Dimanche des Rameaux

Evangile pour la bénédiction des rameaux

Evangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Marc (XI 1-10).

Quelques jours avant la fête de la Pâque, Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem, arrivèrent à Bethphagé[1], sur les pentes du mont des Oliviers[2]. Alors Jésus envoya deux disciples : « Allez au village qui est en face de vous[3] ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et un petit âne avec elle, sur lequel aucun homme ne s’est encore assis. Détachez-la et amenez-les-moi. Et si l'on vous dit quelque chose, vous répondrez : le Seigneur en a besoin mais il les renverra aussitôt. » Cela s'est passé pour accomplir la parole transmise par le prophète : « Dites à la fille de Sion : voici ton roi qui vient vers toi, humble, monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d'une bête de somme[4]. »

Les disciples partirent et firent ce que Jésus leur avait ordonné[5]. Ils amenèrent l'ânesse[6] et son petit âne[7], disposèrent sur eux leurs manteaux, et Jésus s'assit dessus[8]. Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux[9] ; d'autres coupaient des branches aux arbres[10] et en jonchaient la route.

Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui suivaient[11] criaient : « Hosanna[12] au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux! » Comme Jésus entrait à Jérusalem[13], l'agitation gagna toute la ville ; on se demandait : « Qui est cet homme ? » Et les foules répondaient : « C'est le prophète Jésus de Nazareth en Galilée. »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Bethphagé, « la maison des figues non mûres », est un endroit sans doute proche de Béthanie, probablement sur la pente occidentale du mont des Oliviers. Le fruit du figuier qui n’est pas encore mûr est appelé pag (Livre du Cantique des cantiques, II l3), d'où le nom de Bethphagé (maison des figues vertes).

[2] C’est sur le mont des Oliviers que le prophète Ezéchiel, en quittant le Temple, voit se reposer la gloire du Seigneur (Ezéchiel, XI 23). Jésus aime ce lieu solitaire du mont des Oliviers : il y a de secrètes harmonies entre lui et cette montagne. Saint Augustin souligne que l’huile servait déjà pour les onctions sacrées et que Jésus, l'oint, le consacré par excellence, nous a oints, nous a consacrés et nous a fortifiés pour lutter contre le démon (« Tractatus in Johannis evangelium », XXXIII 3). Alcuin, après avoir rappelé que l’on « fait aussi des onctions d'huile sur les membres blessés et malades », affirme que le mont des Oliviers est le symbole de la miséricorde qui va se répandre sur le monde.

[3] Sans doute le village actuel d’El-Tour, entre Béthanie et le sommet de la montagne.

[4] Cette citation, tirée de Zacharie (« voici que ton roi vient vers toi ; il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur un ânon, petit d'ânesse », IX 9), emprunte son introduction à Isaïe (« Dites à la fille de Sion : voici que ton Sauveur arrive », LXII 11). La littérature midrashique, dans ses développements sur le Messie et sa venue, a souvent lié ce texte de Zacharie à l’oracle de Juda : « il attache à la vigne son ânon, au cep de choix le petit de son ânesse » (Genèse XLIX 11). Ainsi, dans Bereshit-Rabbah, on peut lire : « Il lie son âne à la vigne... Les Maîtres expliquent ces mots de cette façon : Dieu dit : Je suis attaché à la vigne (c'est-à- dire à Israël) et au raisin de prix de sa ville (c'est-à-dire de Jérusalem) ; le petit d'une ânesse, c'est-à-dire quand viendra celui dont il est dit : Pauvre et monté sur un âne. »

[5] Il avait accompli son œuvre en se mêlant à la foule, souvent en se cachant d'elle afin de ne pas exciter les colères de ses contradicteurs. Mais quand il a donné des preuves suffisantes de sa puissance, quand la croix est proche, il se révèle avec plus de clarté que jamais, et il précipite les évènements qui sont de nature à exciter leur colère (...) Dans ces circonstances si humbles, que de miracles et que de prophéties. Avec quelle précision Jésus annonce ce qui va s'accomplir ! Et avec quelle puissance il conduit lui-même les évènements ! Ces gens étaient pauvres, sans doute des paysans ; et ils obéissent avec cet empressement non au Seigneur lui-même, mais à ses disciples. Quelle est la puissance qui les persuade si promptement ? Par là Jésus-Christ nous apprend qu'il aurait pu arrêter les Juifs, s'il l'avait voulu, quand ils vinrent pour le prendre. Il apprend aussi à ses disciples à ne jamais rien lui refuser, même s'il leur demande leur vie, puisque des inconnus lui ont ainsi obéi. (saint Jean Chrysostome : homélie LXVI sur l'évangile selon saint Matthieu).

[6] Cette ânesse qui avait porté le joug, représente la Synagogue qui a porté le joug de la Loi et qui montre la Loi aux Gentils (saint Jérôme : commentaire de l'évangile selon saint Matthieu).

