Fête du Baptême du Seigneur

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Marc (I 7-11).

Jean-Baptiste proclamait dans le désert[1] : « Voici venir derrière moi[2] celui qui est plus puissant que moi[3]. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales[4]. Moi, je vous ai baptisés dans l'eau[5] ; lui vous baptisera dans l'Esprit Saint[6]. »

Or, à cette époque, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée[7], et se fit baptiser[8] par Jean dans le Jourdain[9]. Au moment où il sortait de l'eau, Jésus vit le ciel se déchirer[10] et l'Esprit descendre sur lui[11] comme une colombe[12]. Du ciel[13], une voix se fit entendre : « C'est toi mon Fils bien-aimé[14] ; en toi j'ai mis tout mon amour.[15] »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] « Voici que j'envoie mon messager devant toi, pour préparer ta route. A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. » Et Jean le Baptiste parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés (Evangile selon saint Marc, I 2-4).

Consolez, consolez mon peuple. Parlez au cœur de Jérusalem et proclamez que son service est accompli, que son crime est pardonné, et qu'elle a reçu de la main du Seigneur double punition pour toutes ses fautes. Une voix proclame : « Préparez à travers le désert le chemin du Seigneur. Tracez dans les terres arides une route aplanie pour notre Dieu. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées, les passages tortueux deviendront droits et les escarpements seront changés en plaine. Alors la gloire du Seigneur se révélera et tous en même temps verront que la bouche du Seigneur a parlé » (Isaïe, XL 3-5).

Désert : erèmos, lieu vide et délaissé, région quasi inhabitée, sorte de garrigue inculte. Le désert est un lieu privilégié de rencontre avec Dieu (évangile selon saint Marc, I 35 ; VI 31, VI 35), une région solitaire et dangereuse (II Corinthiens, XI 26 ; Hébreux, XI 38) où errent les démons (évangile selon saint Matthieu, XII 43 ; évangile selon saint Luc, VIII 29), lieu de refuge (Actes des Apôtres, XXI 38), d'épreuves (évangile selon saint Matthieu, IV 11 ; évangile selon saint Marc, I 13 ; évangile selon saint Luc, IV 2) et de prière (évangile selon saint Marc, I 35 ; évangile selon saint Marc, VI 31 ; évangile selon saint Marc, VI 35 ; évangile selon saint Luc, V 16).

Il avait dû se former au désert, celui qui devait venir dans la vertu et l’esprit d’Elie ; il avait dû se séparer de tout commerce avec les hommes, afin de se séparer de leurs erreurs et de leurs préjugés, et d’être tout entier à la contemplation des choses invisibles. Et parce que toutes ses pensées et ses désirs étaient tournés vers Dieu, il arriva à posséder la grâce plus que tous les autres prophètes (saint Grégoire de Nysse : De virginitate, VI).

[2] Le baptême de Jean préparait à la grâce de trois façons : par l’enseignement qui l’accompagnait et qui préparait les hommes à la foi du Christ ; par l’idée qu’il donnait du baptême du Christ ; par la pénitence qui préparait les hommes à recevoir l’effet du baptême du Christ (saint Thomas d’Aquin : « Somme Théologique », III° partie, question 38).

[3] Le rôle des prophètes était d’éloigner du péché ; le rôle propre du Christ était de sauver ceux qui croiraient en lui (saint Hilaire : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, II 2).

Jean indiquait nettement qu’il n’était pas le Christ, puisqu’il ne conférait qu’un rite extérieur. L’homme étant composé d’un corps et d’une âme, il faut, pour sa sanctification, un rite extérieur et une vertu spirituelle. Pendant que le corps est lavé avec l’eau, les fautes de l’âme sont purifiées par l’Esprit. Et c’est pourquoi, pendant que nous accomplissons un rite extérieur, nous invoquons une grâce supérieure. C’est pourquoi, autre fut le baptême de pénitence, autre fut le baptême de la grâce : celui-là n’avait que l’élément matériel, celui-ci réunit les deux éléments. En s’attribuant le baptême de pénitence, Jean déclarait non seulement par ses paroles, mais par son œuvre qu’il n’était point le Christ. Faire pénitence de ses fautes, c’est l’œuvre de l’homme; faire descendre la grâce, c’est la part de Dieu (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, II 79).

