Fête de la Transfiguration du Seigneur

Evangile (année A)

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Matthieu (XVII 1-9).

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l'écart[1], sur une haute montagne[2]. Il fut transfiguré[3] devant eux[4] ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière[5]. Voici que leur apparurent

Moïse et Elie[6], qui s'entretenaient avec lui[7]. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie[8]. » Il parlait encore, lorsqu'une nuée lumineuse les couvrit de son ombre[9] ; et, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé[10], en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! » Entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre et furent saisis d'une grande frayeur. Jésus s'approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et n'ayez pas peur ! » Levant les yeux, ils ne virent plus que lui, Jésus seul. En descendant de la montagne[11], Jésus leur fit cette défense : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts[12]. »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] « Seuls », insiste l’évangile selon saint Marc (IX 2). L’évangile selon saint Luc (IX 28) dit : « Prenant avec lui Pierre, et Jean et Jacques, il monta dans la montagne pour prier. »

[2] Pour apprendre que tous ceux qui veulent contempler Dieu ne doivent pas s'arrêter dans les jouissance de la terre, mais aspirer aux choses d'en-haut ; qu'il faut chercher Dieu, non dans les bas-fonds de ce siècle, mais dans le royaume de Dieu (saint Rémi d'Auxerre).

[3] Il voulait prémunir ses disciples contre le scandale de la Croix ; et en leur faisant apparaître un rayon de sa gloire cachée, les empêcher d'être troublés par les humiliations de cette Passion à laquelle il se portait volontairement. Avec une sagesse non moins haute, il constituait l'espérance de son Eglise, de façon que le Corps du Christ connût quelle transformation devait se faire en lui, et que les membres se missent à espérer cette gloire dont il disait en parlant des splendeurs de son avènement : Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de mon Père (saint Léon le Grand : sermon LI 3).

[4] L’évangile selon saint Luc dit : « Or, comme il priait » (IX 29)

[5] L’évangile selon saint Marc dit : « ses vêtements devinrent éclatants, d’une blancheur extrême, tels que foulon sur terre ne peut ainsi blanchir » (IX 3).

[6] L’Ancien Testament, la loi et les prophètes, en Moïse et Elie, apparurent aux côtés de Jésus. Jésus s'était réclamé de Moise (saint Jean, V 46), Elie devait frayer la voie au Messie et le signaler à Israël ; l’un et l'autre en apparaissant aux côtés de Jésus montrent la continuité des deux testaments, la subordination de la loi et des prophètes au Christ qui, par son Evangile, vient non les abolir, mais les compléter et réaliser les oracles d'autrefois. Partout où il sera divulgué, ce recit de l'entretien du Christ avec Moïse et Elie contribuera à anéantir les attaques des docteurs contre la doctrine et la mission de Jésus et à effacer aux yeux des autres Juifs le scandale de la croix. Le sujet de l’entretien dont parle saint Luc (parlaient de son départ qu’il allait accomplir à Jérusalem, IX 31) confirme, en outre, cette annonce de la passion qui avait tant scandalisé saint Pierre quelques jours auparavant.

[7] Il voulait leur montrer qu'il avait pouvoir sur la vie et sur la mort, qu'il commandait au ciel et à la terre ; et c'est pour cela qu'il fait venir près de lui celui qui n'était pas encore mort et celui qui était mort depuis tant d'années. Quels beaux exemples apportaient aussi ces deux hommes, pour encourager les apôtres à pratiquer la doctrine qu'il leur avait prêchée, la doctrine du sacrifice ! L'un et l'autre avaient su sacrifier leur vie pour la retrouver. L'un et l'autre avaient su résister avec fermeté et constance aux tyrans, l'un à Pharaon, l'autre à Achaz, et cela pour un peuple ingrat et indocile. Tous deux avaient vécu dans la pauvreté. Tous deux avaient accompli de grands prodiges. Jésus veut les donner en modèle à ceux qu'il établit les chefs du peuple nouveau ; il veut que dans le gouvernement des âmes ils aient le zèle d'Elie et la douceur de Moïse. Sans doute Elie avait fait tomber le feu du ciel sur les prévaricateurs, et un jour ses apôtres s'en souvenant lui diront : Voulez-vous que nous fassions descendre le feu du ciel sur vos adversaires ?Mais il leur rappellera qu'ils sont appelés à une justice plus parfaite (saint Jean Chrysostome : homélie LVI sur l'Evangile selon saint Matthieu, 2).

[8] Il se trompait, car avant de jouir de cette gloire, il faut travailler, il faut pâtir. Si tu étais resté avec ton maître sur la montagne, ô Pierre, les promesses qui t'ont été faites n'auraient pas sorti leur effet ; tu n'aurais pas été l'introducteur au royaume des cieux ; le ciel n'aurait pas été ouvert au larron ; la tyrannie de la mort n'aurait pas été détruite ; l'enfer n'aurait pas rendu sa proie ; les patriarches n'auraient pas été délivrés des enfers ; la nature humaine n'aurait pas été revêtue de l'immortalité. Le Seigneur a pour des desseins plus grands que ceux que tu formes toi-même : il t'a proposé, non à la construction de trois tentes, mais à la construction de l'Eglise universelle. Ce que tu voulais faire, ce sont tes disciples qui le feront et qui construiront sur cette montagne trois temples en l'honneur du Christ, de Moïse et d'Elie (saint Jean Damascène : Homélie sur la Transfiguration, 16).

[9] Voilà que la nuée leur devient à tous quatre une seule demeure (saint Augustin : sermon LXXIX).

[10] C'est ici mon Fils, mon Fils par excellence mon Fils propre, non un fils venant d'une autre nature et rapproché de moi par l'adoption, mais mon vai Fils, né de mon essence, éga1 à moi en tout ; et s'il est une autre personne distincte de celle qui 1'a engendré, le Père qui l'a engendré ne permet pas de penser de lui autre chose de ce que l'on pense du Père lui-même (Saint Léon le Grand : sermon LI 5).

[11] Et maintenant, ô Pierre, toi qui désirais demeurer sur la montagne de la Transfiguration, il faut descendre ; toi qui voulais demeurer dans ce doux repos, il faut prêcher, exhorter, reprendre à temps et à contretemps ; il faut travailler, suer, souffrir ; il faut que par ton travail accompli dans la charité, tu établisses en ton âme cette blancheur et cette beauté qui apparaissent dans les vêtements de ton maître (saint Augustin : sermon LXXVIII 6).

[12] En contrebas de la montagne, au village de Daboûrieh, on conserve, depuis le Moyen-Âge, le souvenir de la parole de Jésus : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts », prononcée alors qu'il descendait du Thabor avec Pierre, Jacques et Jean. À cet endroit fut construite une église, signalée par les pèlerins à partir de la fin du XIIIème siècle et dont subsistent des vestiges.