[7] L'ânon, jusque-là folâtre, représente le peuple des Gentils dont Jésus fait la conquête. Il a envoyé pour les amener à lui, deux de ses disciples qui représentent les apôtres envoyés les uns aux Juifs, les autres aux païens (saint Jérôme : commentaire de l'évangile selon saint Matthieu).

[8] Ton roi ne doit pas inspirer la crainte par son aspect, il ne doit être ni sévère ni cruel, il n’agit pas avec rapacité (...) Ses attributs sont l’humilité, la pauvreté, la modestie. Il fait son entée sur un âne, sans déployer aucune escorte humaine. C’est pourquoi lui seul est le roi juste qui sauve dans l’équité, et qui est doux en même temps, car la douceur est ce qui le caractérise (Grégoire Palamas : homélie XV).

[9] Selon une tradition talmudique, quand les Madianites reçurent Moïse fugitif, ils disposèrent leurs vêtements à terre pour l’y installer au son de la trompette, en criant : « Vive le roi ! ». Lorsqu’ils intrônisèrent Jéhu, ses compagnons d’armes : « prirent chacun leur manteau et le mirent sous lui, à même les degrés; ils sonnèrent du cor et dirent : Jéhu est roi » (I Rois, IX 12-13). Enfin, il faut se référer aux consignes que David donne pour le sacre de Salomon : « vous ferez monter Salomon, mon fils, sur ma propre mule et vous le ferez descendre à Guilhôn » (II Rois, I 33).

[10] Les rameaux de palmier sont des louanges symbolisant la victoire que le Seigneur allait remporter sur la mort en mourant lui-même, et le triomphe qu’il allait obtenir sur le démon, prince de la mort, par le trophée de la croix (saint Augustin : « Tractatus in Johannis evangelium », LI 2)

[11] Courons avec lui qui se hâte vers sa passion ; imitons ceux qui allèrent au-devant de lui. Non pas pour étendre sur son chemin, comme ils l'ont fait, des rameaux d'olivier, des vêtements ou des palmes. C'est nous-mêmes qu'il faut abaisser devant lui, autant que nous le pouvons, par l'humilité du cœur et la droiture de l'esprit, afin d'accueillir le Verbe qui vient, afin que Dieu trouve place en nous, lui que rien ne peut contenir (…) Nous n'étendrons pas des vêtements ou des rameaux inanimés, des branches d'arbres qui vont bientôt se faner, et qui ne réjouissent le regard que peu de temps. Notre vêtement, c’est sa grâce, ou plutôt c'est lui tout entier que nous avons revêtu : « Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ. » C'est nous-mêmes que nous devons, en guise de vêtements, déployer sous ses pas. Par notre péché, nous étions d'abord rouges comme la pourpre, mais le baptême de salut nous a nettoyés et nous sommes devenus ensuite blancs comme la laine. Au lieu de branches de palmier, il nous faut donc apporter les trophées de la victoire à celui qui a triomphé de la mort (saint André de Crète : homélie IX, pour le dimanche des Rameaux).

[12] L'acclamation hébraïque « Hosanna » est composée de l'impératif du verbe « sauver » et d’une particule déprécative qui signifie : « je te prie » ; elle signifie littéralement: « sauve donc ! ». On la trouve textuellement au verset 25 du psaume CXVII, psaume pascal par excellence, celui qui mime l'accueil du Messie lors de son avènement ; il n'est pas étonnant de constater que les israélites le chantèrent au moment de l'entrée messianique de Jésus à Jérusalem. Hosanna avait perdu son sens premier, pour devenir une simple acclamation de joie et de victoire. Elle est reprise deux fois par la liturgie de l'Église, dans le Sanctus, qui est la proclamation joyeuse de la sainteté divine par les fidèles à la fin de la Préface ; au moment où va être renouvelé le sacrifice eucharistique, le sens originel de l'Hosanna prend toute sa dimension : « Sauve donc ! ». C'est l'œuvre de Jésus, dont le nom signifie « Yahvé sauve » ou « Il (Dieu) a sauvé », ce qui est la signification du nom de Jésus.

[13] Jésus était souvent venu à Jérusalem, mais jamais avec un tel cérémonial. Pourquoi agit-il ainsi ? Au moment où commençait son ministère, il n'était pas encore bien connu, le temps de la Passion n'était pas encore là. Jésus se mêlait donc à la foule, ou même se cachait ; d'ailleurs, en se manifestant, il n'aurait pas soulevé l'admiration et il n'aurait fait qu'augmenter la colère de ses ennemis. Mais il a donné maintenant des preuves suffisantes de sa puissance et la croix est proche ; il se manifeste plus clairement, il n'hésite pas à faire briller ses actes d'un éclat capable d'exciter la jalousie de ses adversaires (saint Jean Chrysostome : homélie LXVI sur l’évangile selon saint Matthieu, 1).