1er décembre

Saint Eloi

Saint Eloi était orfèvre et peut être a-t-il lui-même introduit cet art en Limousin ;  on sait, en effet, qu'au X° siècle, l'abbaye Saint-Martial de Limoges devint un foyer de joaillerie et d'émaillerie : les moines travaillaient l'or et l'argent et fabriquaient des châsses, des coffrets eucharistiques, des statues de saints, des anneaux d'évêque qu'ils ornaient de camées et de pierres précieuses. Plus tard ils ajouteront les émaux, cloisonnés, puis champlevés, qui décoreront merveilleusement les devants d'autels, les crucifix et les vases sacrés.

Eloi, homme des VI° et VII° siècles (né vers 588 à Chaptelat et mort à Noyon le 1° décembre 660), ne connaissait pas encore tous ces raffinements ; du moins, savait-il bien son métier auquel l'avait formé un certain Abbon, de Limoges. Bientôt pourtant il monta l'exercer à Paris et se mit au service de Bobon, le trésorier royal. Un jour le roi Clotaire II vint lui commander un trône d'or incrusté de pierreries, lui fournissant très largement à cette fin le métal précieux nécessaire. Le jeune orfèvre se mit donc au travail et usa des maillets et des bigornes, emboutit et souda, martela et cisela, ragréa et brunit. Mais une fois terminé le siège royal du mérovingien, demeurait encore disponible une quantité d'or. Aussi l'honnête Eloi fabriqua-t-il un second siège qu'il dora avec ce qui restait de métal précieux et, lorsque le souverain reçut livraison de sa commande, quelle ne fut pas sa surprise de recevoir deux... dagoberts au lieu d'un simple trône.

Frappé par l'intégrité de cet artisan, Lothaire en fit son conseiller et ministre. Eloi conservera cette charge lorsque Dagobert succédera plus tard à son père. Le rôle qu'il eut à jouer ne fut d'ailleurs pas toujours facile et, maintes fois, il lui fallut remettre à l'endroit non point tant la culotte que les idées et les mœurs du roi. Dans sa tâche, Eloi était appuyé par deux bons amis, le trésorier Didier ou Géry et le référendaire Dadon nommé aussi Ouen, qui tous deux devinrent dans la suite de saints évêques, le premier à Cahors et le second à Rouen.

A plusieurs reprises, Eloi exerça des missions diplomatiques. Mais il surveilla surtout la frappe des monnaies (il reste encore des pièces portant sa signature). En même temps, il continuait ses travaux d'orfèvrerie, ornant des tombeaux de saints comme ceux de saint Germain, de saint Séverin, de saint Lucien, de sainte Geneviève et surtout ceux de saint Martin et de saint Denis.

Homme de cour et artiste, Eloi n'en demeurait pas moins un chrétien vertueux, aussi scrupuleux à suivre l'Evangile qu'à ménager l'or qu'on lui confiait. Afin de mieux aider les pauvres, il délaissait les vêtements somptueux et leur préférait des habits moins coûteux sous lesquels, d'ailleurs, il portait cilice. Il usait surtout de miséricorde envers les prisonniers de guerre tombés en esclavage. Il en rachetait jusqu'à cinquante à la fois qu'il renvoyait chez eux ou qu'il gardait auprès de lui et beaucoup d'entre eux devinrent prêtres ou moines. Dagobert ayant donné à son ministre la terre de Solignac, celui-ci y bâtit un monastère. Il en installa encore un autre à Paris dans sa propre demeure et, comme ces saints dont il honorait les reliques, il accomplissait lui-même des miracles : boiteux guéri, paralytique remis sur pied, main desséchée rendue à la santé, vin multiplié pour les pauvres.

A la mort de Dagobert, avec Ouen son ami, Eloi entra dans la cléricature. Comme les sièges de Rouen et de Noyon étaient devenus vacants, ils en furent sacrés évêques, le 13 mai 641, en la cathédrale de Rouen. Le diocèse de saint Eloi comprenait alors non seulement le Vermandois, mais encore une partie de la Belgique actuelle avec les villes de Tournai, de Courtrai et de Gand. Il s'installa donc à Anvers et se lança dans l'apostolat missionnaire auprès des Flamands, des Suèves et des Frisons. Il rechercha aussi et retrouva les corps de plusieurs martyrs, par exemple de saint Quentin à Vermand et de saint Piat à Seclin. Il prêchait beaucoup, reprenant à son compte les sermons de saint Césaire d'Arles ; il assistait également aux conciles (il prit part notamment à celui de Châlon-sur-Saône en 650) et en faisait appliquer les décrets. Il restait cependant le conseiller des grands, d'Erchinoald, par exemple, le maire du palais de Neustrie ou celui de la reine Bathilde, épouse de Clovis II. Sur son chemin fleurissaient les prodiges : guérisons de malades ou délivrances de possédés. Ne raconte-t-on pas encore que voulant un jour donner une leçon à un maréchal-ferrant trop prétentieux, il lui aurait montré de façon singulière comment ferrer un cheval : Eloi trancha la patte de l'animal, la ferra puis la remit en place sans que la bête en éprouvât du désagrément. On comprend dès lors pourquoi saint Eloi est devenu le protecteur des chevaux et le patron des maréchaux-ferrants, des maquignons, des cultivateurs, des vétérinaires ainsi que de tous les corps de métiers qui, jadis, avaient de près ou de loin un rapport avec les chevaux (et maintenant avec les chevaux-vapeurs) : bourreliers, charrons, carrossiers, charretiers, mécaniciens et garagistes.

Saint Eloi, s'étant un jour aperçu que la façade de la basilique Saint-Médard de Noyon menaçait ruine, prescrivit de la réparer et, malgré la saison, fit hâter les travaux : il savait, en effet, que sa fin était proche. Peu après, en effet, le 1° décembre 660, il rendait son âme à Dieu tout joyeux d'entrer en l'éternelle béatitude. Prévenue, la reine Bathilde vint assister à ses funérailles. Lorsqu'un an plus tard on voulut donner au saint une sépulture plus digne de lui, on retrouva son corps intact. Un siècle après, son nom figure au martyrologe et, au Moyen-âge, maintes corporations le prendront pour patron, notamment celles des orfèvres, des joailliers et des doreurs qui voudront honorer leur ancien collègue, mais encore celles des gens qui travaillent de moins nobles métaux comme les serruriers et les quincailliers : mais qui protège plus peut aussi protéger moins.

Honnête en son métier, ministre et monétaire intègre, saint Eloi fut également honnête et intègre avec Dieu. Ainsi la sainteté surnaturelle va-t-elle de pair avec les vertus humaines : qui ne trompe pas les hommes ne trichera pas non plus avec Dieu, et la réciproque sera vraie !