20 août

Saint Bernard de Clairvaux


Homélie

Lettre



Deuxième homélie, XVII

Qui que vous soyez, si vous comprenez que votre vie, plutôt qu'un voyage en terre ferme, est une navigation, parmi les tempêtes et les tornades, sur les flots mouvants du temps, ne quittez pas des yeux la lumière de cette étoile, afin d'éviter le naufrage. Lorsque vous assaillent les vents de la tentation, lorsque vous voyez paraître les écueils du malheur, regardez l'étoile, invoquez Marie. Si vous êtes ballottés sur les vagues de l'orgueil, de l'ambition, de la calomnie, de la jalousie, regardez l'étoile, invoquez Marie. Si la colère, l'avarice, les séductions charnelles viennent secouer la légère embarcation de votre âme, levez les yeux vers Marie. Si, troublés par l'atrocité de vos crimes, honteux des souillures de votre conscience, épouvantés par la menace du jugement, vous commencez à vous engloutir dans le gouffre de la tristesse et l'abîme du désespoir, pensez à Marie. Dans le péril, l'angoisse, le doute, pensez à Marie.

Saint Bernard de Clairvaux



Lettre de saint Bernard

Je ne vous ai jamais rencontré, mais j'ai entendu parler de vous. Vous avez la réputation d'être un homme sage et vous jouissez d'une position respectée dans le monde. Mais mon cher fils Pierre, qui semble bien vous connaître et qui vous est, je crois, apparenté, m'a demandé de vous écrire ou plutôt de vous répondre, car vous lui avez écrit et j'aurais souhaité que votre lettre fût honorable pour vous et profitable pour lui. Ce n'est pas le cas, car vous avez eu l'audace de dissuader un soldat du Christ du service de son Seigneur. Je vous le dis, il y a quelqu'un qui verra cela et le jugera.

Vos propres péchés ne vous suffisent-ils point que vous deviez encore vous charger de ceux d'un autre en faisant de votre mieux pour inciter un jeune homme repentant à retourner à ses folies et ainsi dans votre cour dur et impénitent pour amasser sur vous la colère pour le jour de la colère ? Comme si le démon ne tentait pas assez Pierre, sans que vous l'aidiez, vous qui êtes supposé être un chrétien, vous, son ami et son guide, vous vous êtes comporté à son égard comme un autre serpent ; mais il ne vous a pas cédé comme une autre Eve : il a été ébranlé, non vaincu par ce que vous avez écrit, car il est bâti sur un roc solide.

Je ne rendrai pas le mal pour le mal, au contraire j'essaierai de triompher du mal par le bien en priant pour vous, en désirant pour vous de meilleures dispositions, et en tentant de les communiquer par ma lettre. Avant tout, afin que vous puissiez être véritablement aussi sage que vous en avez la réputation, je vous renvoie à ces paroles de l'Homme Sage : « Qu'il fasse le bien celui qui le peut, et toi-même si tu le peux ». Vous avez le temps de faire le bien, mais pour combien l'aurez-vous encore ? Combien vous reste-t-il à vivre, spécialement à vous qui êtes un homme âgé ? « Qu'est-ce que la vie, sinon une nuée qui apparaît un instant pour s'évanouir aussitôt ? »

Si vous êtes vraiment sage, cette malédiction ne vous atteindra pas : « Jamais je n'ai vu un insensé assuré dans ses possessions, mais j'ai prophétisé la ruine pour ses beaux projets ». Le vrai sage a bien fait d'appeler insensés les faux sages, car la sagesse de ce monde est folie au regard de Dieu. « Ah, si vous vouliez seulement réfléchir, apprendre votre leçon et songer à vos fins dernières ». Si seulement vous étiez sage dans les choses de Dieu, si seulement vous estimiez à leur juste valeur celles de ce monde et réfléchissiez davantage aux profondeurs des ténèbres, sûrement alors vous les craindriez, vous désireriez ardemment atteindre les hauteurs du ciel et vous mépriseriez ce qui est à portée de votre main. Mon esprit ou plutôt mon âme me suggère encore beaucoup d'autres réflexions, mais jusqu'à ce que j'aie appris par votre réponse comment vous aurez accueilli ce que je vous dis, je m'abstiendrai d'en ajouter davantage. Je ne désire pas devenir ennuyeux pour quelqu'un avec qui j'espére entretenir des relations d'amitié à l'avenir, et que je serais heureux d'aider à faire son salut s'il voulait bien me le permettre. Bien qu'elle n'ait rien fait pour le mériter, je salue votre chère femme dans le Christ.