7 décembre

Saint Ambroise,
évêque et docteur de l'Eglise

Sommaire :

Biographie

Appréciation générale

Exégèse

Dogme

Du bien de la mort

De officiis ministrotum

St Ambroise vu par St Augustin



Biographie

Ambroise naquit (vers 340) à Trèves où son père était préfet du prétoire pour les Gaules. A la mort de son père, sa mère qui était une pieuse chrétienne, vint habiter Rome avec ses trois enfants1. Après des études classiques et juridiques, Ambroise parcourut rapidement une brillante carrière administrative. Ses plaidoiries ayant attiré sur lui l’attention, le préfet du prétoire de Valentinien I° le nomma gouverneur de l’Emilie et de Ligurie, en résidence à Milan, avec le titre consulaire (374).

L'évêque légitime de Milan, saint Denis, était mort en exil, et l'intrus arien Auxence, qui venait de mourir, avait, durant près de vingt ans, opprimé les catholiques. Survenant, comme un pacificateur, dans une élection épiscopale que des divergences tumultueuses rendaient difficile, Ambroise quoique simple catéchumène, sur le cri d’un enfant, fut acclamé évêque et malgré ses résistances, ne put se dérober à une charge aussi lourde qu’imprévue. Les évêques d’Italie et l’Empereur donnèrent leur approbation au choix du peuple de Milan. Ambroise fut baptisé et, huit jours plus tard, fut consacré évêque (7 décembre 374).

Devenu chrétien et évêque, Ambroise s’initia par une étude incessante et approfondie à la doctrine qu`il avait mission d’enseigner ; il se dépouilla au profit des pauvres de son riche patrimoine, il racheta les captifs en vendant les vases de son église, et se fit l'homme de tous. Son éloquence qui captivait la foule, attira Augustin et dissipa les derniers doutes du futur évêque d'Hippone : « Je considérais Ambroise lui-même comme un homme heureux, au regard du monde, d'être si fort honoré par les plus hauts personnages. Il n'y avait que son célibat qui me paraissait chose pénible. Quant aux espérances qu'il portait en lui, aux combats qu'il avait à soutenir contre les tentations inhérentes à sa grandeur même, aux consolations qu'il trouvait dans l'adversité, aux joies savoureuses qu'il goûtait à ruminer Votre Pain, avec cette bouche mystérieuse qui était dans son cœur ; de tout cela je n'avais nulle idée, nulle expérience. Et il ignorait pareillement ces agitations et l'abîme où je risquais de choir. Il m'était impossible de lui demander ce que je voulais, comme je le voulais ; une foule de gens affairés, qu'il aidait dans leur embarras, me dérobait cette audience et cet entretien. Quand il n'était pas occupé d'eux, il employait ces très courts instants à réconforter son corps par les aliments nécessaires, ou son esprit par la lecture. Lisait-il, ses yeux couraient sur les pages dont son esprit perçait le sens ; mais sa voix et sa langue se reposaient. Souvent quand je me trouvais là, - car sa porte n'était jamais défendue, on entrait sans être annoncé, - je le voyais lisant tout bas et jamais autrement. Je demeurais assis dans un long silence, - qui eût osé troubler une attention si profonde ? - puis je me retirais, présumant qu'il lui serait importun d'être interrompu dans ces rares moments dont il bénéficiait pour le délassement de son esprit, quand le tumulte des affaires d'autrui lui laissait quelque loisir. »

L'action d'Ambroise, évêque de la seconde ville d’Occident, s'exerçait bien au delà de son diocèse. Défenseur de la doctrine orthodoxe, il assista au concile d'Aquilée (38l) où furent déposés les évêques ariens Palladius et Secundianus, il présida, en 38l ou en 382, un concile des évêques du vicariat d'Italie qui condamna l'apollinarisme2 ; il se rencontra avec saint Epiphane de Salamine et Paulin d'Antioche au concile romain de 382, et dans les Actes, il est nommé le premier après le pape saint Damase. En 390, Ambroise tint à Milan, contre Jovinien, un concile où la sentence portée l'année précédente par les évêques des Gaules contre les ithaciens3 fut confirmée.

Ecouté de Valentinien I° (364-375)4, Ambroise le fut surtout de Gratien (375-383) qui le considérait comme son père, et ensuite de Valentinien II (3755-392). C’est peut être à l’instigation d’Ambroise que Gratien reprit la lutte contre le paganisme qui avait été suspendue sous Valentinien I° : outre qu’un édit supprima les revenus des collèges de prêtres et de vestales, Gratien leur enleva les allocation cultuelles et les biens-fonds ; enfin, il fit ôter l’autel et la statue de la Victoire sous laquelle les sénateurs se réunissaient depuis le règne d’Auguste. Ambroise eut beaucoup d’influence sur Valentinen II, successeur de Gratien.

