Ascension du Seigneur

Première lecture

Lecture du livre des Actes des Apôtres (I 1-11).

Mon cher Théophile[1], dans mon premier livre[2] j'ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le commencement, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel après avoir, dans l’Esprit-Saint, donné ses instructions aux Apôtres qu'il avait choisis. C'est à eux qu'il s'était montré vivant après sa Passion : il leur en avait donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur était apparu, et leur avait parlé du Royaume de Dieu[3].

Au cours d'un repas qu'il prenait avec eux[4], il leur donna l'ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d'y attendre ce que le Père avait promis[5]. Il leur disait : « C'est la promesse que vous avez entendue de ma bouche. Jean a baptisé avec de l'eau ; mais vous, c'est dans l'Esprit Saint que vous serez baptisés[6] d'ici quelques jours.[7] »

Réunis autour de lui, les Apôtres lui demandaient : « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël ? » Jésus leur répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les délais et les dates que le Père a fixés dans sa liberté souveraine[8]. Mais vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre.[9] »

Après ces paroles, ils le virent s'élever[10] et disparaître à leurs yeux dans une nuée[11].

Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s'en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs[12] se tenaient devant eux et disaient : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller au ciel. »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1]Théophile, en grec Thephilos (ami de Dieu), est le destinataire de l'évangile et des Actes des Apôtres écrits par saint Luc ; il s'agit d'un chrétien de l'Eglise d'Antioche qui appartient à un rang élevé de la société puisque, dans la dédicace de son évangile, saint Luc le qualifie de kratiste (éminent ou excellent), titre dont on honorait les hauts fonctionnaires.

[2]L'évangile selon saint Luc commence ainsi : « Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des évènements qui se sont accomplis parmi nous, selon ce que nous ont transmis ceux qui, témoins oculaires dès le commencement, sont devenus ensuite serviteurs de la Parole, j'ai décidé, moi aussi, après m'être informé exactement de tout depuis le début, d'en écrire pour toi l'exposé suivi, excellent Théophile, pour que tu te rendes bien compte de la sûreté des enseignements que tu as reçus. »

[3] Les jours qui s'écoulèrent entre la résurrection du Seigneur et son ascension n'ont pas été dépourvus d'événements : de grands mystères y ont reçu leur confirmation, de grandes vérités y ont été révélées. C'est alors que la crainte d'une mort amère est écartée, et que l'immortalité, non seulement de l'âme mais aussi de la chair, est manifestée. C'est alors que, par le souffle du Seigneur, le Saint-Esprit est communiqué à tous les Apôtres ; et le bienheureux Apôtre Pierre, après avoir reçu les clefs du Royaume, se voit confier, de préférence aux autres, la garde du bercail du Seigneur. En ces jours-là, le Seigneur se joint à deux disciples et les accompagne en chemin ; et, afin de dissiper en nous toute l'obscurité du doute, il reproche à ces hommes apeurés leur lenteur à comprendre. Les cœurs qu'il éclaire voient s'allumer en eux la flamme de la foi ; ils étaient tièdes, et ils deviennent brûlants lorsque le Seigneur leur fait comprendre les Ecritures. A la fraction du pain, les yeux des convives s'ouvrent. Ils ont un bonheur bien plus grand, eux qui voient se manifester la glorification de leur nature humaine, que nos premiers parents qui conçoivent de la honte pour leur désobéissance (…) Pendant tout ce temps qui s'est écoulé entre la résurrection du Seigneur et son ascension, voilà, mes bien-aimés, de quoi la providence divine s'est occupée, voilà ce qu'elle a enseigné, voilà ce qu'elle a fait comprendre aux yeux et aux cœurs de ses amis : on reconnaîtrait que le Seigneur Jésus était vraiment ressuscité, lui qui vraiment était né, avait souffert et était mort vraiment. Aussi les bienheureux Apôtres et tous les disciples que la mort de la croix avait apeurés et qui doutaient de la foi en la résurrection furent-ils raffermis par l'évidence de la vérité ; si bien que, lorsque le Seigneur partit vers les hauteurs des cieux, ils ne furent affectés d'aucune tristesse, mais comblés d'une grande joie. Certes, c'était pour eux un motif puissant et indicible de se réjouir puisque, devant le groupe des Apôtres, la nature humaine recevait une dignité supérieure à celle de toutes les créatures célestes ; elle allait dépasser les chœurs des anges et monter plus haut que les archanges ; les êtres les plus sublimes ne pourraient mesurer son degré d'élévation, car elle allait être admise à trôner auprès du Père éternel en étant associée à sa gloire, puisque la nature divine lui était unie dans la personne du Fils (saint Léon le Grand : premier sermon pour l’Ascension, 2-4).

[4] Il mangea avant de monter au ciel afin de bien établir la réalité de son corps (saint Grégoire le Grand : homélie XXIX sur les péricopes évangéliques).

[5] La première des consignes que Jésus donne à ses apôtres est l'ordre de ne pas s'éloigner de Jérusalem, que l’évangéliste Luc a déjà rapporté (XXIV 47-49). Cette répétition souligne le lien entre la présence des apôtres dans la ville et la première manifestation de la « promesse du Père », à savoir le baptême dans l'Esprit Saint. Jérusalem, qui a été au centre des événements de la Rédemption (passion, mort et résurrection de Jésus) sera aussi le centre d'où rayonnera la prédication apostolique.