[4] Il était si grand qu’il pouvait passer pour le Christ ; certains le croyaient. Il n’avait pas à propager cette idée, il n’avait qu’à l’accepter (...) Il préférera rendre témoignage au Christ, s’humilier devant le Christ, que de passer pour le Christ (...) Et, à cause de cela, il est le plus grand des prophètes, parce qu’il reconnut et montra le Christ (…) Il s’humilia devant celui qui était grand pour être exalté par celui qui était vraiment grand. Prophète, il mérita d’être annoncé par les prophètes (saint Augustin : sermon CCLXXXVIII, 2).

[5] En Israël, on connaît l’immersion comme moyen de purification légale ; le Lévitique la commande pour la purification du lépreux guéri (XIV 8), et pour l’effacement de l’impureté sexuelle (XV 16-18) ; le Livre des Nombres l’ordonne pour laver l’impureté après l’attouchement d’un cadavre (XIX 19). Aux prescriptions de la Loi, les scribes ont ajouté d’autres bains qui opèrent une pureté légale mais sans aucun caractère directement moral, même s’ils font passer du domaine profane au domaine sacré ou inversement. Des bassins d’eau pure ou des piscines rituelles permettent de se purifier. Le baptême de Jean diffèrent des rites pharisiens parce qu’il est conféré sous le signe de la conversion morale, reprenant l’essentiel de la prédication de l’Ancien Testament pour la placer dans la perspective du Royaume de Dieu qui approche. Quelques paroles prophétiques ont déjà exprimé le symbolisme du bain de l’eau en vue de la purification intérieure (Psaume LI 9 ; Isaïe, I 16 ; Ezéchiel, XXXVI 25 ; Zacharie, XIII 1). Le baptême de Jean qui est appelé « un baptême pour la rémission des péchés », annonce déjà le salut en se substituant, en quelque sorte, aux rites de pardon de l’Ancienne Alliance. Le baptême de Jean s’accompagne nécessairement d’une orientation morale (charité, justice, droiture) ; elle prépare la venue du Royaume de Dieu, non point seulement dans l’histoire générale, mais surtout dans le cœur de chacun, changé par la conversion. Le baptême de Jean ne donne la purification intérieure que dans la mesure où Dieu accepte les dispositions intérieures de celui qui le reçoit. « Le baptême de Jean préparait à la grâce de trois façons : par l’enseignement qui l’accompagnait et qui préparait les hommes à la foi du Christ ; par l’idée qu’il donnait du baptême du Christ ; par la pénitence qui préparait les hommes à recevoir l’effet du baptême du Christ » (saint Thomas d’Aquin : « Somme Théologique », III° partie, question 38).

[6] Vous serez tous imprégnés du Saint-Esprit : tandis que l’eau ne lave que l’extérieur, le Saint-Esprit, comme le feu, pénétrera au plus intime de vous-mêmes, il détruira tout ce qui est mauvais (saint Jean Chrysostome : homélie XI sur l’évangile selon saint Matthieu, 4).

[7] Dans l'apparente division géographique de saint Marc qui, de fait, est une division théologique, la Galilée (pays de l'Evangile) est opposée à Jérusalem (pays du refus) ; le pays des Juifs (opposition à Jésus) est opposé au pays païen - l'une et l'autre rive du lac de Tibériade -. Nazareth (en grec Nazara) qui n’est pas mentionné dans l’Ancien Testament, est un village de Galilée situé à vingt-quatre kilomètres au sud-ouest de Tibériade.