La mère de Valentinien II, l'arienne Justine, rencontra dans l'évêque de Milan un adversaire inflexible ; Ambroise refusa à l'Impératrice la basilique Porcia et, à défaut de celle-ci, la basilique neuve qu'elle exigeait pour les ariens (385 et 386) ; il répondit aux envoyés de l’Empereur : « Si l’Empereur me demandait ce qui est à moi, mes terres, mon argent, je ne lui opposerais aucun refus, encore que tous mes biens soient aux pauvres. Mais les choses divines ne sont point sous la dépendance de l’Empereur. S’il vous faut mon patrimoine, prenez-le. S’il vous faut ma personne, la voici. Voulez-vous me jeter dans les fers, me conduire à la mort ? J’accepte tout avec joie... » Enfermé dans l’église, il exhorta le peuple à résister et, ayant mis les soldats de son côté, la cour dut se retirer. Ambroise s'opposa à la loi qui rendait la liberté aux adhérents du concile de Rimini, et interdisait, sous peine de mort, aux catholiques toute résistance. Ambroise bravait les menaces d'exil et récusait les juges qu'on voulait lui donner ; « L’Empereur est dans l’Eglise, il n’est pas au-dessus de l’Eglise. Un bon empereur recherche l’assistance de l’Eglise, il ne la refuse pas. Je le dis avec humilité mais je le publie aussi avec fermeté. » Ambroise subit enfin des tentatives d'assassinat.

Ambroise cependant était allé défendre à Trèves, auprès de l’usurpateur Maxime6, meurtrier de Gratien, les intérêts de Valentinien II (383) ; en 387, il tenta une seconde démarche, qui n’arrêta point Maxime sur le chemin de l'Italie : Rome tomba au pouvoir de l’usurpateur (janvier 388). Théodose7 battit Maxime en Pannonie et en Styrie ; quelques semaines plus tard, retranché à Aquilé, Maxime fut tué. Ambroise qui soutenait la politique de Théodose, se lia avec lui d’une grande amitié, sans pour autant craindre de le réprimander lorsque Théodose outrepassait les prérogatives impériales ou menaçait les intérêts de l’Eglise.

Après la mort de sa mère, Valentinien II, irrévocablement gagné à la cause de la vraie foi, suivit la direction d'Ambroise, notamment en s’opposant au rétablissement de la statue de la Victoire dans le Sénat que Gratien avait fait enlever et dont les sénateurs païens, conduits par Symmaque et le le préfet du prétoire d’Italie, demandaient le rétablissement.8

« Ils viennent se plaindre de leurs pertes, eux qui furent si peu économes de notre sang, et qui, de nos églises ont fait des ruines... Ils réclament de vous des privilèges, quand, hier encore, les lois de Julien9 nous refusaient le droit dévolu à tous de parler et d’enseigner... La présente cause est celle de la religion, j’interviens donc en tant qu’évêque... Si une décision contraire est prise, nous ne pourrons, nous évêques, nous en accommoder d’un cœur léger, ni dissimuler notre opinion. Il vous sera loisible de vous rendre à l’église, mais vous n’y trouverez point de prêtre ou il ne sera là que pour protester10. »

Ambroise fut l'ami de Théodose, mais un ami qui ne se tut et ne faillit jamais. En 388, il l'avait décidé à retirer un édit qui ordonnait aux chrétiens de Callinique11, en Mésopotamie, de rebâtir une synagogue.

Après le massacre de Thessalonique, décrété dans une heure de fièvre furieuse pour venger la mort de quelques fonctionnaires impériaux, Ambroise avait interdit l’entrée de son église à Théodose et lui avait imposé une pénitence publique. « L’Empereur, de retour à Milan, raconte Théodoret, voulut entrer comme de coutume dans l'église. Mais Ambroise marcha a sa rencontre en dehors du vestibule et lui interdit de mettre le pied sur le saint parvis. » Ambroise adresse ensuite un discours grandiloquent à Théodose, qui se retire avec des gémissements dans son palais. Huit mois plus tard, à l'approche de la fête de Noël, l'Empereur, accablé de tristesse, dépêche Rufin, maître des offices, vers Ambroise pour essayer de le fléchir, mais en vain. Théodose se décide alors à venir implorer lui-même son pardon. Ambroise lui impose l'obligation de promulguer une loi portant que toute sentence de confiscation ou de mort ne deviendra exécutoire qu’au bout de trente jours, après avoir été de nouveau examinée et confirmée. Théodose obéit et Ambroise lève l'excommunication prononcée contre lui. L’Empereur entre dans l’Eglise et il y donne le spectacle le plus touchant repentir. Il n'est pourtant pas encore arrivé au bout de ses humiliations : alors qu’il s’est avancé pour recevoir la communion, jusque dans l'enceinte la plus voisine de l'autel, Ambroise lui fit signifier par un diacre que ce lieu était réservé aux seuls prêtres, et qu'il eût a se retirer. Théodose obéit, en alléguant pour son excuse que les choses étaient différentes à Constantinople.