[6] L’effusion de l'Esprit Saint est mise par Jésus en parallèle avec le baptême de Jean : de même que, dans le baptême de Jean, le corps était plongé dans l'eau, ainsi les apôtres recevront bientôt une telle abondance de grâces où ils seront comme plongés dans l’Esprit-Saint. Les apôtres y seront plongés comme en un brasier; ils en ressortiront flammes brillantes et ardentes, devenus à leur tour foyers de chaleur et de lumière. Le baptême dans l'Esprit désigne la Pentecôte.

[7] Source de sanctification, lumière intelligible, il fournit par lui-même comme une sorte de clarté à toute puissance rationnelle qui veut découvrir la vérité. Il est inaccessible de sa nature, mais on peut saisir sa bonté. Il remplit tout par sa puissance, mais il se communique seulement à ceux qui en sont dignes, et non pas dans une mesure uniforme mais en distribuant son activité en proportion de la foi. Il est simple par son essence, mais se manifeste par des miracles variés. Il est tout entier présent à chacun, mais tout entier partout. Il se divise, mais sans subir aucune atteinte. Il se donne en partage, mais garde son intégrité: à l'image d'un rayon de soleil, dont la grâce est présente à celui qui en jouit comme s'il était seul, mais qui brille sur la terre et la mer, et s'est mélangé à l'air. C'est ainsi que l'Esprit, présent à chacun de ceux qui peuvent le recevoir comme si celui-ci était seul, répand sur tous la grâce en plénitude. Ceux qui y participent en jouissent autant qu'il est possible à leur nature, mais non pas autant que lui-même peut se donner. Par lui les cœurs s'élèvent, les faibles sont conduits par la main, ceux qui progressent deviennent parfaits. C'est lui, en brillant chez ceux qui se sont purifiés de toute souillure, qui les rend spirituels par leur communion avec lui. Comme les objets nets et transparents, lorsqu'un rayon les frappe, deviennent eux-mêmes resplendissants et tirent d'eux-mêmes une autre lumière; de même les âmes qui portent l'Esprit, illuminées par l'Esprit, deviennent elles-mêmes spirituelles et renvoient la grâce sur les autres. De là viennent la prévision de l'avenir, I'intelligence des mystères, la compréhension des choses cachées, la distribution des dons spirituels, la citoyenneté céleste, la danse avec les anges, la joie sans fin, la demeure en Dieu, la ressemblance avec Dieu, et le comble de ce que l'on peut désirer: devenir Dieu (saint Basile de Césarée : « Le Saint-Esprit » XV 35).

[8] Si le Père « a tout remis dans la main du Fils », le Fils a donc la plénitude de la puissance et de la science divines, mais il aime à rappeler sa dépendance vis-à-vis du Père. Adorons l’impénétrable secret de Dieu et renfermons-nous dans les bornes où il a voulu terminer les lumières de son Eglise (Bossuet : Méditations sur l’Evangile, 76° journée).

L’Apôtre nous a dit que « tous les trésors de la sagesse et de la science étaient cachés en lui » (Colossiens, II 3). Pourquoi a-t-il dit « cachés » ? Après sa résurrection, interrogés une fois encore par les apôtres, il répondit : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps et les moments qui dépendent de la puissance du Père » (Actes des Apôtres, I 7), montrant par là qu’il connaît ce jour, mais qu’il n’est pas bon pour les apôtres de le connaître, afin qu’ignorant le moment de l’arrivée du juge, ils vivent chaque jour comme s’ils devaient être jugés le lendemain » (saint Jérôme : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, V).

Ces trésors sont cachés en lui : ils y sont parce qu’il est Dieu ; et ils sont cachés à cause du mystère qu’il accomplit pour nous (saint Hilaire de Poitiers : De Trinitate, IX 6).

[9] Quand notre Seigneur Jésus Christ est monté au ciel le quarantième jour, il a recommandé son corps qui devait rester sur la terre: il voyait que beaucoup de gens devaient l'honorer parce qu'il était monté au ciel, et il voyait que cet honneur est inutile si on foule aux pieds ses membres qui restent sur la terre... Voyez où s'étend son corps, voyez où il ne veut pas être foulé aux pieds : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre. » Voilà où je reste, moi qui monte ; je monte parce que je suis la tête. Mon corps reste encore sur la terre. Où est-il ? Sur toute la terre. Prends garde à ne pas le frapper, à ne pas lui faire violence, à ne pas le fouler aux pieds. Ce sont là les dernières paroles du Christ qui monte au ciel (saint Augustin : Traité sur l’épître de saint Jean, X 9).

[10] Notre Sauveur n'est pas emporté dans un char, il n'est pas soulevé par les anges : celui qui a fait toutes choses s'élève par sa propre puissance au-dessus de toutes choses (saint Grégoire le Grand : homélie XXIX sur les péricopes évangéliques).

[11] C'était la nuée dont le Prophète avait dit en parlant de Dieu : il fait de la nuée son trône. Sans doute cela avait était dit du Père : la nuée sur laquelle il était représenté siégeant, était le symbole de la puissance suprême. Si Jésus monte au ciel porté sur les nuées, il y monte en Dieu (saint Jean Chrysostome : homélie II sur les Actes des Apôtres).

[12] Les anges ont pris des visages d'hommes afin de mieux rassurer les apôtres. Ils sont là, en vêtements blancs, comme étaient les anges de la Résurrection. Ils sont deux : le témoignage de deux témoins ne peut être contesté. Comme les anges de la Résurrection, ils annoncent ce qu'avaient prédit les prophètes. Ils leur montrent qu'ils connaissent leurs pensées secrètes (saint Jean Chrysostome : homélie II sur les Actes des Apôtres).