6 juin Saint Norbert, Biographie Né à Xanten, petite ville de Rhénanie, entre 1080 et 1085, saint Norbert était issu de nobles familles apparentées aux souverains d'Allemagne et de Lorraine. Si son enfance ne nous est point connue, on sait que sa jeunesse fut mondaine et dissipée, encore qu’il fit d'assez sérieuses études qu'il complètera d'ailleurs après sa conversion. Cadet, il reçut une prébende canoniale à Xanten dont il ne remplit pas les obligations, et c’est par ambition qu’il reçoit le sous-diaconat. D’abord au palais de l’archevêque de Cologne, il ne tarda pas à gagner la cour où sa prestance et sa belle mine lui valent le meilleur accueil. Chapelain de l'empereur, Norbert accompagne Henri V à Rome (1111) où sa conscience se révolte quand l'empereur extorque au pape prisonnier l'investiture des évêques par la crosse et l'anneau. S’il refuse l'archevêché de Cambrai que lui offre l'empereur, il ne se résignera que peu à peu à quitter la cour et à rompre avec le prince excommunié. Vers 1115, comme il gagne Wreden, en Westphalie, à cheval et suivi d'un écuyer, un épouvantable orage le surprend, la foudre le terrasse. Il rentre aussitôt à Xanten où, désormais, il se contentera d'une petite cellule donnant sur le cloître, pour se livrer à la prière et à la mortification. Pendant trois ans, il ne quitte sa cellule que pour aller solliciter les avis du bénédictin Conon, abbé de Siegburg. Sous les pelisses et les fourrures de son habit, il cache le cilice. Lors de son ordination sacerdotale (Cologne, à la Noël 1115), il dépouille solennellement ses habits précieux et revêt un simple habit de peaux d'agneaux, puis, avant de célébrer sa première messe, fait une retraite de quarante jours à Siegburg. Dès sa première messe, il prêche le néant du monde et de ses richesses, faisant sentir à ses confrères chanoines l'inconvenance de leur conduite et de leur faste, ce qui lui vaut tant d’insultes et de railleries qu’il doit se confiner dans sa cellule. Il marche pieds nus, vêtu d'un manteau de pénitent, il jeûne tous les jours, sauf le dimanche. Outre de fréquents séjours à Siegburg et chez les chanoines réguliers de Rolduc, près de Maëstricht, il visite souvent l’ermite Ludolphe. Il s'aménage une grotte, plus propice à la méditation des Écritures et à la prière que sa cellule canoniale. Ses prédications jointes à une certaine excentricité, lui attirent de solides ennemis qui le défèrent au concile national de Fritzlar (1118) où il est accusé de prêcher sans mandat, de trop attaquer le clergé dans ses diatribes et de vivre en moine sans être agrégé à une communauté. Il n'a pas de peine à se disculper mais décide de quitter Xanten. Aussi se dépouille-t-il de son bénéfice et de sa fortune, ne se réservant qu'une maigre somme, une mule pour ses pérégrinations et une chapelle pour la célébration de la messe ; il donne la plus grande part de ses biens au monastère de Fürstenberg que desservi par les moines de Siegburg. Aux chanoines, il laisse un beau calice. Pour lui, il part pieds nus, accompagné de deux serviteurs qui n'avaient pas voulu abandonner leur maître. La première étape fut Huy, sur la Meuse, entre Liège et Namur, où il apprit que le pape Gélase II avait dû fuir devant l'antipape créé par Henri V. Il part alors rejoindre le pape fugitif Saint-Gilles-en-Provence. Se trouvant encore trop riche, il se dessaisit de sa mule et du peu d'argent qui lui restait. Il traverse la France et veint se jeter aux pieds du pape qui veut le garder auprès de lui mais Norbert craignant de retrouver les dangers qu'il avait déjà connus dans les cours séculières, obtient qu'on le laisse partir. Le pape lui accorde le pouvoir de prêcher dans toutes les limites de l'Église romaine. Comme Norbert ne parle guère les langues romanes, il regagne les pays germaniques. Aux Rameaux, à Valenciennes, il prêche la Rédemption et se fait miraculeusement comprendre de ses auditeurs de langue d'oïl. Il tombe malade avec ses deux serviteurs qui succombent au mal et Norbert, après les avoir soignés, leur ferme les yeux et pourvoit à leur sépulture. L'archevêque de Cambrai, Burchard, que Norbert a bien connu à la cour impériale, fait alors une visite pastorale à Valenciennes et son chapelain, Hugues de Fosses, tombe sous le charme de Norbert qu’il