Quelques mois plus tard, au printemps de 391, Théodose partait pour Constantinople, laissant l'Occident aux mains de Valentinien II, qui avait alors dix-neuf ans. Depuis la mort de Justine, le caractère du jeune Valentinien s'était affirmé de la façon la plus favorable, et, mieux en état de se former des opinions personnelles, il rendait pleine justice à l'admirable loyauté de l'évêque autrefois persécuté en son nom. Aussi Ambroise donna-t-il les larmes les plus sincères à sa mémoire, quand le jeune prince eut été étouffé à l'instigation du Goth Arbogaste12 que Théodose trop confiant avait placé auprès de lui en qualité de magister militum. L’assassinat de Valentinien II laissa seul maître de l'empire Théodose, son puissant associé.

A l'égard d'Eugène, un ancien rhéteur à qui Arbogast venait de faire conférer la dignité impériale, Ambroise garda une attitude pleine de réserve, quoique très déférente en la forme. A peine devenu empereur, Eugène lui avait adressé deux lettres pour essayer de gagner sa sympathie, tant il sentait l'importance de l'appui que l’évêque pouvait lui apporter. Les procédés équivoques d'Eugène dans les questions d'ordre religieux, surtout la faveur de plus en plus manifeste qu'il marquait aux partisans du vieux culte romain, disposait mal Ambroise, qui évita soigneusement les occasions de se rencontrer avec Eugène. Bientôt l'usurpateur tombait sous les coups de Théodose, accouru de Constantinople13. Ambroise obtint que Théodose usât de la plus large indulgence à l'égard des partisans d'Eugène.

Théodose mourut le 17 janvier 395 ; Ambroise prononça son oraison funèbre, à Milan, en présence d'Honorius14 et de l'armée. Il célébra la transformation des princes, maîtres de l'univers romain, qui étaient devenus les prédicateurs de la foi, après en avoir été les persécuteurs et nul n'avait coopéré plus efficacement cette œuvre que Théodose. Sa politique religieuse s'était proposé un triple objet. D'abord, protéger l'Eglise contre toute violence ou toute indiscrétion de l'Etat : l'Empereur n'a le droit ni de mettre la main sur les édifices sacrés, ni de prononcer, au lieu et place des évêques, dans les choses de foi. Ensuite, obliger le pouvoir civil à respecter la loi morale, même dans des actes dépourvus de caractère spécifiquement religieux, et ce, sous peine des censures de l'Église (tel est le principe dont Ambroise s'inspira dans l'affaire de Thessalonique). Enfin sceller une étroite union entre l'Église et l'Etat, de telle sorte que, loin de mettre sur le même pied les différents cultes, l'État marque inlassablement, quoique sans violence ni effusion de sang, sa faveur spéciale et unique au culte catholique et décourage tous les autres. Cette image prestigieuse d'un empire chrétien qui hantait la pensée d’Ambroise, mit des siècles encore avant de se réaliser.

Saint Ambroise tomba malade, un jour qu'il dictait à Paulin, son diacre, un commentaire sur le psaume LXIII ; un feu lui couvrit la tête en forme de petit bouclier, et de là entra dans sa bouche comme dans sa propre demeure. Alors son visage devint blanc comme la neige et demeura quelque temps dans cette beauté. Il ne put donc achever l'ouvrage qu'il dictait, et bientôt après il tomba malade. Le comte Stilicon qui était le plus puissant dans l'Empire, craignant que la mort d’Ambroise ne causât un notable préjudice à tout l'Occident, lui envoya plusieurs personnes d'honneur pour le porter à demander à Dieu la prolongation de sa vie ; mais il leur dit « Je n'ai pas vécu de telle sorte parmi vous, que j’aie honte de vivre davantage ; mais, d’ailleurs, je ne crains point de mourir, parce que nous avons affaire à un bon maître. » Quatre de ses diacres, s'entretenant dans un coin de sa chambre, pour savoir qui l'on pourrait élire évêque en sa place, vinrent à nommer saint Simplicien. Ils étaient si loin et ils parlaient si bas, qu’il ne pouvait pas les entendre ; cependant, Dieu lui révéla ce qu’ils disaient, et il s'écria : « Il est vieux, mais il est bon. » Simplicien était cet excellent prêtre qui avait été son conseil durant tout le temps de son épiscopat, et il fut effectivement mis en sa place après son décès. Saint Bastien, évêque de Todi, le visitait quelquefois dans sa maladie, et un jour qu'il priait auprès de lui, il vit Notre-Seigneur descendre du ciel, s'approcher de son lit et lui faire beaucoup de caresses. Ensuite, la nuit du samedi saint, comme il priait secrètement, les bras étendus en forme de croix, saint Honorat, évêque de Verceil, qui logeait dans une chambre au-dessus de la sienne, entendit par trois fois une voix qui lui disait : « Lève-toi en diligence, il passera bientôt. » Honorat se leva et lui apporta 1e corps adorable de Jésus-Christ, qu'il reçut avec une profonde révérence, et incontinent après, son âme, munie d'un si excellent viatique, se détacha de la prison de son corps pour aller jouir de l'éternité bienheureuse (4 avril 397).

