Solennité de la Saint Joseph

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Matthieu (I 16, 18-21 & 24).

Jacob engendra Joseph[1], l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ.

Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph[2] ; or, avant qu'ils eussent habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste[3], ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret[4].

Il avait formé ce projet, lorsque l'Ange du Seigneur lui apparut en songe[5] et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint[6]i> ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire : le-Seigneur-sauve)[7], car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Tout cela arriva pour que s'accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète : « Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel, qui se traduit : Dieu-avec-nous[8]. » Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l'Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse[9].


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Et maintenant, si vous voulez connaître la place que saint Joseph occupe dans l'Eglise, rappelez-vous que c'est sous le couvert de cet homme choisi spécialement pour cela par Dieu, que Jésus a été amené à ce monde avec toutes les convenances nécessaires. Si l'Eglise doit de la reconnaissance à Marie pour lui avoir donné Jésus, après Marie, c'est à saint Joseph que l'Eglise doit le plus de reconnaissance pour ce don ineffable. Saint Joseph est le terme de l'Ancien Testament. En lui, la dignité des patriarches et des prophètes possède le fruit promis pendant si longtemps (saint Bernardin de Sienne : Saint Joseph (II 3).

Si vous voulez savoir quel homme a été saint Joseph, souvenez-vous de ce patriarche Joseph dont il a porté le nom et possédé les vertus. Le premier, poursuivi par l'envie de ses frères, vendu, conduit en Egypte, figurait la trahison qui devait être commise envers le Christ : celui-ci, fuyant la jalousie d'Hérode, porta le Christ en Egypte. Le premier, gardant à son maître une fidélité inviolable, ne voulut point toucher la femme de ce maître : celui-ci, connaissant la vertu de la mère de son Seigneur, lui servit de protecteur. Le premier eut l'intelligence des songes ; celui-ci eut la révélation et la participation des plus hauts mystères. Le premier sut conserver le froment non seulement pour lui, mais pour tout le peuple ; celui-ci eut la garde du pain de vie, descendu du ciel pour lui et pour le monde entier.Il lui a donc été donné de voir celui que beaucoup de rois et de prophètes avaient désiré voir et entendre, et n'avaient ni vu ni entendu ; et non seulement de le voir et de l'entendre, mais encore de le porter, de le conduire, de la baiser, de l'embrasser, de le nourrir et de le garder (saint Bernard : homélie II Missus est,16).

[2] Il fallait donc que la bienheureuse Marie eut un époux qui fût le témoin le plus assuré de son intégrité et le nourricier très fidèle de notre Seigneur et Sauveur ; pour cet enfant, il apporterait au Temple les victimes exigées par la loi ; au moment de la persécution, il l'emporterait en Egypte avec sa mère et l'en ramènerait, enfin il lui procurerait bien d'autres services exigés par la fragilité de la nature assumée (saint Bède le Vénérable

[3] Profondément enraciné dans la spiritualité juive, le mot juste évoque la droiture morale, l'attachement sincère à la pratique de la loi, l'affectivité religieuse totalement tournée vers Dieu.

[4] Mais comment est-il juste s'il refuse de juger le cas de son épouse ? Il semble que ce soit là de la pitié et non de la justice. Il faut nous souvenir que, devant Dieu, s'il n'y a pas de vraie bonté sans la justice, il n'y a pas non plus de vraie justice sans la bonté. Ces vertus quand elles ne sont plus unies, ne peuvent se tenir debout : la justice sans la bonté est cruauté. Agissons de même quand nous sommes dans le trouble, quand les apparences indiquent une faute et que nous ignorons cependant ce qui est dans la réalité : suspendons notre jugement, éloignons les pensées de vengeance et confions tout à Dieu, de peur qu'en condamnant un innocent, nous nous préparions une condamnation semblable (saint Pierre Chrysologue : sermon CXLV).

Cette perplexité dans laquelle il se trouve est déjà un témoignage rendu à Marie : Joseph connaissait sa vertu, il commence à soupçonner un mystère qu'il ne peut pénétrer, et il veut devant ce mystère se retrancher dans le silence.