suit. Ils parcourent ensemble le Hainaut et le Brabant, appelant à la pénitence, à la justice, à la charité et au pardon des injures. Ils n'acceptent aucune rétribution, se contentent de l'hospitalité et d'une maigre pitance. Le surplus des offrandes de l'autel était distribué aux pauvres. On sait combien les cités du Moyen-Àge étaient divisées : c'était l'époque où l'Église instituait la trêve de Dieu. Partout, le passage de Norbert amène les réconciliations et le surnom d'Angelus pacis lui reste. En octobre 1119, Norbert est à Reims où Calixte II vient de réunir un concile. L'affluence est telle que Norbert renonce à saluer le nouveau pape quand Barthélemy de Joux, évêque de Laon et parent du pape, vient le chercher pour le présenter et lui obtenir le renouvellement des pouvoirs concédés par Gélase II. Avec Barthélemy de Joux, Norbert gagne Laon, ville alors célèbre par ses écoles où il perfectionne ses connaissances de dialectique, de grammaire et de théologie. Lorsque Calixte II visite Laon, il demande à Norbert de prendre la tête des chanoines réguliers de l'abbaye Saint-Martin de Laon que l’évêque veut réformer. Après quelques échecs, Norbert veut reprendre sa liberté pour chercher une voie conciliable avec sa vocation apostolique, mais Barthélemy de Joux qui entend le garder dans son diocèse, le conduit près de Coucy-le-Château, dans une clairière jadis essartée par les moines de Saint-Vincent de Laon où, après une nuit de prières, Norbert décide de s'établir (1120). Le nouvel ordre va rivaliser avec Cîteaux et saint Norbert apparaîtra comme l'émule de saint Bernard. Prémontré est-il une allusion à la vision que Norbert eut durant la nuit qu'il passa en prière, ou bien cette clairière portait-elle déjà ce nom ? Il est difficile d'en décider. En tout cas, aussitôt son dessein arrêté, le saint se met en devoir de le réaliser. Il passe l'hiver confiné dans une modeste cellule, mais aux beaux jours il prêche à Laon et dans les provinces du Nord : sa parole enflammée conquit de nombreux adeptes à son nouveau genre de vie et quand il rentre à Prémontré, il est accompagné de quarante disciples. Il n'est pas facile de préciser le dessein du fondateur qui a été arraché à son œuvre dès 1126 pour être placé sur le siège épiscopal de Magdebourg. Le travail d'organisation est l'œuvre de son successeur, Hugues de Fosses, qui s'inspire beaucoup des us de Cîteaux et de la charte de charité. On sait les liens étroits qui unissent Cîteaux et Prémontré, Bernard et Norbert, ce qui a déterminé les emprunts de Hugues. Norbert sollicité tout à la fois par la vie bénédictine à Siegburg, la vie érémitique et la vie canoniale à Rolduc ; c'est cette dernière forme et la règle de saint Augustin, qu'il adopte, avec beaucoup de réminiscences monastiques. Son attrait pour la vie érémitique détermine son choix du site sauvage et écarté de Prémontré. Celui-ci, dans l'esprit du fondateur est une pépinière de missionnaires pour régénérer le clergé et évangéliser le peuple. De nombreuses filiales sont créées : la première est Floreffe, près de Namur. En 1124, ce fut Anvers, fief de l'hérétique Tanchelin que les disciples du saint défient. L'extension prend les proportions de celles de Cîteaux et, du vivant d'Hugues de Fosses, premier successeur de Norbert, on compte une centaine de monastères répartis en vingt-neuf circaries ou provinces. Parmi les postulants figurent les plus grands noms, tel Godefroy de Cappenberg, riche seigneur westphalien, qui légue son château pour en faire un monastère, entraîne au cloître son frère, sa femme et ses deux sœurs qui fondent à leur tour d'autres abbayes. Thibaut, comte de Champagne, sollicite son admission à Prémontré, mais Norbert le renvoie dans le monde, le marie à la nièce de l’évêque de Ratisbonne, mais crée à son intention le tiers ordre. À l'ordre proprement dit s'ajoute de bonne heure, une branche féminine, qui faisait de Prémontré un monastère double ; plus tard, les norbertines vécurent dans des monastères isolés et s'adonnèrent à la vie contemplative, selon l'esprit de leur fondateur. En 1124, comme deux légats du pape sont à Noyon, Norbert obtient leur approbation, puis il part pour Rome (1125), par la Champagne, la Lorraine, l'Alsace et l'Allemagne. À la mi-février 1126, il obtient d'Honorius