Son corps fut inhumé dans sa cathédrale avec l'honneur dû à la grandeur de ses mérites. Plusieurs eurent des visions qui marquaient la gloire qu'il possédait déjà dans le ciel. Surtout il y en eut qui virent une étoile rayonnante élevée au-dessus de son cercueil. Les démons n’en osaient approcher mais les possédés que l’on y traînait par force, étaient aussitôt délivrés.

Saint Ambroise fut durant sa vie une grande autorité morale grâce à la noblesse de son caractère, à la sainteté de sa vie, à la fermeté et à la droiture de sa conduite, mais aussi à sa science des affaires et à son art de gouverner. Excellent magistrat devenu homme d’église, il ne perdit pas ses premières aptitudes, qu’il élargit encore. Esprit éminemment pratique, pondéré, puisant dans le droit le sens de la justice, mais tempérant par la charité ce que cette justice pouvait avoir de froid et de dur. Tous ceux qui l’approchèrent, subirent son influence ou même l’aimèrent passionnément.

Le menu peuple dont, tout le long du jour, il accordait les procès, il lui était dévoué jusqu’au sang. « Si Ambroise levait le doigt, disait un jour Valentinien à ses courtisans, vous-même me livreriez à lui pieds et poings liés. » Milan était après Rome la véritable capitale de l’empire d’Occident, puisque l’empereur y séjournait. Ambroise qui en était l’évêque, fut, par son prestige personnel, le plus en vue des prélats latins.

La tournure d’esprit de saint Ambroise est toute romaine, épanouie dans les questions morales et pratiques. S’il traite volontiers des questions dogmatiques, il ne s’élève pas aux spéculations ingénieuses, préférant développer l’argument scripturaire et traditionnel. « Saint Ambroise, dit Fénelon15, suit quelquefois la mode de son temps. Il donne à son discours les ornements qu'on estimait alors. Mais, après tout, ne voyons-nous pas saint Ambroise, nonobstant quelques jeux de mots, écrire à Théodose avec une force et une persuasion inimitables ? Quelle tendresse n'exprime-t-il pas quand il parle de son frère Satyre ! »

Saint Ambroise est, dans son exégèse, généralement allégoriste, c’est-à-dire que au lieu d’expliquer, comme saint Jean Chrysostome, le sens littéral du texte sacré, il y cherche plutôt les enseignements moraux et ascétiques cachés sous l’histoire et les faits, ou les mystères, les personnages chrétiens dont l’Ancien Testament nous présente la figure. Cette méthode exigeait de sa part moins d’études ; il en avait des modèles tout prêts : et d’autre part, elle lui paraissait plus propre à l’enseignement des fidèles. C’est une des raisons qui expliquent qu’il ait commenté plus volontiers l’Ancien Testament que le Nouveau, vis-à-vis duquel il était tenu à plus de réserve. Ses commentaires ne sont d’ailleurs, la plupart du temps, comme beaucoup de ses autres ouvrages, que des réunions d’homélies ou de discours prononcés sur les Livres saints. Notons, parmi les plus intéressants, les six livres sur l’Hexammeron c’est-à-dire sur l’œuvre des six jours, ouvrage imité de saint Basile, mais où il ne montre pas le même sens des beautés de la nature que l’auteur grec. Puis le plus long de ses traités, l’Exposé sur l’évangile de saint Luc en dix livres. Même si saint Augustin a formulé quelques réserves sur cet écrit, probablement en raison de l’idée qu’Ambroise s’y fait des peines de l’enfer, le Moyen-Age l’a cependant beaucoup lu et copié.

Saint Ambroise est plus un catéchiste qu’un théologien. Parmi ses œuvres se trouvent quelques écrits doctrinaux : par exemple, un traité De la foi, c’est-à-dire sur la Trinité, composé pour Gratien en 376 et 379 ; un traité du Saint Esprit, calqué sur celui de Didyme l’Aveugle et composé pour le même Gratien en 381 ; deux livres Sur la pénitence (vers 384), contre les novatiens ; mais surtout le traité Des mystères (De mysteriis) qui expose, sous forme de catéchèse, la doctrine sur le baptême, la confirmation et l’eucharistie. La doctrine de la transsubstantiation y est enseignée aussi clairement que dans les catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem.

 