(saint Jérôme : Contre Helvidius, XIX).

[5] Pourquoi l'Ange ne vient-il pas plus tôt, par exemple avant cette conception miraculeuse ? Craignait-il qu’il y eût en ce juste, pour un mystère si haut, la même incrédulité qu'en Zacharie. Préparé par l’angoisse, il devait mieux accueillir le message. Et le témoignage qu'il rendrait à la vertu de son épouse, appuyé sur son angoisse, devait en avoir plus de poids. Il était apparu en réalité à Zacharie et à Marie qui devaient avoir une part plus directe dans le mystère. C'est aussi en ce mode que les anges apparaîtront aux bergers : c'étaient des natures plus grossières qui avaient besoin d'être plus fortement frappées. A Joseph une apparition en songe suffit : c'était un homme fidèle (saint Jean Chrysostome : homélie IV sur l'évangile selon saint Matthieu).

[6] C'est Dieu lui-même qui la lui donne, mais pour garder sa virginité et non pour la déflorer, comme plus tard elle devait être donnée à Jean. Et après lui avoir enlevé ses craintes, il veut à la place des craintes mettre des joies, et quelles joies ! Ce qui est né en elle est du Saint-Esprit. C'est là une chose qui surpasse toute pensée humaine, comme elle surpasse toutes les lois de la nature. Comment cet homme, transporté tout à coup dans des horizons nouveaux, pourra-t-il croire à la révélation qui lui en est faite ? L'Ange appuie sa parole sur la révélation du passé, y joignant celle de l'avenir. Il lui révèle ses pensées, ses craintes, ses angoisses, ce qu'il méditait de faire : et il lui révèle aussi ce qui va arriver : Elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. Bien que cet enfant ait été formé par l'Esprit Saint, tu ne demeureras pas étranger à l'économie de ce mystère : bien que tu n'aies eu aucune part à sa naissance, tu auras à son égard les droits d'un père ; tu lui donneras son nom, tu auras pour lui des soins paternels. Toutefois, il lui fait entendre que cet enfant aura une plus haute destination que de lui appartenir ; il ne dit point elle te donnera, comme on le dit dans les naissances ordinaires, mais d'une façon indéterminée, elle enfantera. Elle ne l'a pas enfanté pour lui, mais pour le monde entier. Et pour établir que cet enfantement est surnaturel, le nom qui sera donné à l'enfant est apporté du ciel : ce nom sera un trésor de tous les biens. Il ne délivrera point son peuple de calamités temporelles, il ne le délivrera point des barbares : il le sauvera de calamités plus effroyables, il le sauvera du péché : et par là il affirme sa grandeur divine ; car qui peut sauver du péché, si ce n'est Dieu ? Il a dit son peuple : il est facile de comprendre que dans ce peuple il enferme tous ceux qui accepteront sa doctrine (saint Jean Chrysostome : homélie IV sur l'évangile selon saint Matthieu).

[7] Le nom de Jésus fut imposé au Sauveur par Dieu, par l'Ange, par la Vierge Marie et par Joseph : Dieu indique le nom, l'Ange vient l'annoncer, la Vierge l'impose, c'est Joseph qui le donne. Par l'imposition de ce nom, Joseph révèle au monde le secret céleste ; il tient la place du Père qui est dans les cieux ; il annonce l'accomplissement du mystère qui avait été prédit si longtemps : il est vraiment l'associé de la glorieuse reine son épouse (Isidore d'Isolanis : Summa de donis S. Joseph, XI).

[8] Eh bien, le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils et on l'appellera Emmanuel. De crème et de miel il se nourrira, et il saura rejeter le mal et choisir le bien (...) elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te font trembler (Isaïe, VII 14-16).

[9] Joseph n'eut aucune part dans la naissance de Jésus, si ce n'est par le service et l’affection. C'est à cause de ce service fidèle que l'Ecriture lui donne le nom de Père (Origène : Leviticum XII 4).