[8] Parce que notre Seigneur était venu donner le baptême nouveau pour le salut du genre humain et la rémission de tous les péchés, lui-même a voulu être baptisé le premier, non pour dépouiller le péché, puisqu’il n’avait pas commis de péché, mais pour sanctifier les eaux du baptême afin de détruire les péchés de tous les croyants renés par le baptême. Lui, le Seigneur, fut donc baptisé dans l’eau pour que, par le baptême, nous soyons lavés de tous nos péchés (saint Chromace d’Aquilée : sermon XXXIV pour l’Epiphanie, 157).

[9] Le Jourdain qui seul véritable fleuve de la Palestine, court sur quelques 250 kilomètres, en raison de ses nombreux méandres. Il prend sa source au pied de l’Hermon où il se forme de trois petits cours d’eau (le Nahr Banijas, le Nahr el Leddan et le Nahr el Hasbani) ; après avoir traversé le lac Mérom (le lac Houlé), il traverse le lac de Tibériade, et va se jeter dans la mer Morte. Les trois principaux affluents du Jourdain, sur la rive gauche, sont le Yarmouk, le Ouadi Yabis et le Jabbok. Le Jourdain naît à plus 45 mètres au-dessus du niveau de la mer, pour finir à moins 390 mètres au-dessous ; son débit est de 95 mètres cubes par seconde.

Le nom Jourdain semble dériver de la racine hébraïque « yrd » qui signifie « descendre » : « Le nom de Jourdain signifie : celui qui descend. Le fleuve de Dieu qui descend avec la puissance d’un flot abondant, c’est le Sauveur, Notre Seigneur, en qui nous sommes baptisés dans l’eau véritable, dans l’eau du salut » (Origène : vingt-et-unième homélie sur l’évangile selon saint Luc).

L’évangile dit que Jean baptisait à Bethanie de Transjordanie (évangile selon saint Jean, I 28), site dont on a perdu la trace, mais que l’on situe à vingt-cinq kilomètres au nord de la mer Morte, sur la rive gauche du Jourdain, en Pérée (partie de Transjordanie située entre Pella et Machéronte) ; d’aucuns pensent qu’à cet endroit, sous la conduite de Josué, les tribus passèrent le fleuve pour entrer dans la terre promise (Josué, I 2, II 7-10, III 1-17 & XXIV 11). « Josué est celui qui reçut le commandement après la mort de Moise : une fois que Moise eut disparu, Josué prit le commandement ; une fois que la Loi ancienne fut abrogée, régna le véritable Jésus. Ainsi en atteste l'Evangile : ‘ Jusqu'à Jean ce furent la Loi et les prophètes ; depuis lors le royaume de Dieu est annoncé ’ (évangile selon saint Luc, XVI 16) … Quand Moïse fit sortir le peuple de la terre d'Egypte, aucun ordre ne fut respecté dans le peuple, aucune règle ne fut observée par des prêtres ; ils traversent l'eau de la mer, une eau salée, pleine d'amertume ; ils arrivent dans un désert, et durant quarante ans le peuple y est éprouvé, en butte à la souffrance ; il n'est pas seulement éprouvé, mais à cause de ses récriminations constantes il est même anéanti dans cette immensité désertique, ne méritant pas, pour ce qui est de la première génération, d'entrer dans la Terre de la promesse. Voilà ce qui arriva sous Moïse, c'est-à-dire sous la Loi. Mais quand Josué, figure du Sauveur, fit sortir la multitude, une lecture attentive vous fera voir quels sont les faits qui à l'époque renvoient déjà au peuple chrétien. Les prêtres marchent en tête, l’arche de l'alliance est portée par des prêtres sur leurs épaules. Point de mer, point d'eau salée en perspective ; sous la conduite de Josué, on va vers le Jourdain. La traversée ne se fait pas dans le désordre et la violence, comme jadis la mer Rouge, et ce n’est pas une fuite angoissée : c'est l’entrée, sous la conduite de Josué et avec les prêtres, dans le Jourdain, dans une eau douce et délectable. On n’observe pas un silence furtif, mais on fait sonner des trompettes qui jouent une musique mystérieuse et divine. C’est ainsi qu'à l'annonce de la trompette céleste, suivant Jésus à traver les eaux du Jourdain, à travers le sacrement du baptême, le peuple méritera d'entrer dans la Terre de la promesse, c'est-à-dire dans la béatitude de la vie éternelle » (saint Césaire d’Arles : sermon CXVI).