En 374, Valentinien I° est empereur d’Occident ; Valens, son frère, gagné à l’arianisme, est empereur d’Orient. Valentinien meut en 375, laissant deux enfants, l’un, Gratien, d’une première femme nommée Severa, l’autre, Valentinien II, d’une seconde femme, Justine, gagnée elle aussi à l’arianisme. La Cour réside à Milan, et le jeune Gratien, devenu empereur à seize ans, donne toute sa confiance à Ambroise, sans qui il ne fait rien d’important. En 378, Valens est battu par les Goths et tué à Andrinople. Pour lui succéder, Gratien choisit, en 379, Théodose. En 383, Maxime se révolte dans les Gaules, et Gratien est assassiné à Lyon. Son frère Valentinien II lui succède et, sur la demande de Justine, Ambroise va trouver l’usurpateur Maxime à Trèves, et l’empêche d’envahir l’Italie. Une seconde fois probablement en 384-385, il fait le même chemin, mais par la faute de la Cour,ne réussit pas dans son ambassade. Il faut que Théodose intervienne et batte en 388, l’armée de Maxime qui est tué. La paix ne dura que quatre ans. En 392, nouvelle révolte d’Arbogast dans les Gaules. Valentinien II qui s’y est rendu, et qui sent sa vie en danger, appelle Ambroise pour lui donner le baptême. Ambroise part une troisième fois ; mais, avant qu’il arrive, Valentinien est assassiné à Vienne le 15 mai 392. Arbogast fait proclamer empereur le rhéteur Eugène. De nouveau, Théodose intervient et les écrase tous deux à la bataille d’Aquilée en septembre 394. Le rôle diplomatique d’Ambroise est terminé. Mais, pendant ce temps, il a dû défendre le christianisme, l’orthodoxie et aussi la discipline ecclésiastique. En 381, il prend une part prépondérante au concile d’Aquilée ; de 383 à 387, il se trouve en relation avec Augustin et contribue à le convertir. A partir de 382, les sénateurs païens, sous la conduite de Symmaque, assiègent les différents empereurs pour obtenir le rétablissement dans la salle des séances de l’autel de la Victoire enlevé par l’ordre de Gratien. Par trois fois, Ambroise fait échouer leurs efforts. Puis il s’oppose aux tentatives de Justine et des Ariens pour se faire livrer l’une au moins des églises catholiques de Milan, la basilique Portia surtout, en 386, et institue, à cette occasion, le chant des psaumes et des hymnes à deux chœurs. Il proteste en 385, contre l’immixtion des évêques dans la condamnation à mort des priscillianistes, obtient de Théodose, en 388, que l’évêque de Callinicus ne soit pas obligé à rebâtir la synagogue juive détruite par les catholiques et - suprême triomphe - fait accepter à l’empereur de se soumettre à la pénitence publique pour le massacre de Tessalonique en 390. Sa mort se place le 4 avril 397. On célèbre sa fête le 7 décembre.


1 Deux garçons : Ambroise et Satyre ; une fille : Marceline.

2 L'apollina­risme est une hérésie christologique professée par Apollinaire de Laodicée qui refusait au Christ un âme humaine, jugée incompatible avec sa divinité.

3 Les ithaciens, disciples de l’évêque Ithace d’Ossonoba (Espagne), fort liés à l’usurpateur Maxime, qui prétendent que le pouvoir séculier doit régler les causes ecclésiastiques.

4 Valentinien I°  est  empereur d’Occident ;  Valens, son frère, gagné à l’arianisme, est empereur d’Orient. Valentinien meurt en 375, laissant deux enfants, l’un, Gratien, d’une première femme nommée Severa, l’autre, Valentinien II, d’une seconde  femme, Justine, gagnée elle aussi à l’arianisme.

5 Fils et successeur de Valentinien I°, il succéda à son père à l’âge de quatre ans et partagea l’empire d’Occident avec son frère Gratien.

6 Maxime fut proclamé empereur par les légions de Bretagne (383) et s’établit à Trèves.

7 Théodose, nommé Auguste par Gratien, reçut le gouvernement de l’empire d’Orient (379).

8 Symmaque rédigea une pétition, écrite, pour mission défendre « les institutions des ancêtres, les droits et les destinées de la patrie. » La pétition fut remise à l’Empereur par une délégation sénatoriale. « Eh quoi ! s'écriait Symmaque, la religion romaine est-elle mise en dehors du droit romain ? Les affranchis touchent les legs qui leur sont faits ; on ne conteste plus aux esclaves les avantages légaux que les testaments leur concèdent : ct de nobles vierges, les ministres d'un culte sacré, seraient exclus des biens qui leur arrivent par succession ? Que leur sert-il de dévouer leur chasteté au salut public, de donner à l'éternité de l'Empire la protection d'en haut, d'attacher à vos armes, à vos aigles, des puissances amies, de faire pour tous des voeux efficaces, s'ils ne jouissent même pas du droit commun ? » Et, évoquant la grande image de Rome, il lui faisait prononcer des paroles empreintes d’une majestueuse tristesse pour déplorer les at­ten­tats dont des traditions si vénérables étaient victimes. Lu dans le conseil de l'Empereur, la pétition produisit grand effet : chrétiens et païens parurent un instant d'accord pour donner une réponse favorable.

