevoir directement, non sans y ajouter des taxes pour couvrir leurs frais et se ménager un bénéfice. Ces fermiers de l'impôt public avaient reçu le nom de publicains, qui se donnait aussi à leurs agents subalternes (ils étaient appelés portitores à Rome). Ces impôts (portorium ou teloneum) portaient sur les marchandises, les individus et les moyens de transport, hormis ce qui servait à l'armée ou au fisc ; ils étaient levés aux frontières d'un état (douane), à la sortie d'une ville (octroi) et sur des points déterminés de passage comme l'entrée d'une route ou d'un pont (péage).

[5] Saint Marc II 14-15, saint Luc V 27, saint Matthieu IX 9.

[6] Saint Ambroise et saint Paulin de Nole parlent d'une prédication en Perse, d'autres parlent du Pont, de la Syrie, de la Macédoine et même de l'Irlande.

[7] Candace (en grec Kandake, du méroïte Kantake) que les Actes des Apôtres (VIII 27) donnent comme nom à la reine d'Ethiopie, n'est en fait pas un nom, mais un titre attribué aux reines de Méroé, l'Ethiopie des Romains, dont la capitale était Napata (Pline : Histoire naturelle, XVIII 6 ; Strabon : Géographie, XVII, 1, 54).

[8] Alfano I°, archevêque de Salerne, théologien, philosophe, poète, médecin et musicien. Originaire de Salerne, il y étudia la médecine. Il entra au monastére de Sainte-Sophie de Bénévent (1054), puis à celui du Mont-Cassin (1056) où il fit des études classiques et théologiques. Il parut à la cour du pape Victor II, où il se fit remarquer par ses connaissances musicales et médicales. Au Mont-Cassin se trouvaient déjà Fredéric de Lorraine et Didier, ses deux amis, comme lui savants et lettrés. Frédéric étant devenu le pape Étienne IX (1057) et Didier l’abbé du Mont-Cassin, Alfano accepta le siège archiépiscopal de Salerne (1058) et fut consacré par Étienne IX. Sous son épiscopat, l'Église de Salerne fut enrichie de nombreux privilèges par les papes et les princes et reçut de notables accroissements spirituels et matériels : droit pour ses archevêques d'user du pallium, de nommer et de consacrer leurs onze évêques suffragants ; droit de primauté sur les métropoles de Cosenza, Conza et Acerenza. Sous l'épiscopat d'Alfano fut bâtie la cathédrale qui fut dédiée à saint Matthieu, dont on venait de retrouver les restes. L'édifice fut consacré par saint Grégoire VII (1085). L'archevéque réorganisa aussi son chapitre, qui se composa de vingt-huit chanoines, dont vingt-quatre portèrent le titre de cardinaux-prétres, et quatre celui de cardinaux-diacres. Alfano prit part à plusieurs conciles où il se lia d'amitié avec Hildebrand (futur Grégoire VII), dont il partageait les desseins de réforme ecclésiastique, et dont il seconda les efforts dans sa lutte pour la liberté de l'Église. En 1062 ou 1063, il fit, avec l’évêque Bernard de Palestrina, un pèlerinage en Palestine. Il rendit des services diplomatiques aux prin­ces normands qui gouvernaient le sud de l’Italie, et fut peu ou prou mêlé aux grandes affaires de son temps. Lorsque Grégoire VII fut chassé de Rome, Alfano le reçut à Salerne. Alfano mourut le 9 octobre 1085 et fut enseveli dans sa cathédrale, près de son Grégoire VII, mort le 25 mai de la même année. Alfano jouit d'un renom de sainteté, justifié par les pratiques d'une vie austère et bienfaisante. « Il passait le carême sans manger plus de deux fois par semaine et sans reposer sur un lit. Les témoins de sa vie racontèrent sa mort comme celle des saints. On assura qu’il avait vu en songe une échelle qui, du bord de sa couche allait jusqu'au ciel, et que deux jeunes hommes vêtus de blanc l'invitaient à monter. » Parmi les devoirs d'une vie si remplie, Alfano trouva le temps de cultiver la médecine, la philosophie, la poésie, l’éloquence et l’hagiographie, laissant des œuvres dans toutes ces branches du savoir. On conserve encore de lui un sermon sur saint Matthieu.