II la bulle laudative. Il revient par la même route pendant le Carême, sans s'octroyer aucune dispense du jeûne ; accueilli en Lorraine, près de Pont-à-Mousson, par le duc en personne qui lui donne un terrain pour fonder un monastère, Sainte-Marie-au-Bois. Prémontré le revoit ensuite, mais pour peu de temps, car Thibaut de Champagne le supplie de venir avec lui au devant de sa fiancée. Le saint doit accéder à sa demande et quitte, définitivement cette fois, ses frères, en leur laissant une sorte de testament spirituel, où il les exhorte à la pratique de toutes les vertus monastiques et surtout de la charité envers les pauvres. La fiancée n’étant pas au lieu de rendez-vous, Thibaut conjure Norbert de pousser jusqu'à Ratisbonne et c’est ainsi qu’il se trouve à Spire où se tient la diète du Saint-Empire à laquelle les habitants de Magdebourg ont déféré le cas litigieux de l'élection de leur nouvel archevêque. Bientôt le nom de Norbert est prononcé et rallie tous les suffrages que ratifient les légats et l'empereur. Le 18 juillet 1126 Norbert, pieds nus, fait son entrée solennelle à Magdebourg où il est sacré huit jours plus tard. Il donne sa démission d'abbé de Prémontré et invite ses fils à faire choix d'Hugues de Fosses pour son successeur. Dans l'administration de son diocèse de Magdebourg, le succès vient assez rapidement, cependant, Atticus, archidiacre intrigant et ambitieux, qui avait fort profité de la vacance épiscopale, soudoie des assassins pour tuer le saint prélat, puis fomente une sédition contre lui. Pour se soustraire à la fureur populaire Norbert se réfugie au manoir épiscopal de Gevenkenstein, d'où il lance l'interdit sur les rebelles qui, peu à peu, se calment ; au bout de six semaines l'évêque put rentrer à Magdebourg (1129). Norbert qui a installé ses fils dans la collégiale de Sainte-Marie, leur confie l'administration de l'Hôtel-Dieu et les engage dans l'évangélisation des Wendes qui occupent le nord de son diocèse qu’ils pillent à intervalles réguliers et qu’avec le secours de l'empereur Lothaire, il avait vaincu en 1127. L'élection du successeur d'Honorius II met en présence deux concurrents, Anaclet II et Innocent II. Tandis que le premier s'installae à Rome, Innocent est reconnu par la France, au concile d'Étampes, grâce à saint Bernard et à Pierre le Vénérable. Le fondateur de Prémontré, d’accord avec les abbés de Clairvaux et de Cluny, rallie l'empereur et l'Allemagne au pape légitime qui décide une intervention armée pour le ramener à Rome. Norbert est chargé d’en avertir le pape qui tient un concile à Reims. Le saint accompagne l'empereur dans son expédition, tandis que saint Bernard accompagne le pape. On se retrouve à Rome où Lothaire est sacré à Saint-Jean-de-Latran. Norbert reçoit le pallium et le titre de chancelier de l'Empire, par suite de la vacance du siège de Cologne, mais sa santé est irrémédiablement atteinte. Il rentre pour le Carême et peut encore célébrer, le jeudi saint, pour consacrer le saint chrême, et à Pâques, mais au prix d'efforts inouïs. À la Pentecôte, il reçoit le saint viatique et meurt peu après, dans la nuit du 5 au 6 juin 1134. Saint Norbert avait exprimé maintes fois le désir de reposer parmi ses fils dans la collégiale Sainte-Marie de Magdebourg où il fut déposé. De nombreux prodiges s'accomplirent à son tombeau, que les chanoines norbertins consignèrent dans le registre des miracles. Ces faits et le renom de sainteté de Norbert déterminèrent à solliciter sa canonisation en 1200, mais sans résultat. Il ne semble pas qu'il y ait un culte officiel avant le XVIème siècle. En 1582, à la demande du chapitre général des Prémontrés qui faisait état de son nom dans plusieurs martyrologes, le pape Grégoire XIII autorisa l'ordre à le célébrer, sous le rite double, avec octave, le 6 juin. La fête fut reportée, dans l'ordre de Prémontré, au 11 juillet, à cause de l'occurrence des fêtes de la Pentecôte et du Saint-Sacrement avec leurs octaves. En 1621, la fête était étendue à l'Église universelle, à la date du 6 juin. Depuis 1540, le luthéranisme avait expulsé les Prémontrés de Magdebourg. Après plusieurs tentatives infructueuses, l'abbé de Strahor, en Bohême, réussit à obtenir les reliques du saint et à les emporter dans son monastère (1627), où il repose encore.
|