9 Julien l’Apostat, neveu de Constantin, avait cinq ans (337) lors­que le carnage dynastique qui suivit la mort de Constantin, le ren­dit spectateur de l'assassinat de toute sa parenté mâle, à l'excep­tion de son demi-frère Gallus. Très sensible et frustré d’af­fec­tion, il fut élevé par l'évêque arien Eusèbe de Nicomédie et un eu­nuque goth, Mardonius. Exilé avec Gallus dans la forteresse de Ma­cellum (Cappadoce), il y fut dans la solitude et y perdit la foi chré­tienne ; il s'enthousiasma pour la vieille religion païenne. Il com­mença à lire les auteurs païens dont le philosophe néopla­to­ni­cien Jamblique. En 351, libre de voyager, il gagna Constan­ti­no­ple et séjourna à Nicomédie, où il rencontra des disciples de Jam­bli­que qui l'initièrent aux mystères néoplatoniciens et à la ma­gie théurgique. En 354 Gallus fut exécuté et Julien fut emprisonné à Milan. Peu après, il obtint la permission de visiter les écoles phi­lo­sophiques à Athènes. Brusquement rappelé à Milan, il y reçut des missions militaires qu'il remplit avec succès. Vainqueur à Strasbourg (357), il rétablit l'administration romaine en Gaule et, à Lutèce, il fut proclamé empereur par l'armée (360). La guerre civile ne fut évitée que par la mort de Constance II (361). Unique empereur à la fin de 361, Julien se lança aussitôt dans l'appli­ca­tion de son programme de réforme. Son plan consistait à affaiblir l'Église de toutes manières et à organiser en contre-église le culte païen traditionnel. Pour faire pièce à l'universalité du christianisme, il favorisa les cultes des dieux locaux et nationaux ; il accorda aux Juifs une bienveillante indulgence, leur laissant espérer la reconstruction du Temple de Jérusalem. Il augmenta la confusion des chrétiens en rappelant sur leurs sièges les évêques ariens exilés, en privant l'Église de ses privilèges administratifs et financiers, en réservant les postes d'ensei­gnement officiels aux professeurs païens. Il chercha à rétablir partout le culte païen traditionnel, ordonna la réouverture des temples et l'organisation du clergé en église hiérarchisée ; il favorisa l'élaboration d'une théologie philosophique. Cette politique violemment antichrétienne le rendit très impopulaire. L'incident de Daphné (violation par Julien du tombeau du saint martyr Babylas, riposte des chrétiens par l'incendie du temple d'Apollon) illustre les difficultés qu'il rencontra. Il mourut le 26 juin 363 en combattant contre les Perses.

10 Saint Ambroise : lettre XVII, § 4 & 13.

11 Callinicos fut fondée par Alexandre le Grand qui lui don­na le nom de Nicéphorium. Séleucus Callinus, roi de Syrie (246-225), la restaura et l'appela Callinicos. Déjà fortifiée sous Julien l'Apostat, elle le fut encore davantage par Léon I° (457-474) ; c'est pourquoi des auteurs byzantins lui donnent aussi le nom de Léontopolis. Le site de la ville se trouve sur la rive gauche de l'Euphrate, à 15 km. à l'ouest du confluent du Bilichus (Bélik) avec le fleuve. La plaine voisine fut le théâtre de deux grandes batailles livrées aux Perses par Belisaire (531) et l'empereur Maurice (583). En 388, le comte d'Orient ayant accusé l'évêque de Callinicos d'avoir fait incendier la synagogue de la ville, l'em­pereur Théodose condamna le prélat à la reconstruire à ses frais.

12 En 392, nouvelle révolte d’Arbogast dans les Gaules. Valentinien II qui s’y est rendu, et qui sent sa vie en danger, appelle Ambroise pour lui donner le baptême. Ambroise part une troisième fois ; mais, avant qu’il arrive, Valentinien est assassiné à Vienne le 15 mai 392.

13 Théodose écrase Arbogast et Eugène à la bataille d’Aquilée en septembre 394.

14 Fils de Théodose et Flacilla, Honorius, consul à deux ans, fut Auguste à neuf ans et, à onze ans, succéda à son père comme empereur d’Occident (395-423) tandis que son frère aîné, Arcadius devenait empereur d’Orient.

15 Fénelon : Troisième dialogue sur l'éloquence.


Appréciation générale

Aucun évêque peut-être dans l’église n’a joui durant sa vie d’une autorité pareille à celle de Saint Ambroise. Autorité morale et qui lui conciliaient la noblesse de son caractère, la sainteté de sa vie, la fermeté et la droiture de sa conduite , mais aussi sa science des affaires et son art de gouverner. Ambroise, avant d’être évêque, avait été excellent magistrat : devenu homme d’église, il ne perdit pas ses premières aptitudes, il les élargit encore et devint un véritable homme d’Etat. Esprit éminemment pratique, pondéré, ayant puisé dans le droit le sens de la justice, mais tempérant par la charité ce que cette justice pouvait avoir de froid et de dur. Tous ceux qui l’approchèrent, subirent son influence ou même l’aimèrent passionnément. Gratien et Valentinien II furent presque ses pupilles ; Théodose le respecta et lui obéit ; Maxime et Justine le redoutèrent ; Augustin n’en parle qu’avec enthousiasme. Quant au menu peuple, à cette foule anonyme dont, tout le long du jour , il accordait les procès, elle lui était dévouée jusqu’au sang. « Si Ambroise levait le doigt, disait un jour Valentinien à ses courtisans, vous-même me livreriez à lui pieds et poings liés ». Il disait assez vrai. Milan était après Rome la véritable capitale de l’empire d’Occident, puisque l’empereur y séjournait. Ambroise qui en était l’évêque, fut, par son prestige personnel, le plus en vue des prélats latins.