[10] Les cieux s’ouvrirent pour que vous sachiez que, par le baptême, le ciel s’ouvre pour vous, que Dieu vous appelle à la patrie céleste et que vous ne devez plus avoir rien de commun avec la terre (saint Jean Chrysostome : homélie XII sur l’évangile selon saint Matthieu, 2).

[11] Si l’Esprit Saint descendit sur lui à son baptême, c’était pour le manifester, et non parce qu’il en avait besoin. C’était aussi afin de nous montrer que les dons du Saint-Esprit avaient leur terme et leur centre en lui. Et, en effet, après Jésus-Christ, la prophétie s’arrête, et c’est de Jésus-Christ que procèdent toutes les grâces qui sont répandues sur les fidèles, dans la mesure qu’il détermine lui-même (saint Justin : Dialogue avec Tryphon).

Tandis que l’eau ne lave que l’extérieur, le Saint-Esprit, comme le feu, pénétrera au plus intime de vous-mêmes, il détruira tout ce qui est mauvais (saint Jean Chrysostome : homélie XI sur l’évangile selon saint Matthieu, 4).

[12] C’était la colombe qui, au jour du Déluge, avait apporté à Noé le rameau d’olivier, annonçant la paix à la terre ; c’est la colombe qui aujourd’hui annonce le vrai libérateur. Elle ne vient plus pour faire sortir une famille de l’arche, mais pour conduire au ciel toute la famille humaine ; au lieu du rameau d’olivier, elle apporte aux hommes l’adoption divine. N’abandonnons jamais la colombe pour suivre le serpent (Saint Jean Chrysostome).

[13] Les cieux s’ouvrirent pour que vous sachiez que, par le baptême, le ciel s’ouvre pour vous, que Dieu vous appelle à la patrie céleste et que vous ne devez plus avoir rien de commun avec la terre (saint Jean Chrysostome : homélie XII sur l’évangile selon saint Matthieu, 2).

[14] Ce n’est plus l’enfantement virginal annoncé par l’Ange, ni l’étoile conduisant les mages, ni les adorations rendues à l’enfant au berceau, ni le témoignage de celui qui baptise, ni la vertu du baptisé qui nous le révèlent : c’est le Père lui-même, parlant du haut du ciel, et disant « Celui-ci est mon Fils. » Son nom, son nom propre, c’est celui-là, « mon Fils » ; j’ai pu donner ce nom comme surnom à d’autres qui avaient déjà leur nom : son nom propre, c’est celui-là, « mon Fils » (saint Hilaire de Poitiers : De Trinitate).

[15] Ce n’est plus l’enfantement virginal annoncé par l’Ange, ni l’étoile conduisant les mages, ni les adorations rendues à l’enfant au berceau, ni le témoignage de celui qui baptise, ni la vertu du baptisé qui nous le révèlent : c’est le Père lui-même, parlant du haut du ciel, et disant « Celui-ci est mon Fils. » Son nom, son nom propre, c’est celui-là, « mon Fils » ; j’ai pu donner ce nom comme surnom à d’autres qui avaient déjà leur nom : son nom propre, c’est celui-là, « mon Fils » (saint Hilaire de Poitiers : « De Trinitate »).

Tout cela s'est passé à Béthanie-de-Transjordanie, à l'endroit où Jean baptisait (Saint Jean, I 28). Et Jean témoigna, en disant : « J'ai vu l'Esprit descendre, comme une colombe, venant du ciel, et il est demeuré sur lui » (Saint Jean, I 32).