Exégèse

Saint Ambroise est, dans son exégèse, généralement allégoriste, c’est-à-dire que au lieu d’expliquer, comme saint Chrysostome, le sens littéral du texte sacré, il y cherche plutôt les enseignements moraux et ascétiques cachés sous l’histoire et les faits, ou les mystères, les personnages chrétiens dont l’Ancien Testament nous présente la figure. Cette méthode exigeait de sa part moins d’études ; il en avait des modèles toit prêts : et d’autre part, elle lui paraissait plus propre à l’enseignement des fidèles. C’est une des raisons qui expliquent qu’il ait commenté plus volontiers l’Ancien Testament que le Nouveau , vis-à-vis duquel il était tenu à plus de réserve. Philon et Origène sont ses maîtres, bien qu’il se défende de suivre leurs excès. Ses commentaires ne sont d’ailleurs, la plupart du temps, comme beaucoup de ses autres ouvrages, que des réunions d’homélies ou de discours prononcés sur les Livres saints . Notons, parmi les plus intéressants, les six livres sur l’Hexammeron c’est-à-dire sur l’œuvre des six jours, ouvrage imité de Saint Basile, mais où il ne montre pas le même sens des beautés de la nature que l’auteur grec. Puis le plus long de ses traités, l’Exposé sur l’évangile de saint Luc en dix livres. Saint Augustin a formulé quelques réserves sur cet écrit, en raison probablement de l’idée qu’Ambroise s’y fait des peines de l’enfer. L’antiquité et le Moyen-Age l’ont cependant beaucoup lu et copié.


Dogme

Ambroise n’était pas préparé, au point de vue dogmatique, pour être un artisan de progrès, et il n’avait d’ailleurs aucun goût pour les spéculations abstraites. Foncièrement latin et romain, il visait simplement à se faire et à donner aux autres des conceptions nettes de ce qu’il faut croire, et allait tout de suite aux conséquences pratiques qu’on dit en tirer. C’est un catéchiste plus qu’un théologien. Parmi ses œuvres se trouvent quelques écrits doctrinaux: par exemple, un traité de la foi  , c’est-à-dire sur la trinité, composé pour Gratien en 376 et 379 ; un traité du Saint Esprit, calqué sur celui de Didyme l’Aveugle et composé pour le même Gratien en 381 ; deux livres Sur la pénitence (vers 384) , contre les novatiens; mais surtout le traité Des mystères (De mysteriis) qui expose, sous forme de catéchèse, la doctrine sur le baptême, la confirmation et l’eucharistie: petit livre d’une lecture extrêmement utile, et que l’on trouvera presque entièrement traduit dans l’ouvrage à citer de M. de Labriolle. La doctrine de la transsubstantiation s’y trouve enseignée au moins aussi clairement que dans les catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem. Assez semblable, pour le fond, au traité des mystères est un traité Des sacrements (De sacramentis) que l’on a souvent attribué à Saint Ambroise, et qui est imprimé parmi ses œuvres. On est d’accord actuellement pour lui en refuser la paternité, mais il paraît bien certain que l’auteur, quel qu’il soit, de cet écrit, peut-être du IV° ou du V° siècle, a puisé largement dans le traité de saint Ambroise et en a reproduit les idées.


Du bien de la mort (XII 52-55)

Avançons hardiment vers notre Rédempteur Jésus, rejoignons hardiment l'assemblée des saints, le concile des justes. Car nous irons vers ceux qui sont nos frères, vers ceux qui nous ont instruits dans la foi. Ainsi, même si nos œuvres sont insuffisantes, que la foi vienne à notre secours et préserve notre héritage. Le Seigneur sera la lumière de tous, et cette vraie lumière qui éclaire tout homme brillera pour tous. Nous irons là où le Seigneur Jésus a préparé des demeures pour ses serviteurs, afin que là où il est, nous soyons nous aussi, car telle est sa volonté. Quelles sont ces demeures ? Écoutons-le en parler : Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures. Et il nous dit ce qu'il veut : Je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez vous aussi.

Mais, direz-vous, il ne parlait ainsi qu'à ses disciples, c'est à eux seuls qu'il promettait ces nombreuses demeures ; et où voyez-vous qu'on viendra de partout prendre part au banquet dans le royaume de Dieu ? Comment pouvez-vous mettre en doute l'efficacité de la parole divine ? Pour le Christ, vouloir, c'est réaliser. Enfin il a montré le lieu et le chemin, quand il a dit : Où je vais, vous le savez, et vous savez le chemin. Le lieu, c'est chez le Père ; le chemin, c'est le Christ, comme il l'a dit lui-même : Moi je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi.

Entrons dans ce chemin, attachons-nous à la vérité, suivons la vie. Le chemin est ce qui conduit, la vérité est ce qui affermit, la vie est ce qui se donne de soi-même. Et pour que nous comprenions bien ce qu'il veut, il ajoutera plus loin : Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, pour qu'ils contemplent ma gloire. Il est beau de voir que ce qu'il avait promis auparavant, maintenant il le demande. En effet, parce qu'il avait promis d'abord et qu'il demande maintenant, et non pas le contraire, on voit qu'il a promis d'abord comme étant maître du don, conscient de sa puissance ; ensuite il a demandé au Père, comme étant l'interprète de la piété filiale. Il a promis d'abord, pour que vous reconnaissiez son pouvoir. Il a demandé ensuite, pour que vous compreniez sa piété envers le Père.

Nous vous suivons, Seigneur Jésus. Mais pour que nous vous suivions, appelez-nous, parce que, sans vous, nul ne montera vers vous. Car vous êtes le chemin, la vérité, la vie. Vous êtes aussi notre secours, notre foi, notre récompense. Ceux qui sont à vous, accueillez-les, vous qui êtes le chemin ; fortifiez-les, vous qui êtes la vérité ; vivifiez-les, vous qui êtes la vie.

Saint Ambroise


De officiis ministrorum (II, 28)

Le principal aiguillon de la piété, c'est la compassion que nous avons pour les malheurs d'autrui, et qui nous induit à les aider dans la mesure où nous le pouvons. Mieux vaut être miséricordieux et nous créer des ennuis ou même nous exposer à la jalousie, que de nous montrer inhumains. C'est ainsi que naguère nous avons été en butte aux traits de l'envie pour avoir brisé les vases sacrés et les avoir fait servir à la rançon des captifs ; - ce qui pouvait déplaire aux Ariens. Et encore n'était-ce pas tant le fait même qui les choquait ; mais ils étaient heureux de trouver en nous un point vulnérable...

Nous avions eu de bonnes raisons d'agir ainsi. Mais nous ne manquâmes pas de dire et de répéter au milieu du peuple que mieux valait conserver des âmes au Seigneur que de sauver des trésors. Celui qui envoya ses apôtres sans or n'a pas eu besoin d'or pour former son Eglise. L'Eglise a de l'or, non pour le garder mais pour le répandre et venir en aide aux malheureux. A quoi bon garder ce qui ne sert à rien ?.. Le Seigneur ne nous dirait-il pas : Pourquoi as-tu laissé mourir de faim tant de nécessiteux ? Puisque tu avais de l'or, tu devais pourvoir à leurs besoins. Pourquoi tant de captifs ont-ils été vendus à l'encan, ou mis à mort faute d'avoir été rachetés ? Mieux valait conserver ces vases vivants que des vases de métal. A cela il n'y aurait rien à répondre. Que dire, en effet ? Je craignais de laisser sans ornement le temple de Dieu ? - Mais les sacrements n'exigent pas de vases d'or ; ce n'est pas de l'or que tire son prix ce qui ne s'achète pas avec de l'or. L'ornement des cérémonies saintes, c'est le rachat des captifs. Voilà les vases vraiment précieux qui rachètent les âmes de la mort... Qu'il est beau, quand une foule de captifs sont rachetés par l'Eglise, de pouvoir dire : Ceux-là, c'est le Christ qui les a rachetés... Le meilleur emploi de l'or du Rédempteur, c'est d'en user pour la rédemption de ceux qui sont en péril.

Saint Ambroise


St Ambroise vu par St Augustin

Je considérais Ambroise lui-même comme un homme heureux, au regard du monde, d'être si fort honoré par les plus hauts personnages. Il n'y avait que son célibat qui me paraissait chose pénible. Quant aux espérances qu'il portait en lui, aux combats qu'il avait à soutenir contre les tentations inhérentes à sa grandeur même, aux consolations qu'il trouvait dans l'adversité, aux joies savoureuses qu'il goûtait à ruminer Votre Pain, avec cette bouche mystérieuse qui était dans son cœur ; de tout cela je n'avais nulle idée, nulle expérience.

Et il ignorait pareillement ces agitations et l'abîme où je risquais de choir. Il m'était impossible de lui demander ce que je voulais, comme je le voulais ; une foule de gens affairés, qu'il aidait dans leur embarras, me dérobait cette audience et cet entretien. Quand il n'était pas occupé d'eux, il employait ces très courts instants à réconforter son corps par les aliments nécessaires, ou son esprit par la lecture.

Lisait-il, ses yeux couraient sur les pages dont son esprit perçait le sens ; mais sa voix et sa langue se reposaient. Souvent quand je me trouvais là, - car sa porte n'était jamais défendue, on entrait sans être annoncé, - je le voyais lisant tout bas et jamais autrement. Je demeurais assis dans un long silence, - qui eût osé troubler une attention si profonde ? - puis je me retirais, présumant qu'il lui serait importun d'être interrompu dans ces rares moments dont il bénéficiait pour le délassement de son esprit, quand le tumulte des affaires d'autrui lui laissait